À propos de l’extraordinaire capacité d’adaptation des enfants

Ce texte a été écrit en réaction à l’obligation du port du masque par les enfants de plus de 6 ans à l’école. L’auteur est hostile à cette mesure, ne supportant pas l’idée de l’imposer à ses propres enfants, ni aux autres enfant de ce pays.

Parmi l’amoncellement de mesures, contre-mesures, informations et polémiques en tous genres, et tous les tracas, angoisses, colères qu’elles suscitent chez ceux qui les subissent, certaines, pour peu anodines qu’elles soient, passent facilement inaperçues. Il en est une qui, s’appliquant à une partie de la population peu habituée à s’exprimer, génère a minima une sourde inquiétude, peu relayée pour l’instant. Il s’agit de l’obligation du port du masque à l’école par les enfants de plus de 6 ans.

Ainsi, bien que les autorités sanitaires considèrent que les enfants sont peu vecteurs du coronavirus, la précaution a été prise, en raison d’autres études disant le contraire, de les contraindre au port du masque huit heures par jour, en classe comme en récréation, exception faite du moment des repas. L’objectif est de maintenir les écoles ouvertes, tout en n’en faisant pas des lieux de diffusion du virus qui rendraient inopérant le confinement en cours.

Le virus continue malgré tout de circuler, aussi faut-il s’attendre à une évolution de ces règles, le pouvoir politique étant tenu de démontrer son activisme frénétique au service de la population. Le premier ministre a déjà conseillé aux adolescents de porter le masque y compris chez eux, tandis que certains médecins se demandent pourquoi l’obligation du port du masque n’a pas été étendue aux enfants de classe maternelle. Le risque d’étouffement étant reconnu pour les nourrissons, ceux-ci devraient en être exemptés. De son côté, le directeur général de la santé souhaite que les écoles soient à nouveau fermées, ce qui mettrait un terme temporaire à toutes ces questions.

Pour l’heure, les écoles restent ouvertes, et quand bien même fermeraient-elles demain, les règles qui tendent à s’imposer aujourd’hui risquent de perdurer pour des mois, voire des années. Il ne s’agit pas, nous le savons pour le terrorisme, nous commençons à le comprendre pour l’épidémie, de règles d’exception qui s’évaporeraient comme neige au soleil lorsque reviendraient « les jours heureux », pour paraphraser le paraphraseur. Le plan Vigipirate sous ses multiples nuances de couleur est en vigueur depuis des décennies, l’état d’urgence décrété suite aux attentats de 2015 est entré dans la constitution, l’état d’urgence sanitaire vient d’être proclamé pour la seconde fois, c’est peu s’avancer de dire que la crise actuelle affectera durablement les législations, au profit de la puissance publique et au détriment des libertés - individuelles et collectives.

Le Japon, dont on peut s’avancer à dire que la plupart des gens connaissent peu de choses, est devenu pour les partisans de la mesure dont il est question dans ce texte, un modèle à suivre [1]. Les écoliers nippons porteraient le masque sans rechigner, comme le reste de leur uniforme d’écoliers. Ils le portent depuis des années, durant la saison froide, et ne doutons pas qu’il s’agit également de notre horizon. Lors de l’à peu près inéluctable catastrophe nucléaire, nous pourrons également nous inspirer de la façon dont les Japonais équipèrent leurs écoliers de dosimètres afin de pouvoir continuer à faire école tranquillement à proximité de la centrale de Fukushima.

