La journée du 16 mars sera décisive pour le mouvement des Gilets Jaunes. Cette date marque la fin d’un grand débat qui s’est révélé, sans surprise, être une mascarade de haut vol. À vrai dire, le « débat » a toujours été une arme contre-insurrectionnelle aux mains de pouvoirs chancelants, faite pour semer la division, gagner du temps, essouffler une révolte. Cette fois-ci le débat a pris des allures de campagne électorale déguisée où le président, tout à sa passion du monologue narcissique, n’a cessé d’ignorer les revendications des Gilets Jaunes. Ses ministres n’ont pas manqué une occasion de les calomnier, espérant venir à bout de ce soulèvement qui n’en finit pas. Mais ils ont oublié une chose : comme le disait un mur parisien de l’Acte XII – on ne veut pas débattre, on veut décider.
Face à cette opération de propagande, les Gilets Jaunes se sont organisés, multipliant les appels sur internet, les déploiements de banderoles autour d’un même mot d’ordre, celui de l’ultimatum. Et d’une méthode, celle des débuts : remonter à Paris, plus précisément dans l’ouest parisien, apporter la conflictualité au cœur des lieux de pouvoir.
Matraquage médiatique, interpellations de masse, menaces de tirs à balles réelles, mutilations, accusations d’antisémitisme, enfumage pseudo-démocratique : tout a été tenté pour asphyxier le mouvement, le décrédibiliser, l’écraser. Et pourtant, les Gilets Jaunes sont encore là. Toujours debout. Principalement grâce à leur refus de la négociation, à leur refus de se laisser enfermer dans les cadres qui, depuis des décennies, condamnent les contestations sociales à l’impuissance.
Tout le monde a pu l’observer : si le gouvernement a cédé quelques miettes, c’est sous la pression du rapport de force imposé par les quatre premiers actes. On le sait depuis 68 – le pouvoir ne cède que pour garantir sa survie, que lorsqu’il se sent véritablement menacé dans sa subsistance même. S’il ne cède plus rien depuis décembre, c’est parce qu’il n’a plus peur. Plus autant. Il faut donc revenir aux bases, ouvrir de nouveaux espaces au mouvement. Refusons les parcours déclarés, redevenons offensifs et imprévisibles. Nous n’aurons que ce que nous saurons prendre.
La rue algérienne nous montre la voie : même les gouvernements en apparence les plus indéboulonnables sont balayés par la force d’un peuple qui se soulève.
Le 16 mars est déjà une importante journée de mobilisation. D’une part, il y a, à l’appel d’organisation antiracistes, la marche des solidarités contre les violences policières et le racisme d’État, qui tout en gardant son autonomie affirme sa solidarité avec les Gilets Jaunes. Du Collectif de Défense des Jeunes du Mantois à Éric Drouet en passant par le Comité Adama : tous ont rappelé que les brutalités commises contre les manifestants depuis le début du mouvement trouvent leurs origines dans la gestion policière raciste du prolétariat des périphéries urbaines. La main de l’État est toujours la même, qui frappe, éborgne ou tue. S’unir contre la répression, nouer des alliances pour en finir avec le système qui la rend possible s’impose donc comme une nécessité.
D’autre part il y a la « marche du siècle » pour le climat, afin de mettre en accusation les États et le capitalisme global – premiers responsables du désastre en cours. Là encore, les Gilets Jaunes ont rappelé qu’on ne saurait disjoindre combat écologique et transformation sociale. Ceux qui prétendent « sauver la planète » sans remettre en cause l’économie de marché, ceux qui soutiennent que l’écologie est encore soluble dans le libéralisme ne trompent plus personne : ils se couvrent de ridicule. Le vernis idéologique et les slogans opportunistes dont se gargarisent nos gouvernants masquent mal le fait que loin de prendre efficacement en charge l’urgence climatique, ils en sont les principaux fossoyeurs.
Tout concourt à faire de Paris, ce 16 mars, un grand terrain de lutte. Samedi ne sera pas un baroud d’honneur ni un dernier coup d’éclat mais le début d’un printemps plein de promesses. L’Acte XVIII doit être la première étape d’une nouvelle séquence : reprendre l’initiative pour se donner les moyens de la victoire.
Le 16 mars, envahissons Paris !