Feuilles Antarctiques 1 - Contre le SNU
Feuilles Antarctiques 2 - Autour de l’antipsychiatrie
Feuilles Antarctiques 3 - Spécial survivre
Feuilles Antarctiques 4 - Spécial Émeutes
Feuilles Antarctiques 5 - Spécial Encampement
Feuilles Antarctiques 6 - Spécial Société assurantielle
Feuilles Antarctiques 1 - Contre le SNU
La première de ces "Feuilles Antarctiques" concerne le Service national universel (SNU) et son refus.
L’ensemble des documents proposés est édité dans le pdf qui peut être téléchargé ici
Cette semaine, pour inaugurer la première des Feuilles Antarctiques des Fleurs Arctiques, nous vous proposons de nous intéresser d’un peu plus près au SNU (Service National Universel).
Promesse de Macron depuis la campagne présidentielle de 2017, soutenue par toute la classe politique, de gauche à droite, le SNU a bien commencé à se mettre en place. L’année dernière déjà, des enfants entre la troisième et la seconde ont suivi cette nouvelle forme du service militaire. Jusqu’à son statut obligatoire prévu pour 2022 pour les 400 000 enfants de cette classe d’âge, le SNU est pour l’instant « sur la base du volontariat ». C’est-à-dire sur la base de la pression familiale, publicitaire et scolaire qui incite à se porter volontaire pour profiter de cette occasion pour voyager, apprendre à devenir un bon citoyen, à respecter la nation, l’armée et les couleurs du drapeau. Bref, ce discours promotionnel plein de patriotisme et de sens du devoir envers la nation devrait déjà faire réagir n’importe quelle personne qui s’intéresse un tant soit peu aux questions antimilitaristes et antiautoritaires. Le SNU, encore donc en phase de test, est nouveau pour beaucoup, mais la question du refus du service militaire elle, ne date pas d’hier. C’est l’occasion de se replonger dans toutes les questions qui ont traversées le siècle dernier, la désertion, la mutinerie organisée, ou encore plus récemment l’objection de conscience et l’insoumission. Si l’année dernière l’étape en caserne s’était déroulée en pleine période de canicule, donnant lieu à de nombreux évanouissements et malaises, cette année, le SNU va devoir s’accorder avec la pandémie de SARS-CoV-2 en cours. Mais hors de question pour Gabriel Attal, chargé de la mise en place du SNU, de l’annuler pour autant. On ne perd pas aussi facilement l’occasion d’endoctriner une génération d’adolescents !
Pour le moment, ce qui semble s’organiser pour cette prochaine phase de test prévue pour concerner plusieurs dizaines de milliers de « volontaires », c’est l’inversion des périodes de service civique et d’entrainement militaire, afin de mettre à exécution un des objectifs du SNU : mettre à disposition du gouvernement toute une population de jeunes gens entraînée et dévouée pendant une situation de crise. Une armée de réserve jeune et dynamique, en quelque sorte, qui ici mettrai ses membres au pas de charge face au nouveau coronavirus, dans les hôpitaux, pour des dépistages à domicile, pour la nation ! Avec un peu de chance, leur seront distribués des petits masques bleus-blancs-rouges « SNU »... Une chose est sûre, un des objectifs du SNU sera aussi de mettre au pas et à la discipline tout une génération, de « tenir les jeunes », cette population incertaine et imprévisible dont sont partis les mouvements les plus offensifs de ces 20 dernières années. L’ordre, l’apprentissage des bonnes manières et la tenue sont les objectif principaux de ce service militaire moderne, mélangés à l’apprentissage des premiers secours et à des cours de code de la route. Tout semble être mis en œuvre pour que ces objectifs soient atteints, même si cela doit faire prendre des risques sanitaires évident à toute une partie de la population.
Nous vous proposons donc quelques textes autour de cette question, que nous avons déjà abordée à la bibliothèque à l’occasion de discussions, projections et permanences. Ils ont été écrits avant que l’épidémie ne commence à se propager et il faut donc comprendre que les informations sur le prochain cycle du SNU ne sont pas forcément à jour. Aussi, les textes proposés ici ne sont pas tous les textes cri-tiques du SNU, il en existe évidemment bien plus même si, pour l’instant, le SNU est un sujet assez peu abordé par le milieu anti-autoritaire. Nous attendons vos retours et vos réflexions à la lecture de ces textes. Et si vous en connaissez d’autres intéressants sur cette question, n’hésitez pas à nous les faire parvenir !
Pour commencer, il serait possible de relire les deux appels à discussions sur le SNU, le premier appelé Contre le service militaire 2.0, contre l’encasernement, pour l’insoumission. Le suivant, Objection, insoumission et anti-militarisme qui appelait plus largement à réfléchir sur les luttes antimilitaristes et les moyens collectifs et individuels de se soustraire aux services militaires des an-nées passées. Si l’on souhaite se replonger dans les écrits anarchistes des siècles précédents, il est toujours intéressant de relire Dieu et l’État de Michel Bakounine, que nous avions pu lire en groupe de lecture au début de l’existence de la bibliothèque. Et si vous le connaissez déjà par coeur, relisez au moins le chapitre « La nouvelle Eglise : l’Ecole », qui réfléchit à la question de ce qu’est l’école, l’éducation, et son lien avec l’État. Si Bakounine s’intéressait à cette institution nouvelle qu’était alors l’école publique, gratuite et obligatoire, tout en réfléchissant à des questions bien plus intemporelles, on pourrait aussi s’interroger sur les transformations récentes de l’école en France.
Si l’école s’adapte toujours aux besoins du capitalisme en terme de mains d’oeuvre notamment, l’école d’aujourd’hui n’est plus le lieu où l’on forme les ouvriers qualifiés mais plutôt où l’on cherche à faire des travailleurs qui ont ou non des « compétences », notion désormais centrale dans la rhétorique de l’Education Nationale ces dernières années. Pour approfondir cette idée, on pourra notamment lire L’école est un piège, une chausse-trappe à enfants, écrit pour nourrir la discussion du 29 mars 2016, appelée « Identité, pédagogie, racisme et école de la République », proposée à l’ancienne bibliothèque anarchiste La Discordia. Il serait aussi intéressant de lire les différents textes que l’on peut trouver dans la rubrique « Contre le SNU, contre l’État » sur le site Non Fides. On y trouvera par exemple quelques affiches détournées de l’armée, à lire, imprimer et coller à volonté. On peut aussi y retrouver quelques noms d’associations qui , par un partenariat officiel et public avec l’État, travaillent à la mise en place du SNU.Dans cette liste (Croix Rouge Française, Animafac, Croix Blanche, UCPA, etc..), on y retrouve aussi des noms cé-lèbres dans la collaboration étatiques pour la gestion des prisons ou des CRA. Dans le numéro 0 du zine La Sinse, sorti en décembre dernier, on retrouve la liste de ces associations, accompagnée d’une petite réflexion sur La militarisation de nos vies. On pourrait aussi lire le tract intitulé Refusons le SNU !, écrit par Des passagers-clandestins-d’une-socié-té-à-l’amélioration-et-à-la-générosi-té-de-laquelle-ils-ont-renoncé, et qui a été distribué à l’occasion des manifestations de ces derniers mois pour la réforme des retraites. Enfin, il serait dommage de rater les deux textes sur le SNU dans le numéro 2 du journal De Passage. L’un écrit par les Jeunes Libertaires de Toulouse appelé sobrement Contre le SNU !. L’autre écrit par De Passage et publié sous le titre "La gâchette et l’acné", avec le sous-titre "Le SNU considéré comme un arbre et les dispositifs Armée – Jeunesse comme une forêt", réfléchit au lien historique entre la jeunesse et l’armée. Ces deux textes sont disponibles à la deuxième page du numéro 2 du journal.
