Calais, Notre-Dame-des-Landes/How I Wish you Were Here

En vue de ce qui se prépare à Calais et à NDDL : quelques brèves notes pour se galvaniser, s’organiser pratiquement, ne pas s’enfoncer dans des figures factices associatif-casseur-zadiste.

Dépasser l’impuissance : habiter le temps présent, l’à-venir, l’au-delà

Ainsi, nous en sommes là. Là, à ressasser notre impuissance, à nous sermonner de nos contradictions, à gémir que des puissances perçues comme inatteignables soit souveraines, à nous vautrer de pitié face au regard des « sans rien », à forcer la glose sur d’affligeantes « élections », à nous complaire dans des postures qui n’ont d’égal au ton péremptoire de leurs affirmations que leur innocuité. Chacun d’entre nous sent plus ou moins, sans parvenir à le formuler nettement, qu’il nous faudra sous peu prendre position face aux temps qui s’annoncent. C’est pourtant là qu’est l’erreur : c’est maintenant qu’il faut habiter les temps qui sont les notres. Habiter : immédiatement – se tenir près de ceux qui, à Calais, souhaitent faute de mieux continuer à pouvoir vivre dans les dunes et ceux qui, à Notre-Dame-des-Landes, s’acharnent à construire la ZAD –, à moyen terme – aider matériellement les migrants, contribuer à penser & à édifier un territoire en sécession avec le capitalisme, l’État & les comportements autoritaires –, et dans un au-delà qui nous dépasse et qui soit terrestre – abolir les frontières, abandonner avec indifférence les puissants d’aujourd’hui.

S’organiser

Nous devons prendre à bras le corps nos désirs et nos ambitions : pour cela, c’est à œuvrer sérieusement et joyeusement à édifier une puissance matérielle qu’il nous faut plus que jamais nous atteler. Matériellement parlant, elle ne saurait être, pour l’instant, que dérisoire. L’enjeu des jours à venir est donc d’élaborer une puissance des corps qui soit offensive : qu’avons nous de plus à mettre en travers de la puissance policière ? Il n’est pas question d’avoir le goût du martyr ; l’enjeu est d’être présent, aussi bien avec une inflexible douceur lorsque le moment y sera propice qu’avec une violence tenace et justement adressée dans les situations qui le nécessiteront. Bref, être tactiquement et sensiblement offensif ; bienveillant avec les uns, hargneux avec les autres ; traitant les événements avec justesse, les êtres avec justice ; tour à tour réfléchi et plein de tact, tour à tour de plain pied dans le conflit ; quoi qu’il en soit, présent sans concession.
Avoir de quoi s’ameuter avant l’aube à Calais : connaître la myriade de positions qui s’y font jour – s’informer sur les mouvements des cars venant à Calais et allant aux CAO, et entraver leur route avec l’accord des expulsés – faire jouer les implications et contacts avec des associations pour pousser celles-ci à s’opposer aux polices – être présent pour s’affirmer face à la férocité policière – fourbir et amener de cinglantes banderoles qui émousseront la rhétorique gouvernementale –
Avoir de quoi filer rapidement sur la ZAD : vêtements chauds déjà prêts dans un coin – transport disponible – être pourvus de lampes, talkies et radios pour s’y mouvoir et communiquer – avoir de quoi s’y protéger – avoir de la nourriture pour y tenir de façon autonome – consulter des cartes pour s’approprier les lieux, tant bien que mal –
Lors des rassemblements, s’ameuter franchement, donc discuter avec des individus inconnus jusqu’alors et s’organiser pour un départ rapide sur les lieux qui nous requièrent. Débusquer tout ce qui, en nous, limite nos ambitions.

Lundi matin

Sous peu, l’heure sera à Calais ; dans quelques jours, elle pourrait être à celle de la ZAD. Vaincre nos réticences – et inciter les autres à le faire – c’est envisager la façon de se propulser auprès de ces territoires & des façons de vivre qui les font. C’est pervertir les logiques individualistes ou charitables en politisant les lieux et les discussions. C’est, si nécessaire, réaffirmer le masque du cagoulé-casseur que nous avons porté au printemps autant que viser à s’en défaire pour esquiver une identité qui ne serait qu’un nouveau piège.
Nous avons connu certains de ceux de la jungle. Mais parvenons-nous à nommer ce peuple de la lande ? Serait-il trop méprisé ou trop balayé pour qu’on trouve de quoi le dénommer, qu’on trouve de quoi vêtir sont indigence d’un nom, qu’on trouve ce qui serait à la taille de ses ambitions et de sa dignité ?

Ni depuis Calais, ni depuis la ZAD, quelques franciliens qui combattent les offensives à y venir

Mots-clefs : Calais | migrants | ZAD

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