aqui/ailleurs — roussi brésilien

Rio de Janeiro, 6 février 2014. Une énième manifestation contre l’augmentation du prix des transports se solde par la mort d’un journaliste. On accuse Caio Silva de Souza (pauvre, noir) et on en profite pour faire passer une loi sur l’anti-terrorisme au Congrès, visant à faire de tout manifestant un criminel. La loi de la FIFA, anticipée par les gouverneurs Eduardo Paes et Sergio Cabral dans une ville crucifiée par un capitalisme ravageur, ramène les souvenirs à 1964, année où s’installe dans le Pays la dictature militaire. Impressions d’une voyageuse engagée.

situation kafkaïenne
le mensonge prend les dimensions de l’État – au final, qu’est-ce qui l’empêche ?
les observateurs internationaux aux yeux de sous, regard attentif de la sangsue
demandent à étouffer les restes de révolte, braises éparses du brasier brésil

(des figures en uniforme à chaque carrefour – Exùs déchus
noir, pauvre, trans, dégueulasse, pourri, va plus loin
allez former des bandes de chiens enragés ailleurs
quand les rues seront de nouveau vides, sombres, à sentir la peur de tout
— - il n’y a plus que des policiers)

berlin jeux olympiques 1936

un air de dictature militaire, ta-ra-ta-ta-ta
la rage ne colle peut-être pas avec la musique qui festoie
mais même face à la joie on prépare un défilé de bombes et de larmes à gaz
qui va mourir aujourd’hui ?
revendiquer dans la rue ses droits avec cette question dans la tête
une armée grise synthétiquement plastifiée sous un soleil grille pain c’est ridicule
mais pourquoi les cœurs continuent invisibles à imiter les chevaux ?

nous sommes les vikings modernes
ceux qui veulent par désobéissance sauter les barrières de l’argent qu’on n’a pas
et en face les vikings de toujours – chiens de garde de l’argent par millions
allons donc dans la cocotte minute nous faire exploser les oreilles et le crâne
effet moral : ils ont même fermé les grillages pour nous massacrer du dedans
et la guerre se déclenche dehors
jusqu’à ce que le sang coule par terre
(ça aurait pu être n’importe qui, selon l’implacable loi du chaos)

scénario clownesque et bal des marionnettes
la justice est faite par les journaux monolithiques imprimés avec du jus à vice
l’avocat se lime les ongles devant le microphone Globo qui accuse avant le procès
— - suggestions créatives pour un juge paresseux
les tortionnaires rotent au visage du gamin de dire ça ou de pourrir dans une prison
titre de couverture (arial, gras, police 48) :
« les manifestants sont financés par les partis d’opposition »
les jours suivants par des acteurs de la contre-culture qui ne peuvent même pas s’auto-financer

certes que leurs têtes viciées ne comprennent pas comment on peut faire quoi que ce soit sans contrepartie monétaire
money money, monkey honey

on réserve le plus absurde pour le dessert
habile collage de toutes les scènes de violence de l’opprimé
pour que le viking – déjà synonyme de manifestant – devienne synonyme de terroriste
étiquettes rigolottes menottes autour du pouls où le sang bat encore plus fort
dans les veines de la même personne métamorphosée au gré des lois du Congrès

le carnaval pour que la joie étouffe - encore une fois - la rage ?
auto-censure imbibée d’alcool, de baisers et de marcinhas
on voudrait le monde amoureux
mais c’est un rêve/ nous voilà déjà nus le lendemain
autant anticiper à tout de suite le mercredi des cendres
brûlons tout

(viviana lipuma)

Note

(Il y a des manifestations quasiment tous les jours au Brésil. Ce 22 février, à Sao Paulo, les manifestants ont été encerclés et massacrés à sang par la Police Militaire du fait de cette même loi anti-terroriste qui leur permet d’emprisonner n’importe quel manifestant à titre préventif. http://www.youtube.com/watch?v=y-BzdbQ1FWc
Restons informés, parlons de la violence de l’État et de l’intolérable, insurgeons-nous. http://www.anovademocracia.com.br/. NAO VAI TER COPA !)

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