En complément de ces propositions de lecture, on pourra écouter l’émission de radio Des cailloux dans l’engrenage du mercredi 20 mai, dédiée spécialement au SNU : Non au service national universel (à 16 ans), émission initialement prévue pendant le confinement. Elle se propose d’analyser cette nouvelle forme d’embrigadement militarisant et la manière dont elle s’adaptera à la pandémie en cours. Le son est accessible sur le site de l’émission ou directement ici. Pour terminer, et pour réfléchir plus largement aux questions de l’enfance, de la famille, de l’enfermement, de l’aliénation par l’école et l’armée, on vous recommande le film The Wall que nous avons déjà projeté il y a deux ans.
N’hésitez pas à nous faire des retours sur ces propositions ou à nous en faire d’autres complémentaires.
Feuilles Antarctiques 2 - Autour de l’antipsychiatrie
La deuxième de ces « Feuilles Antarctiques » aborde (partiellement bien sûr) la vaste question de l’anti-psychiatrie que la période actuelle et les problématiques nombreuses liées au soin appelle à retraverser.
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Pour ce deuxième numéro des Feuilles Antarctiques, nous avons compilé quelques textes, qui ne sont évidemment pas exhaustifs, autour de l’anti-psychiatrie. Nous avons entamé (et comptons approfondir) une réflexion autour du sujet à l’occasion d’un groupe de lecture et de certaines projections du ciné-club. La crise du Covid et sa gestion, en rendant toutes les formes d’enfermement encore plus carcérales, en exacerbant les pratiques de tri des vies selon leur valeur sociale, en coupant tout un chacun de l’enchevêtrement de liens qui sont tissés quotidiennement entre les êtres, en imposant des mesures sanitaires dans l’urgence et, souvent, de façon différenciée selon les populations, ont évidemment affecté la façon dont fonctionne la psychiatrie. C’est ce dont rend compte Cécile Andrzejewski dans « Psychiatrie : Avec le confinement, on revient à quelque chose d’asilaire », un article paru sur Mediapart pendant le confinement. En même temps, l’anti-psychiatrie, qui désigne un ensemble de pratiques et de théories refusant d’isoler le soin d’une critique en profondeur de l’institution psychiatrique depuis le début du XXe siècle, est de même aux prises avec la crise sanitaire – ce sur quoi revient Mathieu Bellahsen dans l’article « Psychiatrie confinée et nouvelle anti-psychiatrie covidienne (2020) ». En effet, les pratiques psychiatriques ont été bouleversées par les différentes crises historiques, notamment au XXe siècle où la mise en crise des institutions et pratiques psychiatriques forme le terrain du courant appelé « anti-psychiatrie » : l’histoire de ce courant n’est pas distincte des moments où les pratiques de soin se retrouvent acculées à la nécessité de se réinventer quand les logiques gestionnaires et institutionnelles se durcissent, parfois au point d’amener des milliers de « fous » à une mort certaine, tel que cela fut le cas en Europe durant le Seconde Guerre Mondiale (nous partageons dans ce numéro un texte paru dans Chimères en 1996, qui revient sur cette « extermination douce » qui a eu lieu en France sous Vichy). C’est justement durant cette période, sous Vichy, et après la guerre, que se constituent des expériences de « psychothérapie institutionnelle », autour de Lucien Bonnafé, Francesc Tosquelles et Jean Oury, notamment, et qui donneront lieu à la création de la clinique de La Borde. La « psychothérapie institutionnelle » considère que ce sont l’institution et les relations de groupe en son sein qui sont à soigner – notamment la relation figée entre le médecin et le patient. Le soin veut y être expérimenté collectivement, comme un champ de recherches refusant la standardisation médicale des patients et des remèdes : il n’existe jamais de réponse générique à la souffrance individuelle – ce que nous retrouvons exprimé dans la Lettre à Monsieur le législateur de la loi sur les stupéfiants d’Antonin Artaud (1925). Nous joignons également à cette feuille un chapitre du livre La Borde ou le droit à la folie (à lire dans le pdf qui accompagne cet article) que nous avions lu lors d’un groupe de lecture et qui revient sur cette tentative refusant d’isoler la critique émise par l’anti-psychiatrie d’une critique de l’ensemble des mécanismes sociaux. Cependant, la critique du regard générique de la psychiatrie sur la souffrance s’accompagne également d’un refus de ce qui serait une absence de soin par égard pour une « libre souffrance de l’individu ». C’est au contraire la question d’un soin recherché en permanence par écoute, tentatives, essais, qui est mise en place à La Borde. Il s’agit en quelque sorte d’inventer un regard et des modalités de relations – malléables – entre soignants et soignés qui soient toujours ouverts, jamais définitifs, à la situation particulière. De la recherche d’un tel regard ont pu émerger, à La Borde, un ensemble de façons de parler et de penser qui ont influencé, entre autres, Deleuze et Guattari dans leurs écrits communs. Nous joignons à cette feuille un chapitre de Mille Plateaux (idem) critiquant la psychanalyse freudienne et sa tendance à imposer à tous le même schéma œdipien, « Un seul ou plusieurs loups ? »
Nous vous proposons également une compilation de textes de présentation de film du ciné-club des dernières années, centrés sur la question de la folie, de la singularité et de l’institution psychiatrique : L’Armée des douze singes de Terry Gilliam, Morse de Tomas Alfredson, Le Cabinet du Dr. Caligari de Robert Wiene, Rouge comme le ciel de Cristiano Bortone, Bug de William Friedkin, Créatures Célestes de Peter Jackson, La Colline a des yeux de Wes Craven, Carrie de Brian de Palma, Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hopper et The Machinist de Brad Anderson.
Feuilles Antarctiques 3 - Spécial survivre
La troisième de ces « Feuilles Antarctiques » aborde le thème de la survie, dans ce monde ou dans un autre, et son lien avec la question révolutionnaire.
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"La vraie vie est absente"
La vraie vie est ailleurs... Mais où ? Où donc ?
