Pour un Réseau d’Actions contre l’Antisémitisme et tous les Racismes (RAAR)
Nous avons décidé de créer un réseau de lutte contre l’antisémitisme et tous les racismes malgré les difficultés auxquelles nous faisons face dans le contexte sanitaire et social actuel. Nous choisissons la date de lancement du 21 janvier en mémoire de l’enlèvement de Ilan Halimi, séquestré, torturé et tué parce que juif, il y a quinze ans. L’ignominie du crime avait défrayé la chronique, ainsi que l’antisémitisme manifeste l’ayant motivé. Cette date représente la résurgence des meurtres antisémites en France et fait de Ilan Halimi la première victime reconnue comme assassinée par antisémitisme dans la période récente.
Le Réseau d’Actions contre l’Antisémitisme et tous les Racismes regroupe des organisations, collectifs et individus partie prenante du mouvement social. Juives, juifs ou non, militant.es syndicales.aux, associatives.fs, ou politiques encarté.e.s ou non, étudiant.es, universitaires, salarié.es, sans-emploi, retraité.es, féministes, écologistes, toutes et tous résolument anti-racistes. Provenant de diverses régions, nous nous sommes réunis la première fois en septembre 2019, dressant un constat commun : la difficulté d’identifier et de nommer l’antisémitisme actuel y compris lorsque ce déni émane de notre propre camp politique.
Notre objectif : donner des clefs pour la renaissance d’un mouvement progressiste uni qui affiche ses valeurs et lutte contre la haine et toutes les discriminations. Ce réseau nous paraît plus que jamais nécessaire face aux thèses complotistes et antisémites auxquelles la pandémie a donné une vigueur nouvelle, afin d’apporter une lecture claire des mécanismes et propagandes haineux et contribuer à une prise de conscience. Cette démarche pédagogique servira notamment à combattre le terrorisme djihadiste et les courants islamistes pour qui l’antisémitisme est central, autant que les attaques racistes de ceux qui n’ont de cesse de s’acharner sur les musulman-es, les rendant en plus responsables du « nouvel antisémitisme », comme si l’antisémitisme historique cher à la « vieille France » avait disparu.
Le complotisme autour de la pandémie vient s’ajouter à un antisémitisme qui n’a eu de cesse de se développer ces dernières années
La pandémie de Covid-19 donne lieu à un déluge de messages complotistes à tonalité antisémite. Dès mars 2020, médecins, laboratoires pharmaceutiques et personnalités juives sont accusés de comploter contre la santé de la population mondiale. Ces accusations, réminiscences des pires traditions antisémites attribuant aux Juives/Juifs les épidémies du passé par empoisonnement des puits, sont utilisées par différents camps politiques afin de gagner en popularité.
Les graves événements du 6 janvier à Washington ne laissent aucune place à l’ambiguïté. Des centaines de partisan.e.s de Donald Trump encouragé.e.s par ce dernier, envahissent le Capitole pour empêcher l’investiture de Joe Biden. Parmi ces activistes ultra-conservateurs dont beaucoup sont armé-es, des suprémacistes sudistes pro-esclavagisme et des néo-nazis sont identifi-ées. La menace raciste et antisémite est concrète et s’affiche au grand jour. Encore une fois, les réactions politiques ont été bien faibles sur ce point.
Ces événements ont lieu alors même que de nombreux actes antisémites se multiplient en Europe depuis des années : profanations de sépultures, agressions, insultes sur les réseaux sociaux... On se souvient de l’attentat d’extrême droite à la synagogue de Halle en 2019 le jour de la fête de Kippour, dont l’auteur vient d’être condamné ou de l’attentat djihadiste de l’Hyper Cacher.
Plus récemment, c’est une dauphine de Miss France, April Benayoum, qui a massivement été insultée et menacée en référence à la Shoah avec des messages proclamant « Tonton Hitler, t’as oublié d’exterminer Miss Provence », en raison des origines israéliennes de son père. Si des condamnations ont bien été entendues, des réactions ambivalentes, voire justificatrices ont également été exprimées.
Un réseau d’actions
Face à l’augmentation constante des faits et violences antisémites et racistes en France, en Europe et aux États-Unis, le RAAR appelle à la mobilisation contre toutes les formes de propagande haineuse et de violence.
Le RAAR s’adresse au plus grand nombre afin de susciter et accompagner une large prise de conscience et d’organiser les ripostes qui s’imposent. Il adresse en particulier un message de solidarité fraternelle à toutes celles et ceux qui aux États-Unis font face à la violence d’extrême droite qui prend pour cible les minorités, dont les Noir.e.s et les Juives/Juifs.
