La loi Darmanin, qui après une motion de rejet votée à l’assemblée nationale le 11 décembre passera en commission mixte paritaire très droitière, va encore renforcer la répression contre les personnes immigrées / sans papiers en facilitant les arrestations, l’enfermement et les expulsions. Le texte déjà ultra répressif a été aggravé par le Sénat. Pour mener cette politique raciste, le gouvernement prévoit la construction d’au moins 10 nouveaux Centres de Rétention Administrative (CRA), ces prisons pour sans papiers, antichambres de l’expulsion, et de faire passer de trois mois à dix-huit mois la durée maximale de rétention pour certaines personnes.
Ces derniers mois, les débats autour de la loi immigration se sont beaucoup focalisés sur l’hypothétique régularisation de quelques milliers de travailleur.e.s dans des métiers dits en tension. Un écran de fumée qui cache le vrai projet de Darmanin : rendre la vie des immigré.e.s / personnes sans papiers impossible.
Multiplication des OQTF (Obligation de Qitter le Territoire Français), systématisation de la double-peine, conditions encore plus restrictives pour obtenir un titre de séjour… le texte est un condensé de mesures racistes et répressives.
La France est déjà la championne d’Europe des OQTF. Elle en distribue plus de 100 000 par an. En agissant ainsi, l’État enferme les personnes sans papiers dans la clandestinité, à la merci de patrons qui peuvent encore plus les exploiter. Elles sont condamnées à vivre dans la hantise de se faire contrôler, puis expulser. Mais avec la loi immigration ça va être encore pire. Le texte prévoit de systématiser les OQTF pour les étranger.e.s condamné.e.s pour « menace grave pour l’ordre public », une notion très large. Il prévoit aussi de supprimer les rares cas permettant de ne pas se prendre d’OQTF (personnes arrivées en France avant l’âge de 13 ans, ou vivant ici depuis plus de 20 ans, par exemple), ainsi que de retirer un titre de séjour, synonyme d’OQTF, en cas de non-respect des principes de la République, ce qui là encore est très large.
La loi Darmanin compte, par ailleurs, généraliser la double-peine, en facilitant les expulsions des sortant.e.s de prison ou des personnes ayant été condamnées dans le passé, mais représentant encore, aux yeux de l’État, « une menace grave pour l’ordre public ». Là encore les quelques « protections » qui pouvaient empêcher quelqu’un.e d’être expulsé.e risquent de sauter avec la loi.
« Pas assez répressif ! », ont toutefois estimé les sénateurs. Lors du passage au Sénat, ils ont voté un texte encore plus dégueulasse. Il serait trop long de lister toutes les mesures, dont certaines évolueront d’ici le vote du texte. Mais citons tout de même la suppression de l’aide médicale d’État ; la mise en place de quotas migratoires ; le durcissement du droit du sol, du regroupement familial et de l’accès à certains titres de séjour (motif familial, étudiants, …) ; un moindre accès aux allocations familiales ; le rétablissement d’un « délit de séjour irrégulier » ; la systématisation des OQTF pour les déboutés du droit d’asile… Ils veulent aussi que la période durant laquelle une personne sous OQTF puisse se faire enfermer en CRA passe à deux ans, contre un an actuellement.
Darmanin a, par ailleurs, annoncé qu’il voulait porter la durée maximale de rétention administrative de trois mois à dix-huit mois pour les étranger.e.s en situation irrégulière fichés S ou délinquants.
Avec cette loi, Darmanin entend donc enfermer et expulser plus de sans-papiers. Et il s’y prépare. Il y a un an, le gouvernement a fait voter la loi de programmation du ministère de l’Intérieur (Lopmi), qui prévoit un doublement des places en CRA d’ici 2027, (3 000, contre près 1 500 en 2017). De nombreuses constructions de CRA sont programmées partout en France : à Dijon, Oissel, Nantes, Béziers, Aix-en-Provence, Goussainville, Nice, Mérignac, Dunkerque et à Mayotte.
Ces 10 CRA s’ajouteront aux 25 existants en France et en outre mer. Cette année déjà, un CRA de 90 places a été ouvert à Olivet, près d’Orléans, et celui de Perpignan a été agrandi. En 2026, c’est celui de Bordeaux qui doit entrer en service. L’année suivante c’est au Mesnil-Amelot, en région parisienne, où se trouve déjà un CRA de 240 places, qu’un nouveau bâtiment est prévu, juste en face des pistes de l’aéroport Charles de Gaulle… Et près de Calais, là où la frontière est bien connue pour être extrêmement meurtrière pour les personnes exilées, un deuxième CRA de 140 places sera construit à Dunkerque.
Doubler le nombre de places en CRA, c’est doubler le nombre de personnes qui sont enfermées jusqu’à 90 jours entre quatre murs, à subir la violence et le racisme des flics, la maltraitance médicale… avec la peur de se faire expulser à tout moment. En 2022, plus de 16 000 personnes ont été enfermées,dans un CRA de France métropolitaine, car elles n’avaient pas les bons papiers, et plus de 6 500 ont été expulsées.
Le projet de loi immigration et l’augmentation des places en CRA vont de pair : les CRA et l’expulsion sont la punition pour les sans-papiers qui refusent de se soumettre. Sans les nouvelles places prévues en CRA, la loi immigration ne pourra jamais atteindre ses objectifs de systématisation de l’expulsion. S’opposer, retarder et bloquer les constructions de CRA est le seul moyen d’empêcher l’application de la loi Darmanin.
À bas les CRA, à bas les frontières !