La police est républicaine, mais l’ordre républicain qu’elle assure est capitaliste, raciste et patriarcal

Malik Oussekine et Abdel Benyahia, deux morts parmi tant d’autres. Assassinés un même jour de décembre 1986, les deux jeunes hommes - l’un avait 20, l’autre 22 - sont venus grossir la longue liste des victimes d’un ordre policier raciste. (...)

L’un est resté, nom légué à une triste postérité, l’autre a été oublié. Les deux ont pourtant été semblables victimes, à quelques heures de différence, de la férocité policière. Le premier est mort à Pantin, tué dans un café le 5 décembre 1986 par un inspecteur de police, lequel avait bu et n’était pas en service. Le second a été assassiné dans la nuit du 5 au 6 décembre 1986, rue Monsieur-le-Prince à Paris : pris en chasse par des voltigeurs de sinistre mémoire, à la fin d’une manifestation contre la loi Devaquet, il a été tabassé à mort. Abdel Benyahia avait 20 ans ; Malik Oussekine en avait 22.

Un film d’une vingtaine de minutes, « Abdel pour Mémoire », réalisé par Mogniss H. Abdallah, revient sur ce double assassinat, rue Monsieur-le-Prince et aux 4 Chemins à Pantin. Et conte notamment le difficile combat du Comité Justice pour Abdel pour que l’acte du flic tueur, l’inspecteur Savrey, soit requalifié d’homicide involontaire en homicide volontaire ; cela sera finalement fait six mois après le meurtre, et le policier écopera en 1988 de huit ans de réclusion. Quant aux assassins de Malik Oussekine, les voltigeurs Schmitt et Garcia, ils ne seront inculpés que de coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la donner ; aux assises, en 1990, ils s’en tireront avec cinq ans de prison avec sursis pour le premier, deux ans pour le second.

Complément d’information - Abdel pour mémoire

film d’intervention ( 20 mn - 1988 ) - réal. Mogniss H. Abdallah,
produit par l’agence IM’média dans le cadre de la mobilisation du Comité Justice pour Abdel et pour tous les autres.

Dans la nuit du 5 au 6 décembre 1986, des policiers tuent MALIK OUSSEKINE à Paris lors des manifs étudiantes contre la loi Devaquet, et ABDELOUAHAB BENYAHIA aux 4 Chemins (Pantin/Aubervilliers). Tous deux sont Français d’origine algérienne.

Quelques jours plus tard, près d’un million de personnes ont manifesté en France derrière les portraits de Malik Oussekine et d’Abdel Benyahia aux cris de : « PLUS JAMAIS ÇA ! » et « ON S’EN SOUVIENDRA ! »

Ce film rend hommage à Abdel, en rappelant d’abord les faits : aux Quatre Chemins à Pantin, devant le bar « Tout est bien », une bagarre éclate. Abdel, 19 ans, s’interpose. Un homme en civil crie « police » et tire à bout portant. Que s’est-il passé ensuite ? Du côté de la police et des hôpitaux, pendant 48 h, c’est le black-out...

Abdelouahab Benyahia, jeune animateur auprès des enfants vivait cité des 4 000 à La Courneuve, là-même ou a été tué par un « tonton-flingueur » le petit Toufik Ouanès, 9 ans, en juillet 1983. Lors d’un stage, Abdel s’adresse au public : « J’ai changé ! J’ai changé moralement. J’aime parler avec les gens. Avant, je ne discutais pas tellement. Il y a des gens avec qui on peut parler et ceux avec qui on ne peut pas parler. Mais il faut qu’on parle avec eux, parce que c’est notre travail. Et j’aime ça. »

Le film revient aussi sur une mobilisation qui a assuré le suivi politique et judiciaire pour que justice soit rendue : la famille et les amis ont été des acteurs clé de la mobilisation du Comité Justice pour Abdel et les autres, qui en coordination avec les avocats et le petit monde militant ont permis d’abord la requalification des faits et l’incarcération du policier, puis sa condamnation à 7 ans de réclusion criminelle pour homicide volontaire.

Au terme du procès en novembre 1988 devant les assises de Bobigny, le père d’Abdel adresse un dernier message au public : « Mon fils est parti. On est là pour les vivants, on est là pour que les autres policiers ne tirent pas encore ».

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