Police des corps, police de la pensée

Depuis quelques années, la police réprime toute forme d’expression politique dans les centres-villes en dehors du cadre imposé par l’État. Les banderoles des cortèges de tête et les banderoles aux fenêtres sont arrachées ou valent de la GAV. Dans les quartiers populaires, pas besoin de « prétexte », cela fait 50 ans que les habitants subissent les violences d’État.

Police des corps, police de la pensée.

En ces temps de confinements et d’urgences sanitaires, certaines personnes et organisations ont tenté de manifester le 1er mai, pour rendre visibles nos colères. Le respect des gestes sanitaires essentiels a été mis avant par tou·te·s ceux et celles qui appelaient à manifester. Les préfectures ne l’ont pas entendu de la même manière et en de nombreux endroits ce sont des CRS, des gendarmes mobiles, des policiers, la BAC, des policiers municipaux, les BRAVM qui ont fait parler la répression. De nombreuses amendes ont été distribuées, notamment aux BSP (brigade de solidarité populaire) de Montreuil en pleine distribution alimentaire, ainsi que des arrestations violentes, place de la République à Paris.
La répression au-delà du fait de nous empêcher de manifester s’est attaquée à tou·te·s ceux et celles qui portaient des slogans sur des pancartes, des stickers collés sur les vêtements, etc. La police ne se préoccupe pas des gestes barrières, ils viennent sans masques, sont attroupés, et vont au contact physique.
Cela montre bien que la motivation de la répression n’est pas sanitaire, mais bien de s’attaquer à toute forme de contestation y compris l’expression de messages politiques dans l’espace public. À de nombreuses reprises, durant le confinement, des personnes ont eu l’obligation de retirer de leurs fenêtres des pancartes ou banderoles dénonçant la gestion calamiteuse de la crise. L’exemple le plus frappant a été le fameux « MACRONAVIRUS » à Toulouse et les 4h de GAV qui ont suivi pour l’autrice de ces quelques lettres.
Nous avions déjà pu remarquer lors des manifestations contre la loi « travaille », en 2016, que la police cherchait à arracher les banderoles présentes dans le cortège de tête ou dans les manifestations sauvages. Avec la doctrine Lallement (celle d’encager la manifestation et de prévoir un dispositif de sécurité digne d’un état de siège en temps de guerre) pour quitter la manif, les manifestants doivent maintenant jeter leurs pancartes, retirer les autocollants qu’ils ont sur leurs fringues et tous signes distinctifs permettant de visibiliser leur appartenance à la manifestation.
Le 8 mai 2017, juste après l’élection de Macron, le front social avait organisé une manif, BFM TV avait titré « la police attaquée à coups de slogans ». Aujourd’hui, c’est toute forme d’expression politique hors cadre contrôlé par l’État qui est réprimée.
Mais la répression ne s’arrête pas aux centres-villes. Les habitant·e·s des quartiers populaires, très souvent travailleurs et travailleuses précarisé·e·s et en première ligne face au Covid-19 ont été violemment réprimé·e·s par l’appareil policier. Depuis les bidonvilles de Nanterre dans les années 1960 jusqu’à la construction des barres d’immeubles, le racisme d’État et les violences policières font partie du quotidien des habitant·e·s. Au 4 mai, on peut attribuer à la police le sinistre bilan de 6 morts et au moins 10 blessés graves couvrant les 2 mois de confinement. Des révoltes éparses ont éclaté, mais le déchainement policier les a pour l’instant éteintes.
Police des corps dans les quartiers populaires et police de la pensée dans les centres-villes. Pour reprendre Fela Kuti, soliste, « Them leaves sorrow tears and blood », chœur « them regular trade mark », « leur marque de fabrique, c’est de semer de la peur, du sang, et des larmes ».
Il n’y a rien à attendre de l’appareil judiciaire, des médias mainstream ni de n’importe quelle institution. Le pouvoir nous mène sa guerre sociale. Ce n’est qu’à travers nos organisations, par l’autodéfense populaire et la solidarité, que nous pourrons contrer cette machine infernale. Aujourd’hui, nous sommes peu nombreux·euses, mais peut être que les révoltes de demain feront regretter à l’appareil policier les manifestations gilets jaunes de décembre 2018.

Des militants de l’interpro 20e

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