Au théâtre de La Commune, la répression syndicale se renouvelle

| Salarié.e.s du Théâtre de La Commune en lutte

En 2018, des salarié.e.s du Théâtre de La Commune se sont mis en grève pendant 3 mois pour dénoncer le harcèlement au sein de leur structure.
5 ans plus tard, la directrice, Marie José Malis, renouvelée par le Ministère de la Culture malgré ses agissements coupable envers les salarié.e.s ayant pris part à la grève, n’a eu de cesse que de monter les membres du personnel les un.e.s contre les autres. Résultat, vendredi 10 février 2023, une partie du personnel, dont nous, ancien.ne.s grévistes, victimes de répression syndicale incessante depuis toutes ces années, avons pris connaissance d’une tribune appelant à demi-mot à notre licenciement, en des termes vagues, pseudo-humaniste, qui dissimulent un désir d’ordre.
Nous leur adressons notre réponse, ainsi qu’une analyse de la situation au Théâtre de La Commune, où la maltraitance venue de patron auto-proclamé « de gauche » bat son plein. De quoi la répression syndicale y est-elle le nom ?

En 2018, des salarié.e.s du Théâtre de La Commune se sont mis en grève pendant 3 mois pour dénoncer le harcèlement à l’oeuvre dans leur structure.
5 ans plus tard, la directrice, Marie José Malis, renouvelée par le Ministère de la Culture malgré ses agissements inaccpetables envers les salarié.e.s ayant pris part à la grève, n’a eu de cesse que de monter les membres du personnel les un.e.s contre les autres. Résultat, vendredi 10 février 2023, une partie du personnel, dont nous, ancien.ne.s grévistes, victimes de répression syndicale incessante depuis toutes ces années, a pris connaissance d’une tribune appelant à demi-mot à notre licenciement, en des termes vagues, pseudo-humanistes, dissimulant un désir d’ordre.
Nous leur adressons notre réponse, et poursuivons ainsi notre analyse de la situation au Théâtre de La Commune, où la maltraitance venue de patron auto-proclamé « de gauche » bat son plein. De quoi cette répression syndicale y est-elle le nom ?

En cette période de mobilisation massive contre la réforme des retraites, c’est avec une profonde consternation que nous avons pris connaissance par voie de presse, le vendredi 10 février 2023, d’une tribune parue sur Sceneweb, et dont une « majorité » de nos collègues serait signataire.

Tribune consultable sur ce lien :

Quel en est l’objet ?

Une adresse aux futur.e.s candidat.e.s à la direction du CDN d’Aubervilliers, pour les avertir qu’une minorité « toxique » de salarié.e.s sévit au théâtre, et que pour « protéger » les futur.e.s artistes dirigeant.e.s et « traiter la question » de « manière pérenne », ils sont prêts à déployer « des moyens d’action pour aller au bout de [leur] démarche »…

Qui sont les signataires ?
Bien sûr, nous pourrions relever que, sur les 11 signataires, 10 ont été embauchés par l’actuelle direction, 2 font partie du « CODIR » (comité de direction du théâtre), et que parmi les solidaires-non-signataires apparaissent 4 ex-membres de la direction. Cependant, même en relativisant le nombre de signataires, le vocabulaire technocratique et glaçant avec lequel une partie du personnel voue l’autre aux gémonies et appelle à demi-mot à son licenciement, ne peut qu’interpeller.

À commencer par les conditions de son élaboration. Ce texte n’a pas été conçu ou proposé lors d’une réunion du personnel ou d’une AG. De nombreux salarié.e.s n’étaient pas informé.e.s de cette initiative, et notamment 6 des 7 salarié.e.s qui étaient déjà présent.e.s sous la précédente direction. Nous avons à ce jour comptabilisé 11 salarié.e.s permanent.e.s de La Commune qui nous ont dit ne pas avoir été informés de cette démarche, soit autant que de signataires ! La « majorité » prétendue est donc plus que relative...

Dans ces conditions, ce collectif de salarié.e.s ne peut ni se prétendre majoritaire (11 signataires sur un effectif global de 25 en ne comptant que les permanent.e.s et les apprenti.e.s) ni se taxer d’une quelconque représentativité.