Ici ! Puisque c’est du présent dont nous sommes en permanence séparés... « Nous ne sommes pas au monde », écrit Rimbaud, juste après « la vraie vie est absente », esquissant d’un coup la tension entre l’utopie et ce présent où « nous ne sommes pas au monde ». Si nous ne sommes pas au monde, alors c’est à l’être, ici et maintenant, que nous cherchons ; et ce serait alors cela que pratique toute tension révolutionnaire qui ne sépare pas le désir de « changer la vie » de celui de « transformer le monde » – intégralement, et non pas sur des morceaux de terre étroits. Aux Fleurs Arctiques, cela fait justement un certain temps que des discussions confrontent la perspective révolutionnaire à toutes ces formes d’ailleurs, qui se situent soit hors du temps (avenir, religion, morales...), soit qui se replient sur des refuges du présent (pensées de l’alternative, de la sécession, de la destitution...) – une discussion « La révolution est-elle un mirage ? » poursuivait la lecture d’un texte du Rétif « Vers les mirages » en voulant chercher les possibles (sans limites !) à même le présent. Un poème de 1844 de Heine, que nous joignons à ce troisième volet des Feuilles Antarctiques, et qui débute le recueil de poésies romantiques et ironiques Germania, "Un conte d’hiver", relie le désir révolutionnaire à un refus de « cette survie », de cette vie de labeur et de misère, où il n’y a pas de « pois gourmands » pour tout le monde... Il nous semble justement intéressant de proposer des pistes pour commencer à développer en ce moment une réflexion critique autour de la « survie », qui pourrait se poursuivre lors des permanences actuelles, par mail, ou au fil des Feuilles Antarctiques qui continueront à être partagées tous les lundis, et dont nous espérons des échanges quant aux pistes de réflexion !
Critiquer, dans une perspective révolutionnaire et réellement émancipatrice, la survie, en tant que réduction et abaissement des possibilités de la vie humaine, c’est justement s’opposer à tout ce qui, dans les logiques gestionnaires (exacerbées par la pandémie et la crise économique) mesurent, évaluent, jugent et trient des vies pour la simple survie du système capitaliste – édictant la survie de telle vie pouvant produire de la valeur, anéantissant des vies jugées inutiles. La critique matérialiste de Fredy Perlman dans La reproduction de la vie quotidienne (1969) nous semble à même d’offrir des outils pour penser une critique de la survie sans réintroduire des formes de jugement sur la vie qui opposeraient telle vie à telle autre en les hiérarchisant, et en finissant dans ce couperet moral : voici ce qui vaut la peine d’être vécu. Car en effet, il nous a semblé que certaines formes de critiques de la « survie » pouvaient très vite retomber dans d’ancestraux relents moralisateurs qui voudraient culpabiliser une « vie biologique » fantasmée, réintroduisant la transcendance d’une autre vie, par-delà l’animal qui survit, à atteindre. Or la perspective révolutionnaire peut se passer de ces catégories moribondes, critiquer la réduction des possibilités sans évaluer le présent vécu à l’aune d’une image idéale arrêtée. Au lieu de penser le monde en termes de vides, de manques, de mesures, de choses à combler, bref, de devoir-être (faisant de la survie une sous-vie), la perspective révolutionnaire peut à l’inverse proposer une critique de ce qui survit (et ce qui survit, en ce moment, cela pourrait être toute l’horreur d’un contrôle social et sanitaire gestionnaire – horreur soulignée par le texte « Depuis petits, déjà... », que nous joignons à cette Feuille –, mais aussi les habitudes et les accoutumances à ce contrôle qui se logent dans le corps, dans la mémoire, dans la teneur des relations humaines), critique menée au nom de la possibilité réelle, cette possibilité singulière que nous retrouvons dans la proposition Le cœur bat et dans des affiches que nous joignons à ce feuillet.
C’est justement la puissance de l’espoir à même le présent, à même le temps qui passe et qui laisse des traces, pouvant être de fond en comble misérable et désolé, meurtrier, que nous retrouvons aux Fleurs Arctiques dans les cycles de films sur les kaijus et le post-apocalyptique. Quand le pire est déjà là, l’apocalypse permanente, actée, pensée, quand il n’y a rien à garder, toute brèche est envisageable au présent. Il y a justement de ces scènes dans les films post-apocalyptiques où le geste de la pure survie sans lendemains et le geste d’un ailleurs fou fusionnent en un seul, à la Mad Max, Fury road, rejetant définitivement les catégories morales dépréciant la vie humaine. Cet élan qui court dans le post-apocalyptique apporte une perspective au problème interrogé par un texte publié dans Il diavolo in corpo, à propos de l’incendie de Tokaimura en 1999 : qu’est-ce qui change dans l’expérience humaine, lorsque l’imaginaire « vieux comme le monde » d’une destruction totale du monde devient une possibilité pratique tangible au présent ? Cet ensemble de pistes à suivre nous semble alors pouvoir former le terrain provisoire d’une épineuse tension : la perspective révolutionnaire, si elle refuse toute forme de réduction de la vie à des entités qui la surplombent, la sous-bassent ou la diminuent, devant néanmoins s’efforcer de porter un regard lucide sur la condition présente de la vie, se trouve alors tiraillée entre le refus du devoir-être qui sacrifie une part du présent à l’économie de l’avenir, et la valorisation de la lutte qui s’inscrit forcément dans une projectualité, même si elle s’exprime de manière ténue, et s’aimante vers un horizon ou un devenir. La semaine dernière, dans le numéro 2 des Feuilles Antarctiques consacré à l’anti-psychiatrie, nous avions justement joint un passage de La Borde ou le droit à la folie qui critiquait la perspective, courante dans les milieux militants, consistant à évincer la réalité de la souffrance en la résumant à ses causes sociales et économiques, qu’il s’agirait simplement d’abolir pour « guérir » tout le monde. Cette perspective militante réintroduisait la perspective d’un manque, l’image d’une personne souffrante rabaissée au rang de sous-homme en raison de sa prétendue incapacité à lutter ici et maintenant, comme si le « militant » était l’imago mundi de la vraie vie à venir. Alors s’il est évident que nous souhaitons lutter contre la possibilité de porter un tel regard sur la souffrance, le délire, la folie, le désespoir, il n’en reste pas moins que le regard à trouver n’est pas aisé, navigant en eaux troubles entre ce refus du devoir-être et la valorisation de la lutte. Et peut-être simplement que, l’un et l’autre s’équilibrant, il n’est pas de formule magique qui permette de répondre à cette tension essentielle. C’est en quelque sorte cette tension que nous avons voulu restituer en associant deux textes d’Albert Libertad ( « Aux résignés » et « La joie de vivre »), brûlants appels à la lutte et au désir de vivre, et les thèses de Walter Benjamin publiées sous le titre Sur le concept d’histoire, qui sou-lignent, elles, l’impossibilité pour la perspective révolutionnaire d’exister sans porter un regard sur la souffrance, la mémoire, le passé, regard qui ne chercherait toutefois pas à les justifier au nom d’une utopie future – mais chercherait au contraire à les remettre en jeu dans une lutte au présent, avec amour et poésie.
Feuilles Antarctiques 4 - Spécial Émeutes
La quatrième de ces « Feuilles Antarctiques » aborde le thème de l’émeute et propose différents textes écrits pendant ou autour de différentes phases émeutières récentes ou plus anciennes.
