Il y aurait beaucoup à dire sur la pertinence des caricatures publiées par Charlie hebdo et sur la façon dont la liberté d’expression peut être abordée en classe, mais rien ne peut évidemment ni justifier ni excuser le meurtre qui s’est déroulé samedi à Conflans-Sainte-Honorine. Bien que l’on sache par avance comment cette agression mortelle va être instrumentalisée, en particulier dans les rangs des islamophobes médiatiques et politiques, pour tirer à boulets rouges sur les réfugiés et sur les musulmans en général, ce meurtre montre aussi à quoi peut aboutir l’activisme politique de personnalités islamistes.
Car l’assassinat particulièrement sordide de Samuel Paty par un jeune Tchétchène de 18 ans, qui a revendiqué son geste par écrit, a ceci de particulier qu’il s’inscrit dans un contexte d’agitation politique locale, et pas seulement suite à une « radicalisation » d’un individu isolé.
Si la sidération face à cet acte est la même que pour d’autres attaques du même type et qu’il était difficile de l’anticiper, les choses s’étant brutalement accélérées par le biais des réseaux sociaux, il est clair qu’il n’est pas « venu de nulle part », mais qu’il est bien la conséquence d’une campagne menée publiquement contre l’enseignant par d’autres individus, dont pour le moment on ne sait pas s’ils étaient ou non en contact avec l’assaillant.
Dès hier, dans la presse, un nom apparaît : celui d’Abdelhakim Sefrioui. Dans plusieurs journaux, comme Marianne ou L’Express, un portrait visiblement de source policière circule, rappelant le parcours de cet ancien président de l’association culturelle des musulmans des Ulis et trésorier du « conseil des imams de France », puis actif dans le comité de soutien à la candidature présidentielle de Dieudonné en 2007, dans des manifestations en soutien à la Palestine, derrière le collectif Cheikh Yassine qu’il a fondé le jour de l’assassinat du fondateur du Hamas en mars 2004.
L’individu n’est pas un inconnu des antifascistes, et les camarades du site REFLEXes, qui avait déjà parlé du personnage il y a quelques années, nous l’ont rappelé. Dans la foulée de la création du collectif Cheikh Yassine, et donc de la décision d’instrumentaliser le soutien au peuple palestinien à des fins prosélytes, Sefrioui crée également en 2005 le « Comité sur le Génocide en Palestine », avec deux soutiens indéfectibles de la cause négationniste, Ginette Hess Skandrani et Mondher Sfar, animateurs de l’association Entre la Plume et l’Enclume.
Outre la publication de brochures, ce comité organise également des rassemblements, les derniers samedis de chaque mois. Le samedi 26 octobre 2006, Sefrioui invite le suprémaciste noir Kémi Seba à prendre la parole.
Ce dernier, avec sa Tribu Ka, est encore, dans les milieux antisémites, tout auréolé de ses provocations dans le quartier du Marais ; on se souvient pour notre part de son soutien à Youssouf Fofana, le kidnappeur tortionnaire du jeune Ilan Halimi, assassiné parce qu’il était Juif.
L’opportunisme de Sefrioui ne s’arrête pas là. Gérant d’une librairie religieuse à Paris, il voit, au lendemain des émeutes de 2005, dans le rapprochement avec Dieudonné, une opportunité de se rapprocher de la jeunesse des quartiers populaires, au sein de laquelle le comique bénéficie alors d’un certain crédit. Ainsi, à la même époque, il se rapproche de Dieudonné, non seulement en rejoignant son comité de soutien en 2007, mais aussi en l’introduisant dans les sphères islamistes : ainsi, c’est Sefrioui qui accompagne Dieudonné lors des journées de l’UOIF au Bourget en 2006.
C’est lui aussi qui lui permet de s’inviter dans les mobilisations de soutien au peuple palestinien, très importantes à cette époque, généralement relégué en fin de cortège car les antisémites n’y étaient pas les bienvenus, du moins pour les organisateurs.
Parfois, c’est avec d’autres antisémites que Sefrioui poursuit son action, par exemple avec le Parti des Musulmans de France (PMF), lors de la manifestation du 31 décembre 2008 contre l’opération Plomb durci menée dans les territoires palestiniens.