Cependant, bien que nous condamnions tant sur le fond que sur la forme la démarche entreprise par ces collègues, avec qui nous entretenions jusque-là, pour beaucoup, de très bons rapports de travail, nous tenons à les assurer de notre volonté de trouver coûte que coûte les voies d’un possible échange quelles que soient les embûches que la direction mettra sur notre chemin. En effet nous voulons croire qu’un dialogue sincère pourra réparer ce qui a été gravement abîmé par une direction sans vergogne.

De qui parle ce texte et qui sont les salarié.e.s « toxiques » ?

Si le texte de cette tribune « spontanée » reste allusif, en revanche nous avons la chance de disposer d’un courriel que, concomitamment, la directrice du théâtre, Marie-José Malis, a envoyé à l’ACDN (Association des Centre Dramatiques Nationaux) pour demander le soutien de ses consœurs et confrères dirigeant.e.s.

Texte intégral de ce mail ci-dessous  :

Dans ce mail, nous comprenons aisément quel.le.s sont les salarié.e.s visé.e.s : les syndiqué.e.s et militant.e.s d’un « syndicat très puissant dans nos maisons » (Madame est trop bonne... ), à savoir la CGT.

À l’heure où nos conquis sociaux sont plus que jamais menacés, nous savons combien la répression syndicale s’érige en norme dans de nombreux secteurs. Pour autant, il ne nous est pas moins pénible de constater que c’est précisément dans celui de la culture et du spectacle vivant, qui aime tant à se parer d’oripeaux aux couleurs de l’« émancipation » ou de l’« hospitalité », que cette logique délétère est portée à son paroxysme. Car, dans le théâtre subventionné comme dans les entreprises du groupe Bolloré, malheur à celles et ceux qui « mordent la main qui les nourrit » !

Que signifie « traiter la question » ?

Lors des différents mandats de Marie-José Malis, de nombreux.euses salarié.e.s ont été « convaincu.e.s » de quitter l’entreprise : ruptures conventionnelles ou négociations transactionnelles (avec clauses de confidentialité bâillonnant nos collègues), acharnement disciplinaire allant jusqu’à des tentatives de licenciement, gestion RH totalement inégalitaire des promotions et salaires, proposition de formation à la condition sine qua non d’aller travailler ailleurs, placardisation de salarié.e.s sous couvert de restructuration des services, dénonciations calomnieuses (harcèlement, racisme, sexisme...), dénigrement systématique auprès des tutelles, des partenaires, des collègues (en particulier celles et ceux récemment embauché.e.s ou peu présent.e.s dans la structure), instrumentalisation des tensions interpersonnelles pour cliver les équipes, humiliations et propos vexatoires au quotidien, notamment en réunions...

Cependant, force est de constater, que depuis le conflit social de 2018 les brimades et mesures punitives énumérées plus haut (liste non exhaustive) ont ciblé plus volontiers les ex salarié.e.s grévistes.

Ainsi, depuis 2018, ceux-ci totalisent presqu’une dizaine de mesures disciplinaires, dont une demande de licenciement, toujours en attente de jugement au tribunal administratif, après rejet de l’inspection et du ministère du travail. Et malgré ces revers, dans ce dossier, la direction du théâtre continue son acharnement juridique, subvertissant le droit du travail pour en faire un outil de répression syndicale et dilapidant l’argent public en procédures dispendieuses autant qu’inutiles, privant ainsi de financement des ateliers pour la population d’Aubervilliers, ou des spectacles pour le jeune public, dont le nombre de représentations s’est réduit comme peau de chagrin durant la mandature de l’actuelle direction malgré une forte demande des équipes pédagogiques de la ville.

Comme on le voit, sous couvert de « difficultés » dans le travail, c’est en réalité une répression syndicale féroce qui s’exerce actuellement.

Mais cela n’est pas encore suffisant semble-t-il puisque les salarié.e.s signataires de cette tribune envisagent, pour leur part, de « mettre en œuvre » de nouveaux « moyens » pour aller jusqu’au bout de leur « démarche ».
Faut-il s’attendre à encore un peu plus de brimades, de dénonciations, d’humiliations ? Faut-il même craindre pire ?...