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Depuis le meurtre de George Floyd, asphyxié lors de son interpellation par la police, des émeutes secouent les États-Unis et des manifestations de solidarité plus ou moins émeutières se propagent dans d’autres pays sous des formes diverses selon les lieux et les contextes. Ce mouvement de révolte a déjà atteint une ampleur considérable, et fait surgir un niveau de conflictualité qui laisse penser que beaucoup de personnes se mettent à porter le refus de ce monde. Les manifestations se sont transformées en émeutes, forçant la première puissance militaire mondiale à beaucoup de précautions quant à la gestion de cette situation explosive. Comme le montrent les images symboliques, mais pas seulement, d’émeutiers aux abords de la Maison Blanche, de “l’église des présidents” attaquée et de Trump enterré dans son bunker et faisant construire un mur tout autour de ses bureaux, à un certain point l’État se trouve fragilisé jusque dans ses fondements. Ce mouvement multiforme semble ne pas avoir pour l’instant à se soucier de restreindre ses formes d’action pour acquérir “de la légitimité” – illusion bien souvent efficace pour faire cesser les émeutes et isoler ceux qui veulent vraiment en découdre —, puisque la presse relaye que plus de la moitié de la population soutient les émeutiers. Au-delà de ce qui s’en dit officiellement, il est très clair que de plus en plus de personnes sont prêtes à se battre contre ce monde et sa police. Permettons-nous de lire dans l’absence même de revendications énoncées inhérentes aux formes de confrontations émeutières, une tension réelle, actualisée et incarnée, vers un monde différent.
À diverses échelles, dans les centres villes comme dans les quartiers pauvres, on manifeste, on pille, on brûle, on s’affronte avec la police. Il est certain en tout cas que l’intensité et la durée de ces émeutes, au sortir d’une période de relative toute puissance étatique dans la gestion de la pandémie par toutes sortes de formes de contrôle, ouvre indéniablement une brèche dans une normalité qui vient de se montrer sous un jour particulièrement terrible, et bien au-delà du territoire américain, puisque dans de nombreuses villes du monde, des manifestations plus ou moins confrontatives se succèdent. À chaque fois il s’agit à la fois de manifester une solidarité avec les émeutiers américains dans leur lutte contre le racisme et la police, mais aussi de poser le problème du rôle de la police partout où les manifestations ont lieu. Et, en effet, au-delà des quelques événements bien précis qui ont été largement médiatisés il y a aussi et surtout un fourmillement d’actes de révoltes, de pillages, de casses, d’incendies, bref, d’actes sauvages, un peu partout aux États-Unis et de plus en plus aussi dans d’autres pays.
Le deuxième aspect remarquable et réjouissant de ces manifestations émeutières, c’est que, partant de la réalité d’un crime ouvertement raciste, la confrontation s’incarne bien au-delà des limites communautaires, et ce, malgré le fait que la société américaine est organisée, de par son histoire comme dans sa structuration, de manière racialiste, communautariste et raciste. Dans ces émeutes les pauvres de toutes sortes de communautés, dont la séparation même joue le jeu du capital et de la répression étatique, se retrouvent pour affronter de fait, aux mêmes moments, aux mêmes endroits, les mêmes ennemis. L’hypothèse explicative (forcément partielle) constatant que la gestion de la pandémie et le confinement ont bousculé les segmentations sociales liées au travail et à l’organisation urbaine, jusqu’à permettre aux uns de se retrouver avec les autres contre l’État et la police, ne manque pas d’intérêt. Par exemple, là ou le travail pouvait participer à cloisonner spatialement et temporellement les franges de la société selon l’origine raciale et sociale de chacun, la hausse actuelle du chômage (20 % de la population) crée une situation où presque toutes les composantes de la société (du côté de ceux qui subissent l’exploitation et la domination du moins) se retrouvent à pouvoir réellement lutter en même temps et dans les mêmes lieux contre l’organe de répression étatique raciste. Cette “mixité en actes” provoque des débats importants et houleux dans un contexte où toute une idéologie se déploie pour la refuser et pour maintenir chacun dans les rôles sociaux as-signés par l’État et le Capital, en prétendant réserver ces aspirations émancipatrices à une couleur de peau spécifique, ou s’efforçant de réserver une forme de leadership à une catégorie idéologiquement constituée. Le texte White Ally, écrit en 2014 pendant les émeutes de Ferguson dont une traduction est proposée dans cette feuille, montre à quel point ces questions peuvent bouleverser les milieux subversifs, et à quel point la réalité des épisodes émeutiers peut venir contredire les lectures idéologiques bétonnées en chambre. Les évolutions récentes de ce mouvement posent aussi frontalement la question du rapport confrontatif aux forces de l’ordre. Toute une imagerie du genou-à-terre s’est développée récemment, avec des policiers qui expriment par cette posture de révérence symbolique la contrition et la désapprobation ou le maire de Minneapolis se répandant en larmes de crocodile dans la même posture devant le cercueil de Georges Floyd sous les flashs des journalistes. La possibilité s’ouvre alors d’une entente entre de « bons policiers » et des émeutiers qui se retrouveraient, ensembles, solidaires dans la condamnation des excès du système, des fameuses “bavures” d’une police qu’on pourrait réformer ou mieux contrôler pour qu’elle respecte le bon droit. Or, ce qui est reproché là n’est pas un excès individuel qui s’expliquerait par un élément de personnalité spécifique à tel ou tel policier. Il s’agit bien du rôle de la police, qui protège le pouvoir de domination de l’État et du Capital ainsi que la propriété privée et use de toute sorte de moyens, en eux-mêmes forcément violents, pour maintenir la paix sociale. Ainsi, il est important de rappeler que ce n’est pas quelques postures symboliques qui effaceront les années, décennies ou siècles de domination policière violente et raciste, que les éventuels problèmes de conscience des bourreaux ne sont pas notre problème, que la fonction de la police est de réprimer les pauvres, et d’utiliser la force et la violence pour maintenir l’ordre social : pour toutes ces raisons, à Minneapolis comme ailleurs, la police est, quoi qu’il en soit, notre ennemi.
Des périodes émeutières, il y en a eu d’autres, aux États-Unis, en France, et ailleurs. Comme nous désirons que ces périodes ne s’arrêtent jamais, que le conflit ne puisse plus être éteint ni par la répression étatique ni par l’incapacité collective, il nous faut œuvrer, forcément, à comprendre comment d’autres moments similaires (similaires dans l’intensité de leur conflictualité, singuliers par bien d’autres aspects) sont nés, et comment ils se sont d’une certaine façon interrompus...
