Les résidents de Coallia optent pour la Grève des loyers

Depuis juillet 2016, les résidents de foyers pour travailleurs immigrés mènent la grève des loyers. Ils verseront le montant des loyers épargné à la satisfaction de leurs revendications de bien être, communautaires, cultuels. Ils luttent contre Coallia en Île-de-France. Trois foyers sont mobilisés, deux déjà en grève, le troisième en démarche pétitionnaire préalable. Le mouvement de lutte dure encore à ce jour en novembre 2016.

La Grève des loyers par les résidents des foyers Coallia pour travailleurs immigrés tient le vent depuis juillet 2016. Ainsi depuis le 30 juin 2016, les résidents des foyers Coallia de Boulogne, rue Nationale, et quai Stalingrad affirment leurs revendications légitimes par leur grève des loyers. Ils sont déterminés à la poursuivre de manière illimitée et reconductible jusqu’à satisfaction complète de toutes leurs adjurations intégrales. En novembre 2016 la mobilisation continue la lutte.

Les résidents des foyers pour travailleurs immigrés de Boulogne exigent la réouverture de la cuisine collective. « La cuisine collective du foyer Boulogne a été fermée le 24 mai 2016 par la police, en présence des services de la mairie, de la CAF et de l’hygiène autoritairement » raconte Bocar, un résident. Cissoko Bakary délégué des foyers Coallia de Boulogne poursuit « la CAF en a profité pour dresser des rapports contre des résidents à la retraite alors dans leur pays d’origine et motiver la suspension du versement de leur retraite. Sans aucun rapport les services d’hygiène ont justifié la fermeture de la cuisine collective. Une cuisine collective est le poumon de notre vie. En tant qu’ouvriers, travailleurs, nous travaillons le jour, la nuit, dans une cuisine collective on discute, on vous accueille, on nous offre le repas. Comment préparer le repas en rentrant fatigué de la journée de travail ? ». « Le 24 mai des produits toxiques ont été aspergés par la police sur la nourriture avant d’être jetée, sans prévenir. » Bocar rapporte au sujet de Franck Caldérini, nouveau directeur général de Coallia, « à peine arrivé il a supprimé tous les lieux de rencontres, les bancs publics, après ce sera le lieu de culte, la salle de réunion ». La crainte de ce résident est fondée. En effet, au foyer le Mûrier, rue Ferdinand Léger (75020), dans le vingtième arrondissement, les résidents rencontrés le vendredi 22 juillet 2016, les représentants des résidents se plaignent. L’un d’eux Ladji le confirme « la capacité d’accueil de la salle de prière musulmane a été réduite et ne peut plus accueillir plus de 40 personnes contre 200 auparavant. Alors que l’essentiel des travailleurs du foyer sont pour la plupart musulmans ». Lors de la rencontre Ladji, délégué du foyer le Mûrier, interpelle sur la taille de la salle de réunion publique « comment pouvons-nous nous rencontrer dans une salle aussi petite ? Avant la pièce à vivre était plus grande ». Sa jauge ne dépasse pas vingt personnes. Les résidents du foyers Le Mûrier sont plus de deux centaines, 222 payant un loyer mensuel de 410 euros par mois en moyenne.

Au total les résidents de Boulogne sont « 436 grévistes. Le calcul est rapide » signifie Cissoko Bakary leur délégué « les 328 résidents du foyer rue nationale louent des chambres à deux lits au loyer de 345 euros, les 108 résidents de Stalingrad 214 euros pour une chambre à 3 lits ». Aussi pour ce mois de juillet les remontrances des résidents des foyers de Coallia représentent un manque à gagner, un bras de fer, au montant total de 136 272 euros à chaque échéance mensuelle. Depuis 4 mois déjà en novembre 2016.

