Manifeste de monitrices de la Bibliothèque Sainte-Geneviève en grève

Des monitrices étudiantes du mouvement de grève de la Bibliothèque Sainte-Geneviève (BSG) tiennent à éclaircir non seulement les revendications mais aussi toutes les mesures mises en place récemment qui nous précarisent.
Un texte sur notre situation actuelle, intenable et pathétique est plus que nécessaire.

La politique de précarisation des employés de la bibliothèque par les autorités ne date pas d’aujourd’hui. Il y a deux ans, l’université Paris 3 a mis en place de nouveaux contrats plus précaires pour les moniteurs étudiants, autrement dit pour les jeunes étudiants travaillant à temps partiel afin de subvenir à leurs besoins.
Ces contrats de moniteurs étudiants avaient été transformés en contrats de vacataires, c’est-à-dire en contrats de salariés payés à la pièce. Ainsi les vacataires perdent leur salaire en cas de fermeture de leur lieu de travail ou d’absence justifiée (par un arrêt maladie par exemple), tandis que les congés payés sont inexistants, et tout ceci alors que les confinements allaient et venaient.

Ces changements ont d’ailleurs été combattus à la Bibliothèque Sainte-Barbe (cf. @BsbmoetLutte et @bsbenlutte), où pratiquement l’entièreté du personnel a hérité de ce statut de vacataire. Et voilà que c’est sans étonnement que nous voyons nos collègues contractuels et titulaires devenir les nouvelles cibles de cette politique.
Si la nouvelle réforme venait à aboutir ils verraient la disparition, non seulement de 6 postes essentiels, mais aussi la disparition d’une partie de leurs salaires. En effet, notre lieu de travail est ouvert au public de 10 heures à 22 heures, et c’est à partir de 19h30 qu’un employé qui continue à travailler touche une prime de service en soirée, prime qui serait amenée à disparaître. Un salaire de misère pour 35 heures de travail ne permet pas de vivre décemment d’autant plus face à l’augmentation du prix de la vie.
Vous vous doutez qu’avec un salaire pareil nous vivons pour la plupart à pratiquement 1 heure de trajet de notre lieu de travail, ou dans des chambres de bonne miteuses.
Leur niveau de prime fixe, quant à lui, est inférieur à la moyenne nationale. Ils sont pratiquement les moins bien payés des bibliothécaires de France, et comme nous ne voyons pas les choses à la baisse, nous exigeons une remise à niveau d’un régime indemnitaire à la hauteur au moins de la moyenne nationale.

Le président Sarkozy, dans sa loi de 2007 obligeant le dépôt d’un préavis de grève 5 jours à l’avance sous prétexte de protéger utilisateurs et consommateurs, permet en fait aux employeurs d’enterrer la grève. Cette loi, donnant aux employeurs le temps de s’organiser à l’avance en prévision d’une grève, a mis au jour un mépris du droit de grève en enlevant aux employés toute capacité de pression et d’utilisation stratégique de ce droit pour défendre leurs moyens de vivre.
Nous ne nous trouvons heureusement pas encore dans le cas où la direction de la bibliothèque prévoirait de nous remplacer durant notre protestation. Néanmoins cette possibilité existant désormais et nos salaires étant bas, c’est avec la peur et la rage au ventre que nous faisons grève.
Sachez que notre imaginaire, pour l’instant restreint par les conventions syndicales, pourrait dans le cas d’un refus d’accéder à nos demandes, se mettre à battre la campagne.
Nous pourrions commencer à demander plus que nos exigences actuelles, qui sont pourtant le minimum qui devrait être exigé partout.
Nous pourrions imaginer d’autres moyens de luttes si nécessaire et les responsables de ce qui pourrait être alors à déplorer seraient ceux qui ont amené la misère dans nos vies avec leur restructuration.
Nous pourrions ainsi demander en toute légitimité que cesse cette habitude de garder des employés pendant des années comme de simples contractuels sans jamais les titulariser.
Nous pourrions exiger l’arrêt des contrats de vacataires et la remise en place des anciens contrats.
Nous pourrions exiger de nouveaux postes.
Nous pourrions exiger une hausse des salaires,
Nous pourrions exiger, en bref, tant de choses.

Le monde imaginé par nos politiques transforme la bibliothèque en garderie et nous en surveillants. La centralisation et la fusion des services dépossèdent les travailleurs de la BSG quant aux décisions concernant la bibliothèque. C’est ce qui restait de stimulant dans leur travail qui leur est enlevé (avec leur salaire).

Quand nous vous voyons détruire tous les secteurs publics, hôpitaux, bibliothèques, écoles... nous nous demandons si vous n’avez pas oublié le compromis tacite à la base de notre République.
N’oubliez pas que si nous nous sommes soumis à l’aliénation, si nous avons accepté les différences de richesses, si nous nous sommes aplatis devant les lois, c’est parce que nous avions le droit en échange à du confort, à « un niveau de vie », à des protections sociales, à une marge de liberté.
Mais en nous enlevant tout cela c’est aussi vous que vous mettez en danger. Car en nous enlevant nos salaires, nos libertés, en nous précarisant, vous nous enlevez aussi la raison d’adhérer à ce pacte social et de jouer selon vos règles.
C’est pourquoi vous devriez faire attention à ne pas révéler de manière trop évidente que nous sommes exploités, que nous sommes perdants dans ce pacte social, que nous ne sommes que des contractuels, de futurs chômeurs, des smicards. Il semblerait que vous ayez oublié que cette société n’est pas naturelle et qu’elle peut disparaître comme toutes les autres.
Mêmes les bibliothécaires pourraient se révolter...

Des monitrices étudiantes soutenant le mouvement de grève de la BSG.

Mots-clefs : précaires | grève | bibliothèque
Localisation : Paris 5e

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