Par définition, les émeutiers, en tant que tels, ne s’expriment pas au travers des modes d’énonciation balisés de la contestation sociale : même si on peut trouver dans les émeutes de multiples énoncés singuliers, sur les murs ou les pancartes, les émeutes ne parlent pas, du moins pas de manière unifiée ou univoque. Cette absence d’énoncés audibles, qui est parfois reprochée aux émeutiers (combien de militants ont cru malin de vouloir apporter à des émeutiers — qui réalisent avec pertinence et efficacité ce qu’ils n’auraient eux-mêmes pas pu même rêver d’accomplir — une clarification de “leurs revendications” en organisant comme eux des manifestations avec banderoles, ou en trouvant des représentants ou des porte-paroles...) n’empêche pas ces épisodes d’émeutes d’exister et de faire sens bien au-delà du moment où ils se déroulent, ne serait-ce que par les traces de destruction qu’ils laissent dans les villes, mais aussi dans les mémoires. Et puis les émeutes, muettes en elle-même, génèrent bien souvent une multitude de discours et d’analyses, plus ou moins vains face à la réalité de ce qui est en cours, plus ou moins politiquement contestables, plus ou moins utiles à la répression pour domestiquer l’émeute. Des voix s’expriment aussi parfois, de l’intérieur, pour revenir sur ces épisodes et en extraire de quoi nourrir les révoltes à venir, ou faire taire les récupérateurs de toutes sortes. C’est dans tous ces discours que nous avons pioché ce qui nous semblait pertinent et utile pour propager les feux de la révolte, et pour faire perdurer la flamme qui par définition n’éclaire que pendant qu’elle brûle. Aucun de ces textes ne prétend représenter la voix des émeutiers, ou rendre compte de manière ultime de leurs motivations ou remplacer leurs actes par des discours, c’est la condition première pour que nous nous y intéressions. La plupart tentent de comprendre, d’analyser, d’accompagner, le plus souvent de manière décalée, ce qui déjà de soi-même devrait suffire à faire sens. À travers cette feuille, l’idée est surtout se replonger dans les textes et les idées produites autour des époques où la confrontation sort des rails institutionnalisés du “mouvement social” afin de peut-être pouvoir en tirer de quoi lutter, pour de bon, jusqu’à la destruction totale de l’État et du pouvoir.
On voyagera donc à travers le temps et l’espace, au fil de textes écrits pendant ou autour de différentes phases émeutières. La plupart de ces textes s’attachent à restituer des éléments de contexte et sont ancrés dans la situation dont ils parlent, mais on ne prétend pas rendre compte de manière exhaustive de chaque moment évoqué. Si nous avons rassemblé ces textes, c’est plutôt pour le regard qu’ils portent et les analyses qu’ils développent. Cette feuille suivra le parcours suivant :
- Pour la France, d’abord un premier texte à propos des émeutes des Minguettes dans la banlieue de Lyon en 1981, puis plusieurs textes autour des émeutes de novembre 2005 d’abord en banlieue parisienne puis sur l’ensemble du territoire, enfin un texte sur les émeutes de 2007 à Villiers-le-Bel.
- Pour l’Angleterre, un texte à propos des émeutes de Bristol en 1986, un autre à propos de la phase émeutière qui a eu lieu en 2011.
- Pour les États-Unis, un texte écrit au sortir de la phase émeutière qui a débuté à Ferguson en 2014 (traduit par nos soins pour l’occasion).
- Quelques textes autour des émeutes de 2008 en Grèce, puis de celles qui débutent en 2013 en Suède.
- Enfin, un texte à propos des émeutes de 2011 à Zurich.
- On se tournera ensuite vers un passé plus lointain avec un texte d’Albert Libertad au sujet d’émeutes à Limoges en 1905, puis on verra à quel point la lecture en termes de massacre et de martyrs efface la réalité émeutière de ce qui s’est passé à Haymarket en 1886.
- Après l’évocation de quelques films projetés à la bibliothèque qui nous semblent évoquer autrement la question de l’émeute, on finira par un extrait du roman Les invisibles dans lequel Nanni Balestrini utilise une écriture fictionnelle pour rendre compte de l’intensité confrontative du « mai rampant » qui s’est déroulé en Italie dans les années 70.
Feuilles Antarctiques 5 - Spécial Encampement
La cinquième de ces « Feuilles Antarctiques » aborde la question de l’encampement comme mode de gestion et d’enfermement des populations.
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Dans la période récente, environ 6 millions de personnes se retrouvent dans des camps de migrants plus ou moins humanitaires, avec ou sans statut de « réfugiés », les 400 camps de rétention européens voient transiter environ 50 000 personnes par an, les camps dits « auto-établis » (donc les bidonvilles), bien que de taille inférieure aux autres camps, sont plusieurs milliers dans le monde (la France compterait 350 camps « roms », accueillant 17 000 personnes par exemple). Ces chiffres, forcément approximatifs et partiels, datent de 2014 [1]. La crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid19 a très récemment démultiplié l’usage de l’encampement des populations qui a clairement été utilisé comme l’un des dispositifs de gestion de la pandémie. De nouveaux camps ont été créés, des camps existants ont vu leur population décupler de par la fermeture des frontières, les mises en quarantaine ont bouclé des lieux d’habitat et/ou de travail qui avaient déjà presque tout du camp, et où des dizaines de milliers de personnes se sont retrouvées enfermées pour la « bonne gestion » de la pandémie, en particulier là où les gouvernements ont refusé de confiner toute la population pour éviter que tout le monde ne soit pas au travail. Si l’on prend un peu de recul historique, on se rend compte que, depuis que l’être humain s’est autorisé à enfermer ses semblables, la mise en camps, l’encampement, est le dispositif qui s’impose dès lors qu’une crise de quelque ordre qu’elle soit implique une population nombreuse non gérable à flux tendu. C’est donc dans le camp qu’on stocke, sur des critères variés selon les lieux et les époques, les êtres humains dont on ne sait pas quoi faire du tout ou du moins pas dans l’immédiat. Grâce à ce mode de fixation des populations, dont le mouvement lui-même est difficile à contrôler et à gérer, on peut ainsi, à bas coût, grâce à une standardisation et une limitation à l’extrême de ce qui est considéré comme nécessaire pour survivre, prendre le temps d’observer, de trier, de laisser mourir, de tuer éventuellement, de faire travailler parfois, ceux qui s’y retrouvent enfermés.
Dans cette cinquième livraison des Feuilles Antarctiques, on voudrait ouvrir cette vaste question des camps et de « l’encampement », de leur histoire, leur finalité et leurs usages, dans le but de trouver des pistes, aujourd’hui, pour lutter contre ce qui est depuis bien longtemps un mode à la fois d’enfermement et de gestion des indésirables, et de toutes celles et tous ceux qui se re- trouvent en situation d’être le plus directement « gérés » (enfermés, déplacés, expulsés et pire encore parfois, mais aussi « logés », mis au travail, rééduqués...) donc à la merci des besoins du capital et des États. En effet, le camp est d’abord un lieu où une autorité (le plus souvent l’État, mais aussi des formes « révolutionnaires » autoritaires ayant pris le pouvoir ou fonctionnant comme des proto-États) garde sous la main une partie de la population, dans des buts qui varient dans le temps et l’espace, mais sous des formes qui ont des points communs. Le camp est donc d’abord une affaire logistique, liée aux conditions matérielles nécessaires pour fixer et garder à disposition des êtres vivants par une mise à l’écart, en cours ou en attente de gestion.