De plus il contredit fermement le moindre argument de « commerce illégal » de la part de la direction générale de Coallia, car l’alimentation des résidents repose « sur l’organisation de l’association des trois foyers de Boulogne Coallia qui gère aussi la cuisine. Le repas coûte deux euros le plat, pour des frites, un steak, ou de la cuisine traditionnelle le poulet mafé par exemple ». La réalité de l’obstination de la gérance de Coallia est motivée par des basses motivations marchandes. Comme l’explicite Bakary Cissoko « Franck Caldérini veut vendre des repas de sa propre cuisine à 3 euros et 50 centimes. Dans une cuisine ouverte de midi à seize heures. C’est à dire durant le temps de travail des résidents. Et la cuisine doit être fermée le samedi et le dimanche ». Comment les résidents pourraient-ils faire ? « Ils rentrent du travail usés par la fatigue, pour eux le repas de la cuisine collective est une aubaine » commente Bakary.

Les bâtiments respirent le vieux et l’usure. Les murs décatis séparent les résidents en de petites chambres, avec des douches et toilettes collectives. À certains étages les résidents opèrent avec une vieille serpillière sur des fuites d’eau contre lesquelles la gérance de Coallia ne fait rien. Hormis rester debout aux pieds du premier bâtiment extérieur ou dans le bar au rez-de-chaussée du second bâtiment, les résidents sont condamnés comme dans une prison à siéger dans leur petite chambre ou prendre leur repas dans les cuisines étroites de chacun des étages dont les installations rudimentaires sont loin d’ouvrir une quelconque possibilité de « préparer de la cuisine pour un grand nombre » affirme Bakary.

Les résidents ont d’abord « commencé par envoyer une pétition à Coallia avec 436 signatures avec une copie à la mairie de Boulogne. » Il en va de leur « vie en communauté » notifie Daouda, un résident, « au foyer il y a plusieurs communautés soninké, bambara, toutcouleur, wolof. Nos particularités sont les langues, les jeux traditionnels, notre village d’origine ». Il poursuit « on se réunit par village d’origine, et par communauté pour boire le thé, jouer aux cartes. Notre mode de vie est de vivre ensemble ». « C’est notre mode de vie faisant que l’on préfère des chambres à deux lits, pas à trois lits, pas à un lit ». Pour être encore plus explicite, il précise « on a quitté là-bas notre communauté, village, on préfère la retrouver ici. » Thiam Hamady, mauritanien, Waly de l’ethnie peul, de la quatrième région de Caëdy, résident, délégué il y a plusieurs années de ça, depuis 36 ans en France, éclaire le sens de la communauté sur le principe « du village où les villageois cotisent » sur le fondement de cette structure territoriale puis « mangent ensemble, se réunissent sous l’arbre à palabres, discutent ensemble ».

Les revendications des résidents de Coallia à Boulogne sont multiples. En outre « de la réouverture de la cuisine » que Bakary Cissoko place en première place, « le remplacement du gérant M.Gadouche qui ne comprend rien, a un comportement agressif, hostile, la réparation de l’ascenseur pour faciliter l’accès au étages des personnes âgées et en situation de handicap, le changement des placards qui n’ont pas été changés depuis 20 ans, en plus il y a des cafards, des souris, il n’y a pas de machines à laver, même s’il y a une laverie à côté. Les travaux provoquent l’entrée de poussières dans les chambres. Il faut sécuriser l’accès aux bâtiments. Un vigile est une idée ou alors une porte avec des badges. Tout le monde peut rentrer. Parfois des SDF entrent. La porte d’entrée en sous-sol de la cuisine collective fermée est devenue le lieu de rendez-vous de consommateurs de drogues ».

