Le texte fait le point sur une structuration assez originale de ce mouvement à ce moment-là, à l’origine d’une forte implantation locale, encore visible aujourd’hui, ou qui inspire encore des structures comme la librairie La Gryffe, Rebellyon (ou Radio Canut mais dans une moindre mesure).
A l’heure où les groupes anti-autoritaires sont aussi divisés qu’impuissants, c’est une piste de réflexion pour repenser un mouvement, au moins à une échelle locale.
Réellement divers, non par le nombre de ses composantes, mais par leurs différences de nature, par leur caractère éclectique, non ordonnable, non classable, le mouvement libertaire lyonnais a peu à peu appris à chacun de ses militants à renoncer à projeter sur lui, sur sa surface d’enregistrement, l’unité de ses conceptions du moment. Au prix de nombreux conflits, non seulement il a appris à chacun de nous à accepter que d’autres agissent et pensent autrement que soi, à ne pas vivre comme limite, manque ou frustration les pratiques échappant à son propre imaginaire, à sa propre insertion sociale, mais il nous a aussi appris à tirer satisfaction et richesse de l’extrême diversité dans laquelle nous nous insérons, à faire confiance dans l’ajustement contradictoire d’un espace qui, pour échapper au caractère forcément totalitaire du rêve propre à chacun de nous, fait écho, dans la réalité, au désir libertaire que ce rêve prétend exprimer.
Mieux, en interdisant l’affrontement meurtrier et idéomaniaque des porteurs de rêve et d’utopie que nous sommes tous, les formes actuelles du mouvement libertaire à Lyon tendent peu à peu à nous libérer de notre propre et pseudo-« unité », de « femme », d’« homme », de « syndicaliste », de « manuel », d ’« intellectuel », etc. Aux contradictions nécessaires d’un espace militant complexe et diversifié peuvent répondre les contradictions et les diversités qui nous constituent individuellement. Cela non pas seulement en laissant à chacun le soin de reconnaître une partie de lui-même dans la prise de position, la manière de voir et de sentir de telle ou telle structure ou groupe, mais aussi en nous autorisant à participer à la vie de plusieurs structures ou groupes de telle façon que chacun puisse être enfin plusieurs, suivant le lieu et le moment.
Un espace formel qui fédère ces libertaires « non-organisés spécifiquement », la Coordination libertaire, montre la tentative de dépasser les différentes contradictions entre militants. Mais c’est surtout la pensée du même et du différent qui permet d’élaborer un espace à la fois de discussion, d’entraide et d’offensive.
Espace militant ouvertement divers et contradictoire, la Coordination libertaire cesse d’être une citadelle assiégée (ou conquérante) ne comptant que sur la force de ses structures, sur son drapeau, sur le nombre, la discipline et la foi des bataillons qu’elle peut aligner dans les manifestations.
Parce qu’elles tirent leur existence de problèmes propres, d’une inscription sociale particulière, les composantes de la Coordination répercutent forcément ces problèmes dans les discussions et les prises de position du mouvement, s’en font les représentants et, un pied dedans, un pied dehors, peuvent permettre :
- de tisser des liens avec l’extérieur ;
- de contribuer à l’élaboration d’une analyse générale qui tienne compte de la complexité et de la totalité de la réalité ;
- de former des militants habitués à confronter non plus seulement des idées, mais des manières d’être et d’agir ;
- de préfigurer en partie, bien mal mais mieux que ne le permettrait un simple regroupement idéologique, ce que pourrait être un mouvement libertaire de masse, unifiant toute la diversité du réel, des différentes luttes, des différents intérêts et aspirations nécessaires à une transformation radicale de la société.
L’article en entier, avec des compléments sur la Coordination libertaire, est à lire sur Rebellyon.