Nous rentrons là dans une spirale bien dangereuse et, dans tous les cas, si la santé et la sécurité de nos camarades devaient encore en pâtir cela relèverait d’une faute inexcusable de l’employeur puisque l’on voit clairement, au travers du mail de Marie-José Malis à l’ACDN, la part active que prend la direction dans ce lynchage prémédité.

Que nous est-il réellement reproché ?

Là encore, le texte n’est pas très explicite. Nous sommes accusé.e.s de façon très générale d’avoir un "rapport au travail […] toxique pour tout le collectif" et d’être à l’origine de « difficultés majeures ». Mais en quoi notre rapport au travail serait-il toxique ? On ne sait pas bien. Il faut donc le croire sur parole, ou demander des précisions par e-mail, comme cela est obligeamment proposé en fin de tribune, ce qui permet accessoirement d’éviter toute contradiction. L’information : « oui » - mais dans l’opacité !

Pour notre part, nous ne voyons aucun inconvénient à entrer dans le détail. Et puisque ce sont les salarié.e.s proches de la CGT qui sont plus explicitement visé.e.s, rappelons quelles ont été nos principales revendications depuis l’arrivée de l’actuelle direction :

  • Est-il réellement « toxique » de demander que les directions se rémunèrent en fonction de la grille interne des salaires applicable dans l’entreprise ? Nous avons d’ailleurs eu la joie de voir ce point - soulevé par nous en 2014 - repris dans l’actuel appel à candidatures.
  • Est-il « toxique » de demander que les amateur.e.s sur les spectacles payants (les Pièces d’actualité par exemple) soient rémunéré.e.s, et de surcroît conformément à la grille interne des salaires (2014) ?
  • Est-il « toxique » de demander que les artistes interprètes « débutant » (c’est-à-dire n’ayant participé à aucun spectacle professionnel selon la direction) se voient rémunéré.e.s en fonction de la grille interne et non au minimum conventionnel (2016) ?
  • Est-il « toxique » de demander l’arrêt des pratiques de management pathogène, le respect des instances représentatives du personnel, et la mise en place d’un audit sur les conditions de travail, revendications du mouvement social de 2018 au sein de notre structure ?
  • Est-il « toxique » de demander pendant la crise sanitaire de 2020/2021 que les contrats et les promesses d’embauches soient toutes honorées ?
  • Est-il « toxique » sur cette même période de réclamer des explications sur l’utilisation des fonds perçus au titre du chômage technique et du soutien aux entreprises ?
  • Est-il « toxique » de demander que les apprenti.e.s soient rémunéré.e.s en fonction du poste occupé et non pas systématiquement au SMIC (2022) ?
  • Est-il « toxique » de demander des explications lorsque nous constatons des disparités de salaire très importantes parmi les salarié.e.s (notamment parmi les signataires de cette tribune) certain.e.s pouvant percevoir des salaires jusqu’à 49% au-dessus des minimas conventionnels (2022) ?

Toutes ces revendications ont été balayées par la direction, et nous sommes au regret de dire que ces dernières années nous n’avons reçu à ce sujet aucun soutien des représentants de FO 93 (syndicat actuellement majoritaire dans la structure) signataires de cette tribune, et fervents défenseurs de la direction.
Seraient-ce donc ces tentatives d’avancées sociales favorables aux salarié.e.s les moins bien lôti.e.s, qu’ils-elles soient artistes, administratifs.ives ou technicien.ne.s, intermittent.e.s ou permanent.e.s, qui seraient si insupportables à nos collègues, demandes obstinément refusées par une direction qui se voudrait pourtant l’avant garde éclairée de la lutte contre le capitalisme ? À moins que l’on nous punisse pour avoir mis notre direction face à ses propres contradictions, révélant ainsi que dans le monde des "patrons de gauche", le roi est nu ?

Pourtant, la gestion d’une entreprise, fût-elle artistique, n’est pas le fait du prince.

