Du capitalisme à la censure : les éditeurs et l’impression en Chine

Réduire les coûts, rester compétitifs, faire le plus de marge possible on sait que c’est le leitmotiv de l’entreprise et du capitalisme. Réduire les coûts de production à n’importe quel prix quitte à délocaliser la production dans des pays qui exploitent leurs travailleurs et les soumettent à des conditions de travail avilissantes et dangereuses, qui emploient des enfants, etc. on connaissait déjà.

Depuis de nombreuses années la production de beaux-livres et surtout ceux demandant de plusieurs interventions manuelles (donc de la main-d’œuvre pas chère), mais pas seulement, est délocalisée en Chine (ou ailleurs en Asie, mais beaucoup en Chine).
Moins cher que de faire réaliser ces opérations en Europe ou que de sous-traiter ces interventions manuelles aux prisons et aux CAT, les beaux-livres que vous offrez à Noël ou à vos enfants (coffrets, pop-up, atlas, livres d’art, livres avec puces ou CD intégrés, livres à fenêtres pour découvrir d’autres images, livres avec de belles découpes, etc.) ont donc souvent fait le tour du monde pour être produits à bas coût dans un pays qui ne respecte pas les droits de l’homme avant de rejoindre vos bibliothèques. Rien de nouveau sous le soleil non plus, mais merci de vous en souvenir au moment de déballer vos cadeaux sous le sapin.

Depuis quelque temps, sous le gouvernement de Xi Jinping, les éditeurs français (mais pas seulement, les éditeurs du monde entier avalisent ce système en produisant en Chine) sont obligés de soumettre leur livre à la censure chinoise avant toute impression (on parle bien de livres produits pour un marché non chinois). En effet, pour imprimer en Chine, il faut maintenant transmettre dans un premier temps son ouvrage à la censure du Parti et retirer les éléments refusés si l’on souhaite lancer l’impression.

On aurait pu s’attendre à une levée de boucliers des éditeurs relocalisant massivement leur production dans d’autres pays, mais s’il est vrai que quelques-uns commencent à le faire, la plupart semblent plutôt céder et modifier les passages incriminés.
Au nom principalement de la baisse des coûts tout ce beau monde accepte donc de retirer ici une image de l’oncle Xi qui ne plaît pas, là une carte du monde reconnaissant l’indépendance de Taïwan ou stipulant que certaines îles sont revendiquées par la Chine et le Japon, puis un décolleté trop plongeant, une jupe trop courte ou certaines formules ou mots qui peuvent également déranger l’État chinois…

S’il devient difficile dans ces conditions de produire des atlas en Chine, pour beaucoup d’autres livres les grands éditeurs français de beaux-livres ou de livres jeunesse acceptent tout simplement de retirer ou remplacer les parties problématiques pour le censeur chinois, pour réduire le coût de production et vous vendre toujours moins cher des ouvrages complexes et ainsi rester compétitif.

Grâce au capitalisme, la censure chinoise s’exporte donc directement jusqu’aux livres que vous lisez ou achetez à vos enfants et qui sont produits par le pays qui se prétend celui des droits de l’homme. Il est bien loin l’esprit des Lumières ! Lisez donc l’achevé d’imprimer lors de votre prochain achat de livre pour savoir si votre livre a été produit en Chine et est donc validé par le Parti !

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