Les revendications des résidents des autres foyers dont celui du Murier (rue Ferdinand Léger 75020) grondent de la même contestation et menacent de la même méthode : la grève des loyers. Les résidents de ce foyer expriment par les paroles de Ladji leur délégué, leurs vœux « avoir une salle télévision, une cafétéria. » Boubacar, secrétaire de l’association des délégués de ce foyer, directement évoque ce qu’il y a de plus pragmatique « avoir le droit de faire le double des clés de leur chambre, à conserver et non celle du gérant pouvant rentrer dès qu’il le veut dans la chambre pour contrôler, inspecter ». De surcroît si « le résident perd sa clé le vendredi soir, ce qui est déjà arrivé, le gérant n’est plus là avec le double des clés. Le résident doit alors dormir trois jours à l’hôtel à ses frais ». Alors que parfois par « solidarité certains résidents accueillent des proches vivant en grande précarité » notamment à cause de « la problématique du logement » et pouvant être également « en situation d’irrégularité administrative relativement à leurs papiers. » Leurs mots le proclament « on ne peut pas les laisser à l’abandon ».

Les résidents du Murier dénoncent aussi la précarité par rapport à l’essentiel « l’eau, il n’y a pas d’eau chaude parfois au troisième étage, quatrième étage, cinquième, sixième ». Boubacar ajoute « le foyer n’est pas nettoyé, une seule personne est sensée faire le ménage des six étages mais seule elle ne peut rien faire. » En outre, il espèrent pouvoir faire refluer la direction de Coallia quant à sa politique de l’eau consistant « à installer des compteurs d’eau » induisant « la consommation autorisée d’un volume d’eau maximum et le dépassement de celui-ci devant être payé par le résident » sur le principe « du dépassement d’un quota d’eau ». Sur un plan ergonomique Boubacar dénonce « les placards trop petits pour ranger le riz, les ustensiles de cuisine, la poubelle, » alors « qu’il est impossible d’inviter quelqu’un »en raison de la petitesse des chambres dont le lit ou « les chaises pour s’asseoir sont tout au plus à un mètre des wc ».

La lutte pour un logement décent respectueux de tous les droits doit encore avancer vers de nouvelles victoires de tout un chacun. Le droit de pratiquer la religion de son choix, droit universel, n’est pas respecté. La salle de prière musulmane a été réduite depuis 2014 par les travaux de Coallia pour la limiter à une surface d’environ 40m². Où les pratiquants se heurtent la tête contre les murs de leur salle quand ils se penchent en respect pour Dieu. L’Imam dirige la prière réduit dans un coin de la salle, de telle manière que tous les prieurs ne peuvent pas du tout le voir selon leur situation dans la salle. Les délégués des résidents du foyer le Murier patientent attendant la signature majoritaire de la pétition des locataires en faveur de la grève des loyers pour la déclencher. Peu de signatures manquent.

Au foyer Tuillier, près du métro Reuilly Diderot, à Paris, la direction générale de Coallia a trahi les engagements moraux du travail social. Divulguant les problématiques des résidents relatives à l’irrégularité légale de leur situation par rapport à leurs papiers de séjour en France. Faisant intervenir la violence policière. M. Traoré Mody, certainement un peu plus de 70 ans, délégué des résidents depuis 1985 témoigne. « En mars/avril 2016 la police a débarqué dans le foyer. Nous avons demandé à voir le mandat. Ils intervenaient à la demande de Coallia. Pourquoi c’est Coallia qui a donné le mandat ? Ils ont mis dehors tout le monde. On ne pouvait plus rentrer. Il y a eu 27 personnes amenées en garde à vue. 3 ont été refoulés en Espagne parce qu’ils avaient des papiers d’Espagne. Pendant [la perquisition] ils m’ont interdit d’entrer. » À la suite de cet événement tragique les résidents de ce foyer ont pris leur courage, se sont motivés. Les résidents de ce foyer et de Boulogne budgétisent, mettant de côté en épargnant le montant mensuel égal à celui du loyer à payer qui sera reversé uniquement une fois les revendications satisfaites. Depuis juillet 2016 jusqu’à ce jour ceux de Tuillier ont décidé de mener eux aussi la grève des loyers pour démontrer à qui le pouvoir finalement appartient selon les conditions de leur résidence, citoyennes et contractuelles.

Montbobier Guillaume

Note

photo : Joao Bolan

Localisation : région parisienne

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