21 Janvier 2021
Contact : raar@riseup.net
Nous suivre : https://twitter.com/RAAR2021
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La création de ce réseau s’appuie sur plusieurs constats partagés :
- La recrudescence de l’antisémitisme sous toutes ses formes, dans un contexte de montée des racismes et d’aggravation de la crise sociale. Antisémitisme qui reprend les thèmes traditionnels sur le prétendu pouvoir des Juifs et le fantasmatique contrôle des médias ; leur situation de privilégiés, voire leur richesse (comme les allusions à la banque Rothschild), la protection dont ils bénéficieraient ; l’affirmation qu’ils seraient des agents d’influence de l’étranger.
- Nous constatons que l’antisémitisme a tué plusieurs fois au cours des 16 dernières années :
Sébastien Selam en 2003, Ilan Halimi en 2006 à Bagneux ; Jonathan, Arié et Gabriel Sandler, et Myriam Monsonego en 2012 à Toulouse à l’école Ozar Hatorah ; Yohan Cohen, Philippe Braham, François-Michel Saada et Yoav Hattab en 2015 à l’Hypercacher ; Sarah Halimi en 2017 et Mireille Knoll en 2018, toutes deux à Paris. À ces meurtres s’ajoutent des viols à caractère antisémite comme celui de L. à Créteil en 2014. - L’antisémitisme se traduit au quotidien par des paroles ou comportements à caractère discriminatoire, des harcèlements et agressions à l’école, à l’université, au travail, dans la rue ou sur les réseaux sociaux.
- Nous notons que beaucoup trop de partisans de l’émancipation sociale et des combats quotidiens contre l’exploitation et les discriminations reproduisent des mécanismes qui les conduisent à minimiser ou à taire les actes et énoncés antisémites. Ils ne se soucient pas de cette situation alarmante et vont jusqu’à nier cette recrudescence de l’antisémitisme. Ils se sont absentés des mobilisations lors de l’assassinat d’Ilan Halimi en 2006, des meurtres de l’école Ozar Hatorah à Toulouse en 2012, et de l’Hyper Cacher en 2015, abandonnant ainsi le terrain aux forces réactionnaires. Cela a contribué à un brouillage délétère. Ces mécanismes doivent être analysés pour mieux être détruits.
- Nous combattons l’antisémitisme d’où qu’il vienne, quels que soient ses prétextes, ses motivations et ses justifications.
Notre réseau entend lutter contre l’antisémitisme :
- En rappelant que la droite et l’extrême droite, fidèles à leur xénophobie, veulent faire croire que l’antisémitisme viendrait d’« ailleurs » et ne plongerait pas ses racines dans plusieurs traditions politiques françaises vieilles de plusieurs siècles.
- En rappelant qu’un antisémitisme diffus est resté bien vivace et qu’il est nourri aujourd’hui par tous les intégrismes religieux.
- En rejetant toute interprétation de l’antisémitisme comme provenant essentiellement de la population musulmane. Cette position est instrumentalisée par la droite et l’extrême droite et reprise dans certains secteurs de la gauche.
- En répertoriant et analysant les formes de banalisation de l’antisémitisme du côté de la gauche et l’extrême gauche, hier comme aujourd’hui. Cette banalisation plonge dans une histoire du mouvement ouvrier qui n’en a jamais été exempte. En critiquant les positionnements qui, à gauche, refusent de voir la réalité de l’antisémitisme et le cantonnent exclusivement à l’extrême droite.
- En dénonçant toute complaisance envers l’antisémitisme, que ce soit au prétexte de l’antisionisme ou de la “lutte contre la finance”. La lutte contre l’antisémitisme doit faire partie intégrante de l’action contre toutes les formes de racisme. Et nous refusons l’injonction selon laquelle il faudrait d’abord adopter une position sur Israël avant de pouvoir dénoncer la haine des Juifs.
- En participant aux luttes contre tous les autres racismes et en apportant notre solidarité à toutes leurs victimes. Nous refusons notamment l’opposition entre les actions contre l’antisémitisme et celles contre l’islamophobie, le racisme antimusulman.
- En nous solidarisant avec les étrangers et les étrangères en butte à la répression de l’État.
Nos actions :
- Mettre à la disposition du plus grand nombre des outils (argumentaires, objets de diffusion physiques et numériques) pour agir contre l’antisémitisme vécu au quotidien. Y compris dans les luttes et sur les lieux de travail.
- Organiser des réunions publiques ou des manifestations, seuls ou avec des mouvements et personnes qui partagent nos préoccupations.
- Réagir contre des actes, manifestations et publications antisémites et/ou négationnistes.
- Participer aux manifestations contre l’antisémitisme en y faisant apparaître nos positions.
- Continuer à débattre des aspects historiques et politiques de l’antisémitisme, proposer des espaces de formation et analyser de manière plus approfondie les mécanismes de l’antisémitisme contemporain.