Capture d’écran de la brochure de la Caisse de solidarité de Lyon
Membre d’un syndicat ? Fiche !
« Problèmes » psy ? Fiche !
Manifestation sauvage ? Fiche !
Une association qui dérange ? Fiche !
« Habitudes de vie » hors-normes ? Fiche !
Opinions politiques « dangereuses pour les institutions » ? FICHE !
Trois décrets viennent ajouter quelques objets que les policiers et gendarmes peuvent garder au chaud sur nous. Ils écrivent noir sur blanc qu’on peut désormais documenter les « opinions » et non plus seulement les « activités politiques ».
« Les fichiers de police dont on parle ne sont pas des fichiers judiciaires, ce sont des fichiers qui sont gérés par la police, seule, pour la police », explique à France Inter Arthur Messaud, porte-parole de La Quadrature du Net. « Ce ne sont pas non plus des fichiers de contre-terrorisme. On est dans la lutte contre les sectes, la lutte contre les hooligans et la lutte contre les violences autour des trafics de drogue, mais aussi toutes les luttes, les violences ou les manifestations non déclarées autour des mouvements idéologiques. Il faut bien comprendre que là, quand je dis violence, c’est tel qu’interprété par la police. »
Bien entendu on s’attend à une certaine souplesse de nos amis policiers lorsqu’ils vont déterminer les candidat·es au fichage, à savoir celles et ceux qu’ils jugent « susceptible de porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation, à l’intégrité du territoire, ou des institutions de la République »
Une fois qu’on est qualifié pour être dans les fichiers de la police, nos amis peuvent donc documenter pléthore d’informations sur nous. Et garder celles-ci quasiment aussi longtemps qu’ils le souhaitent : 10 ans maximum « à partir du dernier événement de nature à faire apparaître un risque d’atteinte à la sécurité publique ». En clair : aussi longtemps qu’il leur plaira.
Cet article du Numéro Zéro récapitule synthétiquement les principales nouveautés de ces décrets.
Pour aller plus loin, consulter l’explication approfondie de la Quadrature du Net ici.
On peut exercer ses droits auprès de la CNIL pour savoir si on est dans ces fichiers, mais il paraît difficile aujourd’hui d’en être retiré. Ceci est toutefois théoriquement possible pour d’autres sinistres répertoires.
Une brique de plus dans le mirador de la surveillance
Il ne faut pas perdre de vue qu’une batterie de fichiers est déjà en place. Qu’on peut déjà avoir sa petite fiche si on a affaire à la justice, comme suspect, condamné·e mais aussi comme témoin ou plaignant·e... mais aussi si on est ou a été SDF, lorsqu’on prend l’avion, qu’on demande une carte d’identité ou un poste d’educ’ spé...
Les autorités sont déjà habilitées à nous ficher sur tout un tas d’aspects, et ces données sont réparties dans une multitude de fichiers. Un véritable mille-feuille d’acronymes : TAS, FNAEG, PASP, CEL, GIDE...
La caisse de solidarité de Lyon recense 60 fichiers actifs, depuis la « simple » identification administrative (les cartes d’identités) jusqu’aux notoires fiches « S » utilisées par le renseignement, en passant par les fichiers de la justice et ceux de la police. On vous recommande chaudement la brochure très complète qui récapitule non-seulement la nature de tous ces fichiers mais aussi les moyens par lesquels vous pouvez tenter d’en sortir (conseil : s’armer de patience et de lettres recommandées).
Des drônes pour filmer, la reconnaissance faciale pour retrouver
Plus effrayant encore, les décrets de la semaine dernière lèvent l’interdiction qui était faite aux flics d’interroger leurs bases de données par reconnaissance faciale.
Pratique : la désormais notoire loi de sécurité globale autoriserait à filmer une manifestation par drône ; on pourrait dans le même mouvement ou bien ficher tous·tes les participant·es, ou bien les relier à des fiches préexistantes.
De quoi se remotiver à sortir samedi pour refuser en bloc ce qui ne peut plus être qualifié de simple dérive autoritaire mais bien d’un véritable cap assumé dont ce gouvernement ne dévie pas.