Au Cinq et au Delà…

Le 5 décembre, c’est le nouveau mantra de la personne en lutte. L’on ne devrait plus dire « À-Dieu » mais « Au 5 ». Pourtant nous sommes blasé·e·s, inquiet·e·s parce que trop souvent berné·e·s par nos propres illusions sur le fameux Grand Soir révolutionnaire. Non, le 5 ne sera pas le Grand Soir, parce que le 5 n’a pas d’importance : c’est au-delà que la grève générale se joue et se construit jour après jour, là où l’on est, dans l’univers du travail que l’on n’aime pas. Nous pensons important de revenir à la naissance du 5 décembre pour ensuite réfléchir à l’après-5.

La naissance du 5

Nous sommes le soir du 23 septembre, dans une salle faiblement éclairée de la bourse du travail de Saint-Denis.
Deux jours auparavant, une coordination informelle des luttes écologistes, sans-papier, Gilets jaunes et syndicales se mettait en branle lors de la manifestation pour le climat, porteuse d’une tribune commune [1]. Au matin, l’on se faisait nasser ensemble ; l’après-midi l’on avançait ensemble ; et au soir, toutes les organisations dénonçaient Macron 1er, oh Grand Champion de la Terre selon l’ONU, d’avoir été le premier dirigeant au monde à avoir réprimé une manifestation pour le climat.

Ce soir-là du 23, la salle est pratiquement vide, faute à un changement de lieu tardif ; nous ne savons pas avec certitude pourquoi. Cependant, l’estrade est remplie de différentes organisations formelles et informelles de personnes en lutte ; chacune d’elles déroulera leur agenda politique, et surtout parlera de leur ressenti. Évoquons ici le témoignage de la copine de l’interurgence, en grève depuis des mois, les cernes aux yeux.
Le collectif Adama nous invite tou·te·s à rejoindre l’action du 5 octobre : un préambule à la semaine d’action d’Extinction Rebellion. Nous ne le savions pas encore, mais l’on parlait de l’action d’occupation du centre commercial d’Italie2, cet espace-temps de convergence multicouleurs d’où est né le drapeau aux trois gilets : « Ensemble, détruisons ce qui nous détruit » .

Puis viennent les personnes de la RATP. Le 13 septembre, nous les avions vus faire une grève quasi totale des transports urbains intra-muros, nous les avions vus rentrer dans les locaux de leur boîte ; nous avions constaté leur efficacité. Mais franchement, le 5 décembre ?! Pourquoi si loin dans le temps ?

Ce soir du 23 septembre, leur discours est clair, simple, combatif :
Cela fait des mois qu’iels préparent la grève reconductible, et il·elle·s ont de quoi tenir plusieurs mois. La journée du 13 a été efficace parce qu’il·elle·s sont allé·e·s convaincre chacun·e de leur collègues. Et ce qui s’est passé le 13 ce sera tous les jours à partir du 5.
Il·elle·s tiendront jusqu’au retrait total de la réforme sur la retraite. Si il·elle·s ne se sont pas mis en reconductible dès le 13, c’est pour que nous soyons tou·te·s prêt·e·s : nous avons deux mois pour monter des caisses de grèves et nous préparer à une grève générale. Il·elle·s seront la locomotive de la lutte sociale, mais iels ne pourront pas réussir seuls.
À l’estrade on leur demande très franchement si l’on peut leur faire confiance : combien de secteurs ont lâché ce rôle en cours de route, les raffineries, les routiers, etc., quand les centrales syndicales ont négocié pour leur branche spécifique et obtenu satisfaction ? La réponse est incisive : l’UNSA RATP, majoritaire et partisane de la grève générale, est en opposition radicale avec sa centrale syndicale. Les copain·ine·s de la RATP nous l’affirment fièrement : iels n’ont rien à négocier, c’est le retrait ou rien.
Le mot d’ordre est simple : faire imposer le 5 décembre aux centrales syndicales comme le premier moment de révolte, transmettre l’information en dehors de Paris, et surtout aller au-delà du 5, parce que si l’on ne se bouge pas maintenant, ce ne sera jamais.

Et maintenant ?

