Les 26 et 27 septembre 2014, des étudiants de l’Ecole normale rurale d’Ayotzinapa au Guerrero étaient sauvagement réprimés durant une opération policière et militaire de grande envergure dans la ville d’Iguala (Guerrero). Trois d’entre eux furent alors assassinés et 43 autres étudiants, embarqués par la police municipale ce soir-là, sont toujours introuvables aujourd’hui.
Depuis lors, la lutte menée par les étudiants survivants et les pères et mères de famille afin d’exiger la réapparition en vie des 43 disparus s’est transformée en l’une des plus grandes et des plus radicales mobilisations que le Mexique ait connu durant ces dernières années. Elle symbolise le rejet de la situation d’impunité totale des militaires, de la police et des cartels de la drogue couverts et protégés par les autorités (près de 100 000 personnes ont été exécutées durant les dix dernières années, et plus de 20 000 personnes sont recensées comme disparues).
Depuis le 26 septembre 2014, parents et élèves d Ayotzinapa dénoncent la complicité de tous les partis politiques mexicains sans exceptions dans cette répression, de droite comme de gauche, depuis Peña Nieto, président du Mexique, jusqu’à Lopez Obrador et au PRD, parti de "gauche" auquel appartenait José Luis Abarca, l’ex-richissime maire d’Iguala impliqué dans les disparitions.
Depuis lors, les parents des disparus et les élèves de l’école d’Ayotzinapa n’ont eu de cesse d’appeler le mouvement social mexicain á rejeter totalement le processus électoral qui aura lieu ce prochain dimanche 7 juin, afin d’exprimer concrètement le rejet populaire de la corruption, de la répression et de l’exploitation mise en œuvre par toute la classe politique sur le pays, ainsi qu’à mettre en place des conseils populaires afin que le peuple reprenne le contrôle de ses lieux de vie.
Ces derniers jours, la situation au Guerrero s’est extrêmement tendue avec le déploiement massif de forces policières et militaires. Le pouvoir semble déterminé à vouloir assurer par la force la tenue du processus électoral décrié dans de nombreuses parties du Mexique.
A Tixtla, la municipalité oú se situe l’Ecole normale d’Ayotzinapa, un conseil populaire municipal et une assemblée permanente de boycott du processus électoral ont été mises en place le week-end dernier et, depuis lors, la ville et l’Ecole normale d’Ayotzinapa se retrouvent cernées par les forces de répression. A Tlapa, autre bastion du mouvement, des exactions sont également à craindre, tout comme dans d’autres parties du Guerrero, du Chiapas, du Michoacán et de Oaxaca, où une partie de l’économie et du système électoral est bloquée par le mouvement de boycott (grève des professeurs, destruction de propagande et de bulletins électoraux, occupation de raffineries, stations-service et bureaux administratifs).
« La dignité du peuple ne permettra pas que soient installées les urnes électorales, car nous font défaut 43 étudiants de la normale, parce que la justice n’a pas été rendue pour les personnes assassinées, parce que nous avons des prisonniers politiques, parce qu’il n y a pas de démocratie, parce qu’aucun parti politique nous représente et parce que c’est l’Institut National Electoral, au travers des élections, qui a mis au pouvoir des candidats politiques lies au narcotrafic », nous informaient dans un communiqué le Conseil Populaire de Tixtla, le 31 mai dernier.
De notre côté, nous n’oublions pas que l’État mexicain ne s’est pas seulement distingué par sa fâcheuse tendance à organiser les disparitions forcées et l’exécution parajudiciaire de ceux qui le dérangent, mais aussi par sa capacité à organiser de grande répressions, comme en 2006, à Atenco et à Oaxaca.
Nous appelons en conséquence le plus grand nombre à être en état d’alerte quant au déroulé des évènements au Mexique ces prochains jours et particulièrement ce dimanche 7 juin, afin d’être prêts á réagir le cas échéant.
Nous exigeons le respect de la volonté et de l’intégrité physique des parents et des étudiants d’Ayotzinapa, de la décision de former de former des conseils populaires en lieu et place de la dictature des partis politiques, et la réapparition en vie des 43 !
Ni oubli, ni pardon, solidarité avec Ayotzinapa !
Comité de Solidarité avec les Peuples du Chiapas en Lutte – Paris
cspcl@samizdat.net
https://www.cspcl.ouvaton.org
Note au 7 juin :
Malgré de fortes menaces, 28 des 29 urnes électorales ont été incendiées à Tixtla et le gouvernement a dû admettre sur place l’annulation locale de l’élection. Les partis politiques sont échaudés et ont déja fait plusieurs blessés.
Dans le reste du Mexique, la situation reste extrêmement tendue à Oaxaca, dans le Michoacan et dans l’isthme de Tehuantepec, régions où de nombreuses urnes et bureaux électoraux sont bloqués ou détruits, et où des milliers de militaires sont déployés pour « assurer » les élections. Idem, dans une moindre mesure, dans le Morelos et au Chiapas.