Pastiche, autocritique, milieu autonome : modeste contribution

Une modeste « réponse », ou plutôt contribution, à la démarche d’auto-critique initiée de manière salutaire par PASTICHE et son numéro 0.

La brochure numéro 0 de PASTICHE, publiée il y a déjà de ça deux semaines, a fait naître chez moi une modeste réflexion assez brouillonne et peut-être à côté de la plaque sur le milieu militant autonome et libertaire.

Beaucoup de questions posées par les auteurs de la brochure sont en effet radicalement intéressantes, et il me semble qu’il faudra s’attacher à y répondre de manière collective pour dépasser nos contradictions qui ruinent parfois nos efforts.

Mais j’ai trouvé la brochure elle-même décalée pour y répondre.

Peut-être qu’il faudrait créer une plate-forme indépendante à Paris-luttes pour en débattre de manière plus approfondie, hors de la revue PASTICHE (à qui je souhaite réussite). Un blog participatif, un forum, je ne sais pas. Mais un outil pour donner suite à toutes ces interrogations qui nous traversent, pour leur donner des suites concrètes, matérielles.

En bas de page se trouve ma contribution personnelle.


Extrait choisi par l’auteur :

Pourquoi ne pas commencer par simplement poser des mots sur nos vies ?

Des mots ancrés le plus possible dans un réel, qui pourrait être compris par tous et pas seulement par la secte militante habituée des infokiosques ? Un certains nombres de textes l’ont fait, ou l’ont essayé. Relater son expérience avec son groupe affinitaire, son collectif de lutte, ses amis syndicalistes, ou autre. Type : On a tenté ça, ça a marché ou non, peut être parce que ci ou ça, puis on a mobilisé telles personnes à un moment T, ça a fonctionné parce que ci ou ça, ou non, etc. Apprendre de nos expériences, de nos erreurs.

Critiquer le monde capitaliste moderne, avec du lyrisme et du style, tout le monde l’a fait pendant 15 ans avec plus ou moins de talent. L’originalité du geste n’est plus là, ou trop peu, et le reste paraît toujours aussi inefficace.

Mais qui a parlé de lui-même ? Peu de gens, finalement. Nos isolements respectifs sont des problèmes, nous sommes parfois en galère de thunes, en galères de logements, en galères affectives, etc. Mais l’on n’en parle pas assez, se contentant de jouir de nos délicats fantasmes sur une vie que l’on ne connaît pas vraiment.

Qui a ressenti le hiatus entre sa pensée et sa pratique, s’est apitoyé sur lui-même en rentrant chez lui devant son miroir, en comprenant que sa filière étudiante ne servait pas à grand-chose et qu’il passait son temps à cultiver une pose radicale sous cagoule grâce à l’argent de papa ou maman ? Qui a pété un plomb après ses missions intérims de merde et ses mois passés à McDo ou Flunch ? Qui en marre de survivre au RSA et de gratter à ses potes en entubant ses connaissances quand il ne galère pas en temps partiels ? Qui possède moins de 10 euros après ses dépenses contraintes, et survit au black, en galère, avec l’entraide des proches mais dans une précarité quotidienne (3), comme 11 millions de Français ? Qui travaille dans le social ou dans l’éducation et culpabilise de servir des politiques publiques répressives à l’égard des prolos ? Qui renoncent à ses soins dentaires depuis plusieurs années, ne pouvant suivre les tarifs souvent trop chers des dentistes (4), voire même aux soins en général (5) ? Qui, parmi les jeunes, vit encore chez ses parents ou ses grands-parents par contrainte financière (6) ? Qui se fait expulser de chez lui par les flics et l’huissier, quand les expulsions de logements sont en hausse constantes, de plus de 14,5 % entre 2007 et 2013 (7) ? Qui passe son temps à partager du riot porn et des drapeaux antifas en croyant à la révolution spontanée le mois prochain, mais n’a jamais lancé un seul cocktail molotov car les situations ne s’y prêtent pas assez ? Qui est excité comme un fou à chaque contre-sommets puis voit ses potes partir en gardav pour des faits qui n’en valaient peut-être pas la peine ? Qui en marre de la routine militante, de l’invisibilité de nos actes, du cycle répression/anti-rep interminable et des galères qu’il cause ?

Nos conditions quotidiennes sont moins reluisantes que la poésie de nos images révoltées. Elles sont diverses, mais ont toutes leurs parts de leçons à nous donner. Prenons du recul sur nos vies pour essayer de dresser une autocritique enfin constructive.

Et puis, après, que faire ?

La suite :

Pastiche, autocritique, milieu autonome : modeste contribution (version PDF mise en page, janvier 2016)

Note

A l’heure où l’État d’urgence touche en priorité les quartiers populaires et où huit salariés de l’usine Goodyear d’Amiens-Nord ont été condamnés à de la prison ferme, il me semble que mes digressions sur les « mondes perdus » prennent une allure plus éloquente

Mots-clefs : brochure | auto-critique

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