Si ce qu’on appellera ici l’encampement est assurément une forme d’enfermement (et ce même s’il n’a parfois ni barreaux, ni cellules et que cet enfermement peut prendre place à peu près n’importe où, sur des bateaux de croisières, des îles, ou dans des chambres d’hôtel), sa logique se différencie de l’emprisonnement, principalement en ce que l’emprisonnement vise toujours, d’une manière ou d’une autre, chaque incarcéré d’une manière qui se veut individualisée. Le plus souvent cette individualisation de la peine est démontrée lors d’un procès lorsque la justice se charge d’attacher des faits ou des incriminations à une personne dont les « éléments de personnalités » seront d’ailleurs livrés en pâture à l’institution, et qui sera, pour son bien ou son mal, selon les conceptions, jetée en prison. Au contraire, le camp sépare, réunit et enferme en groupe, voire en masse, et plus personne n’y est considéré comme un individu particulièrement ciblé à sanctionner ou à rééduquer. Même quand il se donne ce genre d’objectif (voire plus bas), il le fait sans considération de chaque individu qu’il enferme. Le dispositif concentrationnaire nazi a poussé à l’extrême cette désindividualisation des enfermés, comme le montre la plupart des témoignages des rescapés, comme par exemple celui de Primo Levi dans Si c’est un homme. Le camp cible des groupes établis sur des critères divers sociaux, ethniques, comportementaux, (voire parfois des groupes de personnes qui se retrouvent par hasard au même moment au même endroit) sans considération des parcours individuels. Là où la prison met à l’écart, mais à l’intérieur d’un corps social, et inclut par la contrainte ou insère de force en obligeant à respecter les lois qui soudent la Nation, le camp écarte en séparant. Il s’établit toujours dans la constitution d’une forme d’altérité qui justifie que ceux qui se sont instaurés comme représentant « les uns » s’autorisent à enfermer ceux qui deviennent « les autres », ceux dont on ne voudra pas, du moins pas maintenant, pas comme ça, pas avant un tri, une décontamination ou un apprivoisement. Cette différence s’incarne dans le droit français par exemple dans la différence entre l’enfermement judiciaire et l’enfermement administratif, mais la même logique préside, y compris quand elle n’est pas explicitée par des dispositifs législatifs. Au point d’ailleurs que quand on veut punir individuellement dans le camp, on y construit une prison. La vie dans le camp est supposée être une vie « normale » et pas, en elle-même punitive, même si elle est difficile (et les associations humanitaires et autres ONG gestionnaires sont là pour bien montrer qu’on fait ce qu’on peut pour gérer au mieux...), pour ceux et celles qu’il enferme. De cette différence sont nées quelques absurdités, parfois désastreuses pour toute perspective de mise à bas radicale de ce monde, comme par exemple la revendication stupide de la libération de ceux qui sont encampés au motif qu’ils n’auraient « rien fait » contrairement aux prisonniers, comme si lutter contre une forme d’enfermement impliquait de valider l’autre... Rappelons une évidence : lutter contre l’enfermement, c’est lutter contre toutes les formes d’enfermement, que ce soit dans des camps humanitaires, des prisons spéciales anti-terroristes, des prisons populaires avec des vrais ennemis du peuple dedans ou la cave d’un père de famille autoritaire !
À partir de ces éléments communs très généraux, on peut, sans prétendre à l’exhaustivité (pour exercer pouvoir et autorité sur ses semblables « l’esprit humain est capable de tout »...), constituer des grandes catégories correspondant à différentes « nécessités » ou projets gestionnaires. C’est en fonction de ces grandes catégories que les différents textes proposés à la lecture dans cette feuille seront organisés.
Le principal objectif de l’encampement, c’est d’écarter, de séparer, de rejeter, et même si on ne fera pas des camps nazis une question particulière dans cette feuille, justement pour la raison que ces camps-là demandent un traitement à tous égards particuliers, cette fonction y est particulièrement à l’oeuvre dans la mesure où le système concentrationnaire s’articule au dispositif d’extermination. On peut dire d’ailleurs que le camp ouvre toujours la possibilité génocidaire même si elle est fort heureusement rarement mise en œuvre. Une fois qu’une catégorie de population est rassemblée, enfermée, et occupée à se maintenir en demi-vie, il est assez simplement possible si une « nécessité » quelconque (comme la préservation de la pureté de la « race »...) s’impose, de trouver des moyens, qu’ils soient ou pas systématisés et industrialisés, de s’en débarrasser. L’usure même des corps, la diffusion des maladies, la faim et l’absence de soins peuvent d’ailleurs faire leur office, comme ça a pu être le cas dans les hôpitaux psychiatriques en France sous le gouvernement de Vichy [2]. Les lieux d’enfermement des fous ont alors été traités comme des camps, auxquels la gestion générale des pénuries alimentaires « impose » de limiter l’approvisionnement : cette altérité-là, à la merci de la gestion d’État, ne sera pas prioritaire, parce qu’anormale et pas assez rentable. La gestion évacue alors toute perspective de soin et profite de la situation d’enfermement des personnes pour les laisser mourir, c’est pour- quoi on a pu parler à ce sujet d’ « extermination douce ». Tous les lieux qui concentrent une catégorie de personnes dont l’État peut décider de se désintéresser, tous les ghettos matériellement bouclables, sont susceptibles de subir ce genre de sorts et en ce sens peuvent devenir des camps. On peut aussi ranger dans cette fonction les écartements de population pour des raisons sanitaires, temporaires pour les quarantaines (que se passerait-il dans certains endroits du monde face à un virus plus virulent et plus meurtrier ?), ou définitifs comme c’était le cas pour les lépreux par exemple. L’histoire de « l’île des lépreux » en Grèce est à ce titre passionnante. Les camps humanitaires sont de cet ordre-là, la gestion de populations indésirables, même si elles ne sont pas strictement parlant indésirables pour les ONG qui les gèrent, revient au même résultat. La lecture de la « déclaration de New York » établie en 2016 en préparation du pacte mondial de l’ONU sur les réfugiés de 2018, est à ce titre révélatrice [3]. Même si les signataires déclarent, la larme à l’œil : « Nous acceptons la responsabilité partagée qui nous incombe de gérer les déplacements massifs de réfugiés et de migrants avec humanité, sensibilité et compassion et en veillant à répondre aux besoins de chacun », la première des fonctions qu’ils affirment remplir, c’est de « soulager la pression sur les pays qui accueillent des réfugiés » ... Et c’est ainsi que le dispositif gestionnaire du camp fait de ceux qui le gèrent, malgré toutes les déclarations d’intention bien- veillante, les relais des politiques d’État quelles qu’elles soient, contribuant à affamer, à expulser ou à réprimer si la gestion l’impose, et en tous les cas, faisant partie intégrante du dispositif d’en- fermement.
À l’objectif d’écarter et de séparer, a pu parfois s’ajouter l’intention délirante de rééduquer à grande échelle tout un pan de la population. Enfermer pour rééduquer a été l’objectif affiché du Goulag administrant les camps soviétiques. Comme dans la plupart des régimes communistes, il s’agit d’accélérer la formation de l’Homme Nouveau exempt des tares idéologiques capitalistes. En tous les cas, celui qui rentre dans un camp de rééducation est assurément considéré comme indigne d’exister dans le nouveau régime post-révolutionnaire, en tant que ce qu’il est. De fait, ces camps ont enfermé un continuum de genre de populations allant des propriétaires terriens et assimilés (dans la période de ce que les historiens appellent la « dékoulakisation ») aux opposants au régime, au fil des purges, en passant par des groupes importants de personnes ciblées sur des critères ethniques (comme les Ingouches, les Balkars ou les Meskhètes). L’exemple le plus frappant de cet usage du camp est sans doute le régime Khmers Rouge qui a transformé le Cambodge en vaste camp de travail et de mort par tous moyens.
