Chemin faisant, les Soulèvements de la Terre sont parvenus à rassembler une large diversité de composantes qui, lorsqu’elle fait corps sur le même front, est en mesure de produire des basculements. C’est ce qui s’est produit lors de la manifestation contre les méga-bassines à Sainte-Soline le 31 octobre dernier.
Que fleurissent mille Sainte-Soline !
En ces temps de sécheresse historique et de calamités publiques, nous invoquons Sainte-Soline. Ne pas se murer dans la peur et la sidération. Se retrouver par milliers pour prendre d’assaut une infrastructure emblématique de la privatisation de notre bien commun le plus précieux. Ne pas se contenter de tribunes, de pétitions, de manifs-promenades, mais porter ensemble des gestes impactants qui matérialisent notre détermination à ne pas les laisser ravager le monde.
Dans ce petit village du Mellois, des habitant.e.s et des paysan-ne-s, des élu.e.s et des activistes, des personnes de tout âge et de tout horizon, dans une dynamique de désobéissance de masse, bravent les interdictions préfectorales, déjouent un dispositif policier ahurissant, arrachent les grilles et pénètrent le chantier. Elles démontrent ainsi que nous sommes capables de défaire ce qui nous détruit, que nous pouvons retrouver une prise sur la catastrophe, que nous ne les laisserons plus faire. Aujourd’hui, le projet de méga-bassines vacille face à l’explosion des coûts de sécurisation et l’hostilité publique croissante dont il fait l’objet. La victoire est à portée de main. Le 25 mars prochain sera déterminant.
Ainsi, une lutte « locale » contre un projet précis dans les Deux-Sèvres peut peser de tout son poids dans le rapport de force global. Les journées de Sainte-Soline portent une affirmation : pas question de subir les choix gouvernementaux face à la sécheresse ! À nous de rendre incontournables des décisions salutaires sur les usages prioritaires d’une eau qui se raréfie, à nous de restreindre la voracité industrielle qui assèche la terre, à nous d’y opposer de toutes nos forces la défense des communs, de nos besoins et de ceux de l’agriculture paysanne.
Rebonds
Des basculements comme celui de Sainte-Soline, il est urgent d’en opérer sur bien d’autres fronts pour la défense de la terre : empoisonnement généralisé par les pesticides, fermes-usines et agriculture numérique, ensevelissement sous le béton des forêts, des zones humides et des parcelles agricoles, dévastation de la biodiversité... Ces gestes sont partout à notre portée pour peu que nous parvenions ensemble à nous départir de l’impuissance et de l’éco-anxieté, à bâtir de larges alliances et à établir des stratégies de résistance efficaces. C’est là le pari des Soulèvements de la Terre. Et c’est précisément la crainte de ceux qui planifient le désastre et en tirent profit.
Alors, comme à chaque fois qu’ils ont peur, c’est tout l’appareil répressif qui se met en branle. Vient le temps des procès, des mouchards technologiques et de l’espionnage intime, des rapports de la DGSI, des accusations vociférantes d’éco-terrorisme et des menaces de dissolution. Mais nous ne sommes pas une « organisation terroriste ». De même que nous ne sommes pas un « groupuscule d’ultragauche ». Nous sommes bien plus un mouvement de résistance composite et désormais largement soutenu.
En témoignent les vastes coalitions qui organisent localement chacune des actions, mais aussi la tribune de soutien de janvier dernier signée en 48h par plus de 3000 personnalités, dont une myriade de syndicalistes, d’élu.es, de scientifiques ou d’universitaires[1]. Même la récente note de la DGSI le concède, nous décrivant comme un mouvement « transcendant les appartenances d’origine et les divergences de stratégie », capable « de fédérer le plus grand nombre possible de militants et groupes issus d’horizons idéologiques différents. »
Dans les Soulèvements de la Terre, les liens se forgent au gré des luttes, des rencontres, des voyages et des aventures. Au fil des saisons d’actions se tissent de solides alliances entre territoires et collectifs. Et cela rien ni personnes ne pourra le dissoudre. Notre identité politique est sans cesse renouvelée par l’enchevêtrement de nos sensibilités et de nos pratiques concrètes. Elle échappe à toute étiquette. Fort.e.s de ces ancrages, nous ne nous laissons pas impressioner par les invectives et les menaces d’où qu’elles viennent et lançons la cinquième saison d’action !