La victoire du NFP au second tour des élections législatives a fait souffler un vent de soulagement et de joie aux quatre coins de la France. À Paris, des milliers de personnes se sont retrouvées sur la place de la République pour partager cet élan de joie et d’espoir collectif. Mais ces scènes de liesses populaires diffusées sur les réseaux n’ont pas semblé émouvoir plus que cela une certaine partie de « l’extrême gauche ». Certain.es y voient même une forme de renoncement à la lutte, la vraie, celle qui devrait se fait dans la colère. Il n’y aurait rien à célébrer ce dimanche 7 juillet au soir.
Bien évidemment qu’on ne peut pas se satisfaire entièrement de la « victoire » électorale du NFP. Le RN a encore augmenté son nombre de députés à l’assemblée nationale et plus de 10 millions de Français ont glissé un bulletin de vote raciste dans l’urne. Mais est ce que cela enlève la beauté de ce qu’il s’est passé ce dimanche soir place de la République ? Et surtout, quelles leçons devons-nous tirer de ce qu’il s’est passé ce soir-là ?
Que les milliers de personnes qui se sont retrouvées place de la République pour se sentir ensemble dans une forme de communion sont toutes bernées par cette fausse victoire du NFP ? Qu’en célébrant cette victoire les manifestant.es ne faisaient qu’entretenir le jeu de la démocratie bourgeoise ? (alors que les vrais radicaux, eux, se trouvaient de l’autre côté de la place sous des kways noirs à s’affronter avec la police ?)
Il semble important de rappeler qu’il n’y a pas d’acte radical en soit. La radicalité d’une action, d’un geste, se mesure à ce qu’elle aura permis de transformer par la suite. À partir de là, est-ce que les scènes subversives de ce dimanche soir, plutôt que les quelques épisodes de confrontation avec la police, ne sont pas plutôt tous ces moments où des inconnues se sont serrés dans les bras et se sont rendus compte que nous sommes des milliers à avoir les larmes aux yeux en imaginant qu’un monde plus juste et plus égalitaire voie le jour.
Est-ce que ces moments de joie et d’espoir n’étaient pas précisément ce que nous avions besoin ? Plutôt qu’un renoncement à la lutte n’était-ce pas plutôt un moment précieux pour reprendre des forces ?
Car des forces il va nous en falloir pour faire plier les forces réactionnaires qui ont mis en place un système répressif toujours plus efficient pour mâter toutes nos possibilités de révoltes.
Si nous voulons avoir une chance de bouleverser profondément le cour des choses, il nous faut avoir confiance en nous, en notre force, en notre beauté, en notre dignité. Sans tomber dans une forme de chauvinisme, nous étions nombreux.ses à ressentir ce sentiment d’être fier de nous, habitant.es du territoire français, avec ou sans papiers, aux parcours, aux vécus, aux origines, aux sexualités différentes mais pourtant main dans la main pour un monde plus juste, plus égalitaire, plus beau.
L’idée de ce texte n’est pas de mettre en opposition des pratiques (danser, se prendre dans les bras Vs. casser, se confronter à la police) mais plutôt de questionner le sens de certaines pratiques dans un contexte donné, c’est-à-dire de développer une approche stratégique à nos actions. La recherche coûte que coûte de conflictualité violente, peu importe la situation, ne peut qu’entraîner notre propre isolement.
Pourtant il n’est absolument pas question ici de « perdre en radicalité ». Mais nous avons simplement pris le mauvais réflexe d’assimiler une action radicale à une action violente alors qu’il y a bien de la radicalité ailleurs, là où ne l’attend pas. Ne tombons pas dans les travers des manifestant.es non violents qui ne légitiment que leur propre manières de faire et qui glorifient certains modes d’action.
Il est certain que le NFP à lui seul ne portera pas une rupture avec un ordre capitaliste, raciste, hétérosexiste et validiste. Il en va de notre responsabilité d’apporter de la conflictualité mais c’est aussi à nous de reconnaître que celle-ci peut s’incarner de pleins de façons différentes. Dans un espace médiatique et politique qui ne cesse de dresser des barrières, il y a bien de la conflictualité à se retrouver toustes ensemble pour se serrer dans les bras. Il y a de la conflictualité à construire un NOUS.
Laissons de la place à la joie dans nos luttes.