Car une partie des régimes qui enferment font travailler les enfermés, que ce soit dans un objectif de rentabilisation ou par obsession punitive d’user les corps de ceux qu’on enferme, le résultat revenant au même pour les enfermés : le plus souvent la mort par le travail. Le Cambodge des Khmers en témoigne : quand la gestion des êtres vivant devient absolue, c’est aussi par le travail qu’on les tue. Mais plus récemment, on peut aussi penser à ces zones industrielles dans lesquelles des travailleurs migrants vivent et travaillent, au Qatar par exemple, qui se sont refermées avec la gestion de la pandémie et dont les portes ont été gardées par l’armée, sans provisions suffisantes pour ceux qui s’y sont retrouvés bloqués. On peut aussi penser à cette décision du ministre français de l’agriculture qui, face à la « nécessité » de faire venir des travailleurs saisonniers, a proposé, pour éviter les risques de contagion, que les travailleurs soient enfermés en quarantaine sur leurs lieux de travail, les exploitations agricoles prenant alors toutes les caractéristiques du camp.
En tout état de cause, dans le camp, on enferme pour pouvoir gérer, et on se donne les moyens de transformer en camp tout regroupement de personnes, des bidonvilles aux campements installés par les migrants comme a pu l’être Sangatte à proximité de Calais, dès lors qu’on se donne pour mission de gérer, et de contrôler. L’encampement permet la fixation des populations le temps de décider ce qu’on va en faire, vers quel pays et par quel moyen les ex- pulser dans le cas des centres de rétention par exemple. L’histoire de la rétention en France est à ce titre révélatrice. Depuis qu’on expulse en France, on enferme le temps de mettre en place la logistique nécessaire dont la vie de la personne à expulser devient l’un des éléments matériels, on gère a minima son alimentation, son sommeil, son déplacement jusqu’à avoir fini de s’en débarrasser. Le hangar d’Arenc est ainsi découvert en 1982 et appelé « prison illégale pour sans-papiers », illégale jusqu’à ce qu’elle soit légalisée par la création des centres de rétention, qui a satisfait tous les fanatiques de l’État de droit, sans changer pour autant cet enfermement de nature. Plus on expulse, plus on a besoin de marge de manœuvre logistique, alors on allonge les délais d’enfermement de manière à avoir les coudées franches, on utilise tous les types de lieux pour enfermer selon les besoins (selon la loi, n’importe
quel lieu peut, sur simple décret, être déclaré lieu de rétention ou zone d’attente), on construit des centres high-tech à proximité des aéroports, tout en continuant à mettre en rétention dans des cellules de garde à vue ou des chambres d’hôtel si la gestion s’en trouve facilitée.
Le travail n’est pas la seule manière de mettre à profit l’encampement. Si le camp est pratique, c’est avant tout, et de plus en plus, parce qu’il donne l’occasion de fixer les populations et de faire le tri entre ceux qu’on intègre et ceux qu’on rejette. Le camp optimise la frontière, il en fait plus qu’un point de passage. Il en est ainsi de la fonction historique d’Ellis Island « usine à fabriquer des américains » comme le dit Georges Perec, usine qui trie et a ses rebuts. À Ellis Island, derrière la statue de la liberté, on trie sur des critères de santé, de prédisposition au travail, de bonne morale, ceux qui deviendront dès la « porte d’or » franchie, des américains. Mais avant, il faut se faire peser, mesurer, marquer à la craie selon la catégorie de maladie qu’on est susceptible d’avoir, et il faut se soumettre à l’arbitraire de la gestion : y passer quelques heures le temps de franchir les contrôles, ou bien être refoulé, ou alors être enfermé un temps indéfini, et la gestion devient, pour ceux qui se retrouvent à sa merci, un enfer. Il en est de même en terme de logique des hotspots que Shengen veut organiser à ses frontières extérieures et qui ont vocation à devenir des lieux optimisés de la gestion et du tri des migrants : contrôles, identifications biométriques, examens sanitaires, répartition optimale en fonction des besoins en terme de main d’œuvre. Même logique, mais à une époque différente : il ne s’agit plus de constituer une nation américaine en intégrant tous ceux et celles qu’on juge intégrables, il s’agit de ne laisser rentrer que ceux et celles dont l’exploitation est nécessaire au capitalisme. Les autres pourront errer de vaisseau des morts en vaisseau des morts sur l’océan d’indifférence à l’humanité que ce système a construit.
Mais la froideur gestionnaire ne peut pas tout éteindre de l’aspiration à la vie. C’est dans le camp de réfugiés espagnols de Septfonds par exemple que Tosquelles commence en 1939, tout en aidant à organiser des évasions, à expérimenter des manières non conventionnelles de soigner, avec d’autres réfugiés qui n’ont aucune formation médicale ou psychiatrique, ceux et celles qui sont enfermés avec lui, traumatisés par cet enfermement ainsi que par le parcours de révolte et de répression qui les y ont amenés. C’est de cette solidarité entre encampés que naîtra un des principaux courants de l’anti-psychiatrie. Dans toutes les sortes de camps, des révoltes individuelles ou collectives ont lieu, certains s’en évadent, des conflits éclatent : aucun camp ne pourra enfermer la force impérieuse des migrations. Aux abords de toutes les frontières et dans tous les camps, plein de choses se passent qui échappent à la gestion.
L’optimisation de la gestion par l’encampement se fait toujours au détriment de celles et ceux qui sont enfermés, en négation de leur volonté de vivre, et c’est de leur côté que, toujours, nous nous tiendrons. Encadrées ou pas par le droit, ravitaillées ou pas par des associations humanitaires, les logiques de camps sont mortifères, comme toutes les logiques d’enfermement.
À bas toutes les prisons !
À bas la gestion et ses camps !
Vive la liberté !
Feuilles Antarctiques 6 - Spécial Société assurantielle
Pour la dernière des Feuilles de cette série, il s’agit de creuser la question du paradigme assurantiel qui s’installe comme modalité de gestion la plus efficace, et devient la boussole des dispositifs de contrôle et de répression, mais aussi du système de "l’assurance chômage" (qui assure l’État et plus du tout les travailleurs risquant de perdre leur salaire), et qu’on a vu à l’œuvre de manière évidente dans la gestion du soin pendant la crise sanitaire.
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Pour cette sixième Feuille Antarctique, nous avons réuni un certain nombre de pistes pour réfléchir à l’« hypothèse assurantielle », à laquelle nous avons déjà consacré quelques discussions et projections par le passé. Il ne s’agit pas de donner le coup d’épée final aux systèmes assurantiels inventés pour que les salaires garantissent un minimum de chômage à ceux qui ne travaillent plus. L’assurance chômage, en tant que protection des travailleurs entre eux, est bel et bien morte, et c’est un nouveau paradigme que nous essayons de critiquer ici, un paradigme où ce qui cherche à s’assurer c’est le capital et les États eux-mêmes, gérant nos vies, nos désirs et nos difficultés comme ils gèrent les aléas climatiques ou géopolitiques. Nous voudrions donc par là désigner une certaine tendance des sociétés gestionnaires à développer de plus en plus de moyens intellectuels et pratiques visant à fonder leurs décisions sur des prédictions, des anticipations, dans le but d’optimiser le profit et de minimiser les pertes, appliquées à de plus en plus de domaines en s’imposant de plus en plus dans nos vies.
