[Nuit Debout Nantes] Du pourquoi nous avons refusé de nous mettre en marche pour le climat samedi 08 Septembre 2018

« Mais faites quelque chose ! » demande la reine Guenièvre, terrorisée par l’orage, au roi Arthur. « Faites quelque chose, faites quelque chose, mais je suis pas druide, qu’est-ce que vous voulez que je fasse ? » lui répond ce dernier. Kaamelott saison 1, épisode 74

Samedi 08 Septembre 2018 Nuit Debout Nantes était aux côtés des Antifas pour rendre hommage à Clément Méric, alors que se déroulait le procès de ses agresseurs. Une heure plus tôt avait lieu la "grande marche pour le climat", organisée nous a-t-on dit "à l’appel de simples citoyen.nes"...

Revendiquant une marche apolitique, la démarche n’était pas sans rappeler nos propres débuts : un appel sur les réseaux qui s’étend à toute la France, lancé par des citoyen.nes « lambda », repris dans plusieurs villes, et se revendiquant détaché.es de tous partis, associations, groupe politique. Cependant, nos lecteurs/trices n’auront pas manqué de remarquer que ce n’est pas cet événement que nous avons choisi de mettre en avant. Bien plus, nous revendiquons haut et fort notre refus de rejoindre le mouvement.

Bigre, Nuit Debout Nantes aurait-elle fait le choix de se coucher plutôt que d’affronter l’urgence climatique ? On vous rassure, la seule chose que nous avons couché, ce sont nos réflexions de 2 ans par rapport à l’écologie, et cela sur du papier (enfin par informatique). Il se trouve que l’appel à marcher pour le climat nous a laissé.es quelque peu dubitatifs/ves. D’abord parce que les marches, on en a assez fait depuis 2016 pour commencer à en cerner les limites, et déterminer qu’on veut bien marcher des kilomètres s’il le faut, mais pas avec n’importe qui. Et ensuite tout simplement parce que nous n’aimons pas particulièrement marcher sans savoir où on va.
L’écologie est un vaste mot, qui recouvre bien des réalités différentes. Des cabanes de Notre Dame des Landes à Europe Écologie les Verts, on ne peut pas vraiment dire que parce que tout ce petit monde se préoccupe d’écologie, tout se vaut. Or c’est un peu le principe de ces grands appels à marcher, que de vouloir noyer toute différence sous le prétexte d’un « but commun ». Mais quel but commun peut-il y avoir entre « la planification écologique » de la France Insoumise, l’anticapitalisme de nos camarades zadistes, et le « capitalisme vert » des Macronistes qui y croient encore ? Bon, à part l’envie de ne pas mourir dans un raz-de-marée ou un désert à 50 °C si jamais le réchauffement se poursuit, en réalité la construction sociale qui en découlera sera totalement différente selon la solution proposée.
C’est une erreur que nous fîmes nous aussi à Nuit Debout, et pour laquelle nous ne jetterons sûrement pas la pierre aux participant.es sincères qui ont marché samedi : mais tout est politique, et tout est choix partisan. Vouloir effacer cela, gommer le principe fondamental que tout ce que nous faisons, c’est présenter des projets de sociétés DIFFERENTS, c’est se voiler la face. Et nous avons appris au fil du temps, à nous méfier des injonctions à « ne pas nous diviser, tout le monde ensemble le reste on verra après ». L’expérience nous a montré que ce seront toujours les mêmes qui en feront les frais.
Ce qui nous amène à notre 2d point : le climat est déjà en train de changer. Nous ne comprenons guère dans ce cas ce que les organisateurs/trices de la marche et leurs adhérent.es entendent par « sauver le climat »... en vérité, notre mode de vie qui consiste à profiter de l’exploitation des ressources de notre planète ET d’une bonne moitié de sa population, a déjà été, est encore, la cause de milliers de morts au-delà du continent européen. La lutte pour un nouveau monde vivable passera par la décolonisation ou ne sera pas ! L’anarchiste anglais William Morris écrivait au début du XIXe siècle « Je demande que soit plaisant, beau et généreux le cadre matériel de ma vie. C’est une exigence de taille, je m’en rends compte. Je n’en dirai qu’une chose : si l’on ne peut y répondre, si les sociétés civilisées ne sont pas toutes en mesure de garantir à l’ensemble de leurs membres un environnement de cette qualité, je souhaite que le monde s’arrête ! », pour critiquer la politique sociale constituant à garantir un cadre de vie plaisant uniquement pour un petit nombre de privilégié.es, pendant que le reste du monde était relégué à la misère et à la pauvreté. Nous en avons un bon exemple en France, où les mairies « vertes » aménagent des espaces « verts » dans les centre-villes, tout en repoussant sans cesse les personnes les plus pauvres vers les périphéries. Aux privilégié.es du centre-ville les parcs, l’air, l’espace, aux autres le béton et la pollution. À Nantes, la maire dépense des fortunes dans la ré-aménagement de la gare, mais laisse dépérir des centaines d’exilé.es square Daviais, exilé.es qui sont les premières victimes du changement climatique, et dont bizarrement les « grandes marches » parlent peu.
Or, face à cela, la stratégie du lobbying « pour le climat » de 350.org, organisation fondée en 2008 qui a défini les grands axes stratégiques de la « lutte » pour le climat prônée par les « grandes marches », ne nous convainc pas : nous ne voyons pas l’intérêt de mendier auprès des « décideurs », hommes et femmes politiques qui au mieux sont impuissant.es, au pire s’en balancent totalement, de bien vouloir prendre en compte nos demandes. L’attaque sur la ZAD de Notre Dame des Landes, et plus récemment sur celle du Moulin à Kolbsheim près de Strasbourg, n’auront donc pas suffi à prouver à quel point l’État est disposé à négocier ? D’ailleurs, d’où est-ce qu’on négocie une volonté du peuple ? Quant aux chefs d’entreprise (on parle bien sûr des multinationales), pourquoi seraient-ils en mesure d’apporter une solution aux problèmes qu’ils créent eux-mêmes et qui ne leur rapporte au présent que du bénéfice ? Vinci ne vous a pas suffi ?

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