Les salarié.e.s disposent de droits, et se battre pour les faire appliquer ou pour en conquérir de nouveaux ne relève pas d’un rapport « toxique » au travail, bien au contraire. Dans la relation contractuelle, le.la salarié.e est la partie faible du contrat... même et peut-être surtout lorsque le.la patron.ne se dit de "gauche". C’est pourquoi il.elle bénéficie de protections sociales et de représentant.e.s pour veiller à leur application.

Et c’est spécifiquement sur ce point que notre vision du travail diverge avec la direction et les salarié.e.s fier.e.s et heureux.euses de porter le projet « novateur » de Marie-José Malis. Pour nous, le fonctionnement et l’organisation du travail ne doivent pas dépendre exclusivement du « projet » (artistique ou non) porté par une direction mais se discutent et s’envisagent en concertation avec les salarié.e.s - TOU.TE.S les salarié.e.s. Une structure culturelle publique n’est pas une scène de théâtre. On ne met pas en scène le travail et le collectif de travail.

Les 10 ans de présence de Marie-José Malis et Frédéric Sacard auront été une longue succession d’incompréhensions, de violences, et d’enfermement dans un système profondément destructeur : pour le public, pour le théâtre, et pour son personnel. Signalons au passage que la fréquentation a été divisée par 2 depuis 2014 : 19 355 spectateurs en 2014-15 vs 10 039 spectateurs en 2021-22.

Ce désastre aurait pu s’achever dans une certaine discrétion... mais non. Il fallait une fois encore radicalement briser le collectif et les salarié.es avant de partir. En adepte de la politique de la terre brûlée, Marie-José Malis utilise cette tribune comme un dernier coup porté pour que plus rien après elle ne puisse repousser. La dernière tentative, aussi, pour rejeter ses fautes sur d’autres alors même qu’elle cherche un nouveau point de chute après l’échec dernièrement de sa candidature aux Tréteaux de France, au CNSAD (Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique) et au Théâtre du Peuple de Bussang.

Sur ce point, nous vous renvoyons aux excellents articles écrits en 2020 dans Jef Klak et Rapports de force.

Liens pour les articles ci-dessous :

Nous vous invitons également à lire le courrier de l’un des administrateurs ayant travaillé à La Commune avec Didier Bezace en réponse à celui de Marie-José Malis et qui se désolidarise de sa présentation des faits.

Courrier de Philippe Luciat-Labry ci-dessous :

Par ailleurs, si la direction en poste souhaite réellement ouvrir un débat public sur la « toxicité » dans l’entreprise, nous lui suggérons de relever totalement de leurs obligations de confidentialité les salarié.e.s actuellement en poste ainsi que l’ensemble de nos ex collègues ayant quitté le théâtre ces 10 dernières années afin qu’ils et elles puissent s’exprimer en toute liberté.

Nous souhaitons, en conclusion, et nous rejoignons Marie-José Malis sur ce point, alerter sur le fait que les dirigeant.e.s nommé.e.s à la tête de nos institutions publiques sont souvent mal formé.es, mal préparé.es et mal accompagné.es. Nous pensons également que la nécessaire vigilance que devrait exercer le ministère (surtout lors de l’arrivée d’une nouvelle direction) est défaillante, et que les départs précipités des salarié.es dans ces circonstances sont totalement banalisés, voire souhaités... quelles que soient les violences exercées.

Aux futur.e.s candidat.e.s à la direction du Théâtre de La Commune, CDN d’Aubervilliers, nous souhaitons dire que ce lieu n’est pas une page blanche. Il est riche de son histoire et de ses salarié.e.s. Il est emblématique d’une étape glorieuse de la décentralisation et il est aussi à l’image du temps. L’accompagnement des pouvoirs publics est fragile et le territoire est à regagner.

Mais la tâche est belle, tout est possible et nous sommes certain.e.s qu’après le départ de la direction sortante, elle pourra s’accomplir. Aussi, nous vous souhaitons par avance : Bienvenue à toutes et tous, et que vive le Théâtre de La Commune ! Les mauvais jours finiront !

Les Salarié.e.s du Théâtre de La Commune en lutte
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Localisation : Aubervilliers

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