En effet, depuis l’avènement des sciences informatiques appliquées à la gestion de données (big data, IA, etc.), une certaine tendance qui préexistait déjà dans la gestion capitaliste et étatique des existences humaines va s’accentuant : il s’agit d’optimiser les usages de la « matière première » dont disposent les sociétés, et plus spécifiquement ce capital essentiel que représente la vie humaine, et donc de la connaître à fond, d’en scruter les moindre aspects pour adapter sa rentabilisation au plus près de sa réalité concrète. D’où l’importance prise par l’informatique, qui permet d’accumuler des données et de les traiter à un tout autre niveau. Alors, il s’agit bien sûr d’un projet dystopique, et à cette accumulation de données ne correspond aucun dispositif sans faille de traitement qui nous ôterait tout possibilité de révolte. Ce nouveau « savoir » reposant essentiellement sur les probabilités et sur la modélisation d’immenses suites d’événements possibles (avec tout ce que cela implique comme vision de la vie, étant donné que ceux qui se chargent de modéliser la vie humaine sont aussi ceux qui prétendent l’organiser, la gérer, la rationaliser) offre évidemment de tous nouveaux terrains aux diverses fonctions répressives de l’État ; et nos chers « décideurs » ne s’y trompent point, qui se lèchent les babines en attendant de faire passer ces immenses machines de savoir-pouvoir sous leur houlette.Mais il n’y a pas que les hommes gris de la bureaucratie qui frétillent sur leurs sièges en acier chromé.
Globalement, tout ce que notre monde peut produire en espèces sordides se retrouve au grand banquet de la société assurantielle, pour des réjouissances apparemment sans fin : les grandes entreprises, les instituts de sondage, les chercheurs en sciences sociales, les « intellectuels » (philosophes, éditorialistes, et tant d’autres), et les compagnies d’assurance évidemment, dont les raisonnements deviennent la matrice des logarithmes de gestion de l’ensemble de la société et caetera [4]. La solution proposée à chacun est de s’adapter à cette nouvelle normalité pour se brancher sans accroc à l’ensemble, et tout ce petit monde s’accorde pour penser que l’homme est un agent rationnel dont le but ultime est de se faire fructifier comme un capital, en cherchant avant toute autre considération à sécuriser son présent et son avenir. François Ewald, qu’on croisera à plusieurs reprises dans ces pages et dont le parcours est à ce titre fort significatif (voir note 1), développe même toute une anthropologie autour de la nature humaine qui se retrouve assimilée à la raison prédictive. La société assurantielle pense tout prévoir à partir d’une pensée du risque, des probabilités, et de la prédiction. A ce titre, tout en étant hyper rationalisée par des algorithmes divers, la pensée de la société assurantielle revient à une conception finalement très religieuse, puisque la causalité n’a plus d’importance et qu’il s’agit de se donner les moyens de prédire l’avenir tout se prémunissant des aléas inévitables du hasard. En effet, elle pré-vient jusqu’au risque de la non connaissance du risque : c’est de la faute de l’agent si il ne se rentabilise pas, puisque ne pas rentabiliser un capital, c’est nuire à la société.Mais cette tendance à « l’assurantialisation » de la société n’est pas seulement cette philosophie qui cloue tout changement à un avenir sécurisé, c’est aussi une réalité pratique, concrète, en train de se construire sous nos yeux et de nous attraper dans ses rouages : depuis l’utilisation, par exemple, de l’algorithme de localisation Google par la po-lice américaine (témoin l’histoire de ce monsieur qui eût le malheur de passer en vélo près d’une maison cambriolée au même moment, et via sa localisation, le voilà qui termine dans le dossier de l’enquête à titre de suspect) jusqu’à la rentabilisation des « fragilités » de certains chômeurs grâce à des nouvelles dispositions contractuelles (parce qu’il y a de la place pour tout le monde dans le monde merveilleux du salariat), en passant par l’obligation légale d’installer un dispositif anti-oubli des bébés en Italie (c’est vrai que le problème est moins d’oublier un bébé que de ne pas installer un dispositif pour s’en prémunir, au cas où, on ne sait jamais), les logiques assurantielles imposent ainsi des standards de contrôle de soi et des autres, et tendent à laisser les individus les plus seuls possibles face aux institutions en individualisant les calculs de risque, les informations, et par conséquent les obligations et les peines.
Et puis évidemment, l’épidémie du COVID, le confinement et les états d’urgence sanitaires font sauter des verrous chez les gestionnaires et leurs adorateurs, qui s’en donnent à cœur joie depuis ces quatre derniers mois : du côté de la justice, passage en douce (par décret) du dispositif DataJust, un logiciel d’algorithmisation de l’attribution des peines (c’est vrai qu’entre un magistrat et un logiciel, le logiciel assure bien mieux la sacro-sainte impartialité de la justice), du côté gouvernement, on commence à se dire, en voyant la débâcle de l’économie, qu’il vaudrait mieux habituer la population à une surmortalité liée au COVID plutôt que de reconfiner (avis n°7 du conseil scientifique) ; et dans ce joyeux climat où les pires infamies volent dans tous les sens comme les confettis de la piñata qu’on a enfin pu crever (la piñata, c’est la réticence du « citoyen » à se voir privé de ses « libertés » en temps « normal »), évidemment, le chœur des « intellectuels », toujours prêt à s’extasier du moindre geste de proto-État ou de proto-IA, se répand en ravissements et postures héroïques qui ont de quoi faire froid dans le dos (on a joint à cette feuille deux exemples particulièrement repoussants de cette étrange pratique qui consiste à accepter l’ordre du monde tout en se désolant de certaines de ses conséquences : le premier, « Extension du domaine du tri », le second, « Si l’existence m’était comptée »). La pandémie a mis à nu certains de ces mécanismes, et le pragmatisme qui y est associé ne s’embarrasse même plus de mensonge éthique : le tri des vies, c’est comme ça ma bonne dame... et déjà que l’austérité sévit, si on se mettait en plus en croisade de soigner des malades probablement ou certainement improductifs (les vieux et les fous par exemple), le monde irait à sa perte. Et c’est ainsi que pour le plus grand intérêt de tous, le samu a cessé de se déplacer dans les Ehpad, décision rapide, peu coûteuse et finalement fort rentable.Seulement, la vie est plus compliquée que le fantasme d’un socio-biologiste, et tout ce qui vit déborde toujours les petites cases bien pensées de la gestion. C’est pourquoi nous avons joint à cette Feuille la présentation d’une discussion aux Fleurs Arctiques sur la gestion et les perspectives pour se donner les moyens de l’attaquer ; ainsi que la présentation du cycle du ciné-club sur les kaijus, parce qu’après toutes ces vomissures grisâtres à la sauce assurance, on aurait bien envie de voir Godzilla fondre sur une métropole.