Dans l’immédiat, les écoles doivent rester ouvertes afin que les travailleurs puissent continuer à travailler, que les enfants ne soient pas privés de scolarité, et que le confinement soit plus doux à tous – beaucoup de gens ne sont plus prêts à accepter d’être enfermés avec leur progéniture. Le motif économique est indiscutable, le motif d’ordre public est également sérieux, quant au bien-être des enfants, il est légitime de douter qu’il s’agisse de la préoccupation principale. Le premier confinement a été très difficile à supporter pour de nombreux enfants, et on n’en connaît pas encore toutes les conséquences néfastes.
Le protocole sanitaire mis en place dans les écoles – séparation totale des enfants par classes (ils ne doivent se croiser ni en récréation, ni à la cantine), port du masque par les enseignants et autres encadrants, port du masque par les enfant de plus de 6 ans – aura également des conséquences, que nous ne connaissons pas pour l’instant. Les experts en suicidologie pourront comparer leurs courbes dans une vingtaine d’années, et tirer des conclusions sur les avantages comparatifs de ces deux expérimentations sociales. Sur ce point, le Japon et son modèle social exquis nous montrent aussi la voie [2].

Le port du masque a été imposé aux enfants pour que les écoles restent ouvertes, pour que les gens continuent à travailler et que l’économie ne s’effondre pas. Devant des motifs si impérieux, que pèsent les inquiétudes de quelques parents ? (De quelques pédopsychiatres aussi [3]) Peut-on sacrifier l’économie, peut-on risquer la révolution, l’écroulement de notre société, pour complaire à quelques parents, dont certains sont en plus notoirement adeptes de la théorie du complot ? [4]

Faisons l’effort de retourner la question : doit-on contraindre tous les enfants, sans exception possible [5], au port du masque huit heures par jour, quatre jours durant, pour des années, en dépit de la forte réticence de leurs parents, alors même qu’il est évident qu’il s’agit d’une étape supplémentaire dans la discipline des corps mise en place à l’école, que la lecture sur les lèvres est un élément fondamental dans l’apprentissage de la communication, et que, peut-être aussi, ça ne sert à rien ?
Doit-on imposer tout et n’importe quoi aux enfants pour sauver l’économie, sous prétexte du bien commun et du leur en particulier ?
Peut-on raisonnablement arguer de l’acceptation par les enfants d’une mesure qu’on leur impose pour juger de son caractère anodin ?
Faut-il considérer que la confiance que les enfants placent dans les adultes puisse être utilisée comme bon nous semble ? Que se passerait-il s’ils avaient le choix ?
Quand il ne s’agissait pas d’obliger les enfants à se masquer mais d’empêcher les jeunes filles musulmanes de le faire, celles qui disaient le faire par choix n’étaient pas considérées comme dignes d’être entendues, car sous l’emprise de leurs parents. Les choix des enfants ne seraient-ils valables que lorsqu’ils coïncident avec les choix de l’État ?

Les enfants comprennent très bien pourquoi il faut porter le masque lorsque les adultes leur expliquent qu’ils protègent ainsi le reste de la société.
Ils comprennent également qu’ils rassurent ainsi grandement leurs parents en permettant à la société de continuer tant bien que mal son train-train.
Quand tout le monde est inquiet pour son travail, pour ses anciens, pour la paix sociale, pour l’état de la planète – aura-t-on encore des forêts, de quoi respirer, de quoi s’alimenter demain – les enfants, qui ne portent aucune responsabilité en la matière, se font discrets.
Ils sont arrangeants, ces amours.

Notes

[1par exemple sur Liberation

[2Sur La Croix par exemple. À noter d’après ce tableau que les pays de l’ex-bloc soviétique, ainsi que la Corée du Sud, autre modèle à suivre, font mieux.

[3à lire sur Libération encore

[4La mouvance contestant l’utilité du port du masque en général, ou la réalité même de l’épidémie, s’est en effet emparée de la question. Par exemple, l’appel lancé par le site PARENTS 2021. Sur cette page de leur site, apparaissent différents médecins qui contestent les protocoles sanitaires. L’une d’entre elle, la généticienne Alexandra Henrion-Caude aime parler aux médias d’extrême-droite, elle est anti-IVG et les pages conspirationnistes adorent partager ses vidéos.

[5Il est encore possible de se soustraire à cette mesure en reprenant ses enfants chez soi, mais pour combien de temps encore ? L’instruction à domicile risque de devenir hors la loi (lire par exemple cet article de Reporterre) dans l’hypothèse hautement probable où la loi contre le séparatisme serait votée, le 9 décembre prochain

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