Etat d’urgence sanitaire : réductions de droits et incarcération renforcée

L’état d’urgence sanitaire va permettre d’allonger la détention provisoire et de prolonger automatiquement les gardes à vue.

Photo : Grégoire Korganow

L’ordonnance du 25 mars 2020 « portant adaptation de règles de procédure pénale […] d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 » prévoit des mesures exceptionnelles en matière de procédure pénale pendant un mois à partir du 23 mars.

Cette ordonnance va permettre de déroger à plusieurs règles fondamentales de la procédure pénale, notamment en donnant aux juges la possibilité de juger en "publicité restreinte," sans audience au tribunal (article 7).

En garde-à-vue et en rétention, le droit à un avocat peut être restreint, et la communication avec l’avocat réduite à un appel téléphonique (article 13). Les gardes-à-vue peuvent désormais aussi être prolongées automatiquement par la police, sans l’autorisation des magistrats compétentes (procureur, JLD, juge d’instruction). Ainsi, on peut passer 48h en GAV (1 prolongation), 72h en GAV (2 prolongations), ou en cas exceptionnel 96h en GAV (3 prolongations) si l’enquête l’exige. Pour les cas de terrorisme, on peut passer 120h en GAV ! Ces gardes-à-vue à rallonge impliqueront de lourdes conséquences pour les personnes ciblées par les gardes-à-vues : les jeunes racisés seront donc contraints à la privation de liberté gratuite, sans contrôle du juge et au bon vouloir de la police (article 14).

Alors que les prisons sont durement touchées par l’épidémie, et que le gouvernement a tenté une opération de communication en libérant 5000 détenu·es, l’État prévoit en même temps d’allonger la détention provisoire, pour assurer l’incarcération des personnes en l’attente d’un procès. Ainsi, les délais maximums de détention provisoire ou d’assignation à résidence sont prolongés de deux mois pour les courtes peines encourues (article 16). Cette ordonnance prévoit également de faciliter le recours aux comparutions immédiates en allongeant les délais autorisés pour y recourir (article 17). Tout cela va faciliter l’incarcération des prévenu·es, surtout quand on sait quela comparution immédiate multiplie par 8,4 la probabilité d’un emprisonnement ferme.

La seule bonne nouvelle dans cette ordonnance, qui va dans le sens de la liberté des détenu·es en cette période d’épidémie, est la facilitation des réductions de peine pour les détenu·es en fin de peine. Les détenu·es pourront ainsi bénéficier d’une réduction de peine de 2 mois, au bon vouloir des Juges de l’application des peines (article 27). Mais ça reste une maigre consolation, car les détenu·es pourront également être contraints d’exécuter les 2 derniers mois de leur peine de prison en étant assigné·es à résidence (article 28.)

Avec cette ordonnance, l’État poursuit la logique d’état d’exception qu’entraîne l’urgence sanitaire. Dans le monde du travail, le gouvernement préfère profiter de l’occasion pour détruire les acquis sociaux que de mettre un arrêt au travail non-essentiel. Pareillement, cet état d’urgence sanitaire est l’occasion parfaite pour l’État de restreindre nos droits en matière judiciaire, en permettant d’incarcérer plus facilement, et avec moins de garanties de procédures. Tout à l’inverse du discours de « libération des détenu·es pour désengorger les prisons ». La crise sanitaire n’est pas une excuse pour bafouer nos droits ! Liberté pour toustes !

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