À propos du livre « Féminismes islamiques » de Zahra Ali

Quelques notes à propos de l’ouvrage de Zahra Ali « Féminismes islamiques » où six intellectuelles musulmanes font une exégèse du Coran pour démontrer qu’il n’ y a rien de discriminatoire dans les textes sacrés.

J’ai lu ce livre par curiosité, conseillé par trois ami(e)s. Zahra Ali, l’auteure, y réunit un ensemble de textes de Asma Lamrabet, marocaine, Asma Barlas, pakistano-américaine, Malika Hamidi, française, Ziba Mir-Hosseini, iranienne, Zainah Anwar, malaise, Omaima Abou-Bakr, égyptienne, Saida Kada, française, Hanane al-Laham, syrienne.
Ces femmes intellectuelles musulmanes, brillantes, se livrent à l’exégèse du Coran, citent de nombreuses sourates et veulent modifier l’Islam de l’intérieur. Je leur souhaite bon courage tout en ne croyant pas une seule seconde que cela soit possible. 53 ans de voyages m’ont amené à côtoyer bien des religions et leurs adeptes (Chrétiens, Musulmans, Juifs, Hindouistes, Jaïns, Zoroastriens, Bouddhistes, Caodaïstes etc.) et j’ai toujours eu le même discours : peu m’importent les Livres saints et leur exégèse, ce qui m’intéresse est de voir comment les gens vivent leur quotidien.
J’ai subi la religion catholique sans avoir rien demandé puis j’ai eu la chance de rencontrer des ami(e)s et des profs qui m’ont fait découvrir un souffle de liberté et d’esprit critique à travers l’athéisme. Plus tard et par hasard j’ai découvert les idées libertaires qui m’ouvraient un champ politique et philosophique plus vaste.

A mon tour d’en faire profiter - si les circonstances s’y prêtent bien sûr - celles et ceux qui sont encore enfermées dans le dogmatisme religieux. Je note qu’aucune de ces femmes intellectuelles ne remet en cause la rigidité aberrante du ramadan. Lors du dernier ramadan, une amie musulmane s’est retrouvée à l’hôpital avec un sérieux problème rénal. Il est vrai qu’à la rupture de jeûne elle se précipitait sur le coca ! Rien non plus sur l’urgence de la planification familiale, sujet tabou ? comme le droit à l’avortement, la contraception ?

Des gens réfléchissent sur un problème grave qui nous concerne en France depuis plusieurs décades : la montée du Front national. Pourquoi des individus sont passés du Parti communiste au F.N ? C’est difficile à expliquer. Il y a bien une passerelle : le nationalisme.
De même ne vous étonnez pas trop du regard d’une partie de la société française sur l’Islam. Beaucoup de ces gens qui ont peur de l’Islam n’ont que peu voyagé (ni à l’extérieur de l’ Hexagone ni dans leur tête et c’est même une constante à tous les peuples du monde). Demandez-vous quelle est l’image de l’Islam véhiculée à l’extérieur ? Elle est très négative et elle est précisément dénoncée par ces femmes tout au long de ce livre !
Que des musulman(e)s et des gauchistes se mobilisent pour des écrits, des dessins ou des caricatures et qu’ils (elles) ne fassent rien quand des femmes courageuses subissent une fatwa (Taslima Nasreen par ex.) ou quand la petite Malala se prend une balle dans la tête ou quand les fondamentalistes brûlent des églises coptes, il n’y a pas de quoi être fièr(e)s et ils (elles) participent à cette image négative de l’Islam.
Que l’apostasie soit encore un crime est une honte et merci à Zainah Anwar de le dénoncer.

Ce n’est pas la religion qui peut faire avancer l’humain mais la philosophie incluant l’histoire des religions. Quant à celles et ceux qui cherchent la spiritualité, ils (elles) ne la trouveront pas dans la religion qui enferme avec son carcan de dogmes... (sauf rares exceptions, le courant soufi en Islam et je vous recommande « Soufi, mon amour » de Elif Shafak).
Nous avons environ 3 500 000 ans derrière nous, notre histoire... l’évolution... seuls les créationnistes évangélistes et les salafistes la remettent en cause.
Les révolutions se sont faites contre le clergé : Révolution française, Commune de Paris, Révolution russe, Révolutions mexicaine puis espagnole ou hors de la religion : Révolutions tunisienne et égyptienne même si dans ces deux derniers cas le clergé était le mieux organisé pour utiliser le jeu démocratique et les confisquer.
Si nous sommes d’accord sur le fait que les religieux et les militaires doivent être bannis du champ politique alors la religion devient une affaire privée, ce qu’elle aurait toujours dû être !

Dommage que Zahra Ali termine par une agression injuste (p. 197) :

« Le féminisme à la française est à côté des ses pompes, c’est une génération qui ne produit plus. C’est un féminisme bourgeois qui ne gère que des questions bourgeoises et qui laisse sur le bord de la route toute une catégorie de femmes. »

Dans ce courant de pensée, les Indigènes de la République ne sont pas loin !
Précision : je ne suis pas partie prenante des querelles qui divisent les mouvements féministes, la CNT ou les organisations pro-palestiniennes.
Précision 2 : je connais et soutiens les féministes de la Maison des Femmes de Montreuil, elles font un travail formidable avec les femmes immigrées. Je lui propose d’aller les voir !
Heureusement Hanane al-Laham fait preuve de plus de clairvoyance et de probité intellectuelle quand elle dit (p.211 et 217) :

« Tout se passe comme si c’était l’Autre qui était responsable de notre situation : le colonialisme, le sionisme, etc.Comme si au fond nous ne pouvions rien faire face à cela et que nous n’étions que des victimes. Oui le colonialisme et le sionisme nous ont affaibli et sont la cause de beaucoup de nos problèmes mais le fond n’est pas là. »

Plus loin :

« Je suis pour un État laïque. L’histoire nous a montré que toute théocratie était un échec. Pourquoi ? Car tout le monde s’improvise Parole de Dieu sur Terre. Celui qui diverge est alors considéré comme sortant de la voie de Dieu et comme un mécréant. Il nous faut un État civil laïque. (...)
La dictature religieuse est la pire des dictatures, car on s’impose au nom de Dieu. Cela ne laisse la place à aucune critique »

Hanane al-Laham est Syrienne, ce qui ne m’étonne pas !

El Azteca.

Mots-clefs : islamophobie

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