Quelques mots d’introduction
Au printemps 2022, face à l’impasse d’un Macron-Le Pen aux élections présidentielles, un mouvement d’occupation de facs est lancé. Le but est de créer des espaces de discussion et d’organisation politique pour lutter contre cette alliance dégueu entre fascisme et néolibéralisme qui font semblant de s’affronter. Les facs de la Sorbonne et de l’EHESS1 de la région parisienne ont alors été occupées par des étudiantEs mais pas que, aussi des sans facs, des chômeureuses, des travailleureuses... du 13 au 14 avril 2022 à la Sorbonne à Paris et du 20 au 23 avril 2022 à l’EHESS [1] à Aubervilliers.
Suite à ces deux occup et sur la proposition d’occupantEs de l’EHESS, nous sommes des meufs & queers qui se sont réunies en mixité choisie sans mec cis dès fin avril 2022. À la fois vénèrEs et blaséEs des orga en mixité ou des mouvements étudiants, mais en même temps fièrEs d’avoir vécu des moments forts de lutte collective, on était pleinEs de critiques et de « on aurait dû ». On avait pas mal de choses à dire, un besoin de partager des récits et de mieux comprendre ensemble ce qu’il s’était passé. On a voulu réfléchir à notre position dans une occup de facs, en tant que féministes et militantEs. Ça revenait à se demander ce que ça implique d’occuper un lieu quand ça dépasse d’un coup l’action de confiance entre copaines et camarades pour passer à l’organisation d’une vie collective avec des personnes qu’on ne connaît pas, dans un temps et un espace contraints. Est-ce que ça serait pas les personnes les plus à l’aise socialement (coucou les HSBC [2] ouais on parle de vous) qui vont littéralement OCCUPER cet espace ? Est-ce que c’est pas un truc très masculin et dominant quand même, ce « j’y suis j’y reste » encourageant les comportements virilistes ? Comment on s’en sort alors si c’est dans ces espaces qu’on espère construire autre chose ? Ce sont des questions qu’on se pose et on n’est pas toustes d’accord. On revendique aussi ce mode d’action qu’est l’occupation, mais on le questionne après avoir vu l’espace se vider de meufs, queers et personnes non blanches au fur et à mesure des jours d’occup. Sans compter du coup toustes cellEux qu’on n’a pas vuEs, qui ne sont pas venuEs ou qui se sont barréEs à peine arrivéEs.
Alors quand on s’est renduEs compte entre meufs & queers de l’occup de la Sorbonne et de l’EHESS qu’on avait vécu des expériences similaires avec les mêmes dynamiques pourries, les mêmes comportements oppressifs voire les mêmes personnes qui circulent de lieux en lieux pour répandre leur bonne parole mascu, on a essayé de mettre ça par écrit en pensant que ça pourrait faire écho à d’autres. Cela dans le but de mettre en place des outils féministes pour pouvoir envisager une organisation collective à l’image de la société qu’on voudrait construire. Précisons qu’exister collectivement en mixité choisie est un moyen de renverser le rapport de force, de se donner confiance collectivement et individuellement. Il ne s’agit pas d’en faire uniquement un espace d’écriture ou de soutien mais d’arriver également à mener nos propres luttes face à la montée du fascisme, notamment en menant des actions entre personnes sexisées, on y reviendra.
Pour écrire ce texte, on est partiEs de nos expériences partagées collectivement en réunion entre avril et juin 2022. Entre 25 et 35 personnes ont participé à ces réunions, dont 9 ont participé à la rédaction du texte, relu et partagé collectivement. Notre féminisme se veut intersectionnel, anti-raciste, anti-validiste, queer et populaire. Ce positionnement s’est construit pendant les réunions où nous étions plus nombreuses et plurielles. Mais parmi ces 9 qui ont mené le processus d’écriture entre septembre 2022 et février 2023, on est une majorité de meufs blanches cis valides et on est toustes en études sup. Rappelons-nous de ça et regardons aussi nos collectifs féministes, l’intersectionnalité n’est pas qu’une pancarte derrière laquelle masquer nos privilèges.
Dernières précisions
Même si certainEs d’entre nous ont participé aux deux occups et que des meufs & queers de l’occup de la Sorbonne étaient présentEs aux deux premières réunions, dans ce texte on parle majoritairement de l’occup de l’EHESS. C’est notre point de départ, ce qui nous a rassembléEs. Du coup quand on échange des témoignages d’événements qui se sont passés à la Sorbonne on le mentionne, autrement on parle de l’EHESS. Enfin, l’écriture prend du temps. On est en février 2023 quand on finit ce texte et on est de nouveau en plein dans un mouvement social avec de nouvelles occups. Mais sans surprise, rien de nouveau sous le soleil militant, alors on n’a pas résisté au plaisir de citer parfois des exemples plus récents.
On a regroupé nos réflexions en 4 axes, pour rendre lisible le fourmillement des comptes rendus des réunions post-occup en mixité choisie :
1. Deux-trois trucs sur l’occupation de facs qu’on aurait voulu se demander avant 2. Des postures virilistes et sexistes derrière les grands discours
3. Ce que permet une occupation féministe
4. Quelques outils pour une occupation en autogestion féministe
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