25 travailleurs maliens attaquent leur ex-employeur pour « discrimination raciale systémique »

C’est une première, passée presque inaperçue. La semaine dernière un groupe de travailleurs maliens ont attaqué leur ancien patron aux prud’hommes pour « discrimination raciale systémique ». C’est une nouvelle notion juridique qui est ainsi proposée pour caractériser une réalité historique.

  • Les travailleurs maliens qui assignaient leur patron en justice pour discrimination raciale ont gagné

    Soutenus par la CGT, les travailleurs maliens qui avaient attaqué leur patron pour discrimination raciales ont gagné et c’est une grande victoire contre la division ethniques des travailleurs. Comme le raconte Le Monde :

     les salariés d’origine maghrébine (…) sont les encadrants de proximité qui donnent des directives, s’assurent de la bonne exécution des travaux, du respect des délais et payent les salariés en liquide" [...] les travailleurs maliens étaient des manœuvres assignés aux tâches les plus pénibles du chantier, à savoir les travaux de démolition consistant à casser les murs et les plafonds à la masse, dans des conditions extrêmement dangereuses. »"

Jeudi dernier 23 mai, avait lieu une audience inédite au conseil de prud’hommes de Paris : 25 travailleurs maliens du BTP attaquaient leur ancien employeur, MT Bat Immeubles, pour « discrimination raciale systémique », une notion (encore) inexistante en droit du travail français.

Ces travailleurs ont été exploités en 2016 par la société MT Bat Immeubles sur un chantier de démolition, avenue de Breteuil (Paris 7e), dans des conditions « humainement indignes » d’après l’inspection du travail et le Défenseur des droits : pas de contrat, retenues sur salaire, sécurité quasi inexistante, accidents du travail non déclarés, humiliations racistes (les chefs de chantiers les appelaient « les Mamadou »), etc.

Il s’agissait de démontrer que ce traitement résultait d’une discrimination raciale systémique ; et d’en faire une véritable notion juridique, s’inspirant en partie du droit canadien où existe la notion de « systemic discrimination ».

Sont intervenus à l’audience, outre les avocates des ouvriers, deux représentantes du Défenseur des droits, un sociologue, la CGT et deux des ouvriers concernés… et personne du côté de MT Bat Immeubles (placé en liquidation) qui a expliqué en amont n’avoir rien à opposer aux griefs qui lui étaient faits (!).

Les diverses plaidoiries ont pu montrer que dans le BTP - et dans toute la sous-traitance en général - un système pyramidal était mis en place, où les ouvriers de base ne sont pas considérés comme des individus à part entière, mais comme une masse de main-d’œuvre indistincte et interchangeable. Les positions de chacun dans la pyramide sont distribuées selon l’appartenance à des catégories ethnique et administrative, les hommes noirs sans-papiers se trouvant au plus bas de l’échelle.

Il a également été dit que les employeurs maintiennent ce système de hiérarchie ethnique issu de la colonisation par leurs pratiques managériales - notamment les humiliations racistes - et contribuent ainsi à entretenir une situation de discrimination systémique issue de la période coloniale.

Si les conseillers prud’homaux reconnaissaient cette notion de discrimination systémique, ce serait un pas vers la reconnaissance institutionnelle de l’existence du racisme systémique, jusque là complètement nié par les pouvoirs publics en France.

Délibéré en décembre 2019…

Ici, déjà quelques articles :

Sur L’Humanité

Sur Le Parisien

Un entretien avec une des deux avocates des salariés sur Actualités du droit

Localisation : Paris

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