Nous sommes maintenant à une semaine de la grève et nous nous devons de ne pas tomber dans des pièges :
Déjà, la grève du 5, aussi énorme qu’elle soit, ne s’arrête pas au 5. Nos ennemis peuvent nous concéder une journée festive, tant que l’on reviendra à la maison et au travail les jours suivants.
Rappelons ici les dates :

  • Le 5 : premier jour de la grève générale
  • Le 6 : grève pour le climat
  • Le 7 : samedi de convergence
  • Le 8 : marches des mamans de Mantes-la-Jolie, les mères des élèves que les flics ont mis à genoux, mains sur la tête, car « Voilà une classe qui se tient bien sage »

Et le 9 ? Bloquons tout.

« Pardon Patron je ne peux pas aller au boulot, ma bouche de métro est fermée, c’est ballot ! »
« Pardon Patron je ne peux pas aller au boulot, le périph, toutes les routes sont bloqués, c’est ballot ! »
« Pardon Patron je vais être en retard, on vient de m’offrir un ptit-dej’ sur un rond-point, le café est une tuerie ! »
« Pardon Patron je ne pourrai pas être là, il y a un piquet de grève à l’usine juste en face de la nôtre, et il·elle·s envoient le feu ! »
« Pardon Patron tu ne peux pas aller pisser tant que tu n’as pas augmenté notre salaire, c’est ballot ! »

Autre piège : que la grève ne soit efficace que dans les grandes villes, là où les habitant·e·s sont dépendant·e·s des transports urbains. Nous pensons personnellement que des convergences sont nécessaires autour des écoles : sans cette institution, les parents ne peuvent aller travailler. Mais n’oublions pas que par le passé, les parents faisaient garder leurs enfants pour aller à des manifestations que l’armée réprimait. Dans notre temporalité, il nous faudra penser les occupations au-delà du 5.

Et puis ne restons pas bloquer dans notre entre-soi : les réseaux sociaux, qui fonctionnent par occurrence, qui se répondent entre elles, construisent des microcosmes éloignés des autres réalités. Nous nous devons de décloisonner nos vies, et de créer des liens entre les luttes et les gens dans le monde réel.

Enfin que faire face aux stratégies policières, pour s’organiser dans les manifestations, se protéger ?
Il est impératif que plusieurs espaces existent dans la manif, avec des niveaux de confrontations et de dangers différents.
Direction est, les tranquilipilous. Direction ouest, les saboteur·euse·s festifs.
Évidemment les policiers ne nous laisseront pas faire, à nous d’être malins ;)
De plus, trop de gens lucides ont peur d’aller aux manifestations ; et pour eux·elles, nous devons laisser l’espace pour d’autres formes d’actions : des cantines, suivi juridique et des keufs, médias, etc.
Et l’on peut être masqué et saboter, tout en étant déguisé comme dans un carnaval. Mais dans tous les cas nous avons besoin de protections collectives : comme des banderoles renforcées, faites de matela ou d’autres choses plus légères :p, sur lesquels les LBD rebondissent. Le block, noir ou pas, doit protéger la manifestation, sans quoi il ne sert à rien et nous serions nu·e·s face à leurs tirs.

Et tirons des leçons du 16 novembre : le mot d’ordre a été de ne rien dévoiler sur les réseaux sociaux, car nous avions fait l’expérience d’être contrôlé à chaque rassemblement officiel posé sur Demosphere par exemple. Un jour avant, nous n’avions que des objectifs larges, mais efficaces :

  • Le matin, bloquer le periph.
  • L’aprem, la manif.
  • Fin d’aprem, les Champs.
  • Le soir, une surprise dans le centre de Paris.
    Libre à chaque groupe affinitaire de s’y inscrire, ou pas.

Voyons le 16 novembre comme une répétition générale, le 7 décembre comme notre Jaune Anniversaire, et prenons ce que l’on a à prendre.
Contre cette retraite-là et son monde.

Note

Au 5 et Au-Delà,
Aux Camarades, Ami·e·s, Copain·ine·s
Et aux personnes que nous rencontrerons

Localisation : région parisienne

À lire également...