Quelques remarques complémentaires sur l’assignation à résidence

L’assignation à résidence est décidée par le ministre de l’Intérieur pour « toute personne contre laquelle il existe une raison sérieuse de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre public ».

Rappel juridique

L’assignation à résidence est décidée par le ministre de l’Intérieur pour « toute personne contre laquelle il existe une raison sérieuse de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre public ».
Il y a deux possibilités d’assignation à résidence :

  • celle qui se fait dans un « lieu choisi » par le ministre de l’intérieur. Dans ce cas, « le ministre de l’intérieur peut faire conduire [la personne] sur les lieux de l’assignation à résidence par les services de police ou les unités de gendarmerie. » On ne sait pas en quoi peut consister le « lieu » fixé par le ministre de l’Intérieur si ce n’est que la loi de 1955 précise qu’il ne peut s’agir d’un « camp » de détention…
  • celle qui se fait dans le « lieu d’habitation » déterminé par le ministre de l’Intérieur « pendant la plage horaire [fixée par le ministre de l’Intérieur], dans la limite de 12 heures par 24 heures », avec obligation de pointage et remise des documents d’identité.
    Le ministre de l’Intérieur peut imposer à la personne assignée à résidence :
  • des obligations de pointage au commissariat ou à la gendarmerie (jusqu’à trois fois par jour)
  • la remise du passeport ou carte d’identité aux autorités
  • l’interdiction de rentrer en contact avec certaines personnes - pour les personnes déjà condamnées pour terrorisme, l’assignation à résidence peut se doubler du port d’un bracelet électronique avec « l’accord de la personne concernée », qui est alors délivrée de l’obligation de pointage.

Les peines encourues

Les infractions à l’assignation à résidence dans le lieu choisi par le ministre de l’Intérieur sont punies de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende (Article 13 de la loi de 1955 modifiée).
Les infractions aux autres dispositions concernant l’assignation à résidence sont punies d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende (Article 13 de la loi de 1955 modifiée).
Comme toujours, il s’agit là d’un maximum qui n’est quasiment jamais donné à quelqu’un qui n’a pas déjà été condamné. Par exemple, dans un cas rapporté par la presse, une personne assignée à résidence a été condamnée à six mois de prison avec sursis pour n’avoir pas respectée son obligation de pointage au commissariat.

Pas de risque tant que l’assignation à résidence n’est pas notifiée

Un point important à souligner est que pour que ces peines puissent être encourues, il faut que l’assignation à résidence soit notifiée, c’est à dire qu’elle soit remise à la personne qu’elle concerne. Autrement dit, si la personne n’a pas eu connaissance de cette assignation (parce qu’elle n’était pas chez elle plusieurs jours de suite, par exemple), elle pourra se défendre plus facilement si elle est poursuivie pour ne pas avoir respectée les obligations et interdictions de cette assignation.
Théoriquement, une notification pourrait être remise par huissier ou envoyée par une lettre recommandée : dans la pratique cependant, il semble que les flics se déplacent (parfois en meutes, à dix ou vingt) pour faire signer le papier.
Donc a priori, tant que les flics n’ont pas trouvé la personne qu’ils veulent assigner à résidence, celle-ci peut prétendre ignorer la mesure dont elle fait l’objet…
Si la justice considère qu’il y a eu notification, il y a un risque pénal à ne pas respecter les interdictions et obligations précises contenues dans la décision de placement en résidence surveillée. Celle-ci peut toujours être contestée devant la justice administrative.

Contenu d’une assignation en résidence : le témoignage d’un copain d’Ariège

Voici les détails du papelard que les gendarmes m’ont remis (ils en avaient un autre, qui semblait dire les mêmes choses, que j’ai refusé de signer et qu’ils ont gardé).

Textes légaux invoqués :
Loi n°55-385 du 03/04/1955 (art. 6) ; Décrets n°2015-1475, 2015-1476, 2015-1478 du 14/11/2015 ; Décrets n°2015-1493 et 2015-1494 du 18/11/2015 ; et loi n°2015-1501 du 20/11/2015. Puis « raisons sérieuses de penser que [mon] comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics : » Il y a un paragraphe de blabla sur la COP21. Puis sur moi-même : « envisage de rejoindre la région parisienne pendant le déroulement de la COP21 » ; que j’ai commis tel et tel et tel truc par le passé (infos qui viennent des renseignements je pense, car un peu différentes de mon casier proprement dit) ; « appartient à la mouvance contestataire, susceptible de se livrer à des actions violentes, et fait partie d’un groupe d’individus ayant commis de graves troubles à l’ordre ou la sécurité publics ; qu’il y a tout lieu de penser que [ma] présence en région parisienne aux dates prévues vise à participer à des actions revendicatives susceptibles de troubler gravement l’ordre public au cours de l’événement COP21. »
Blablabla gravité de la menace etc., « nécessité de l’assigner à résidence dans un périmètre restreint, de le soumettre à l’obligation de se présenter trois fois par jour auprès de la brigade de la gendarmerie du Mas d’Azil (09) sise 13 Le Castéra et de lui désigner une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il réside. »
« Vu l’urgence ; » (sic !)
Article 1er : à compter de la notification [le 26 au soir] du présent arrêté et jusqu’au 12 décembre 2015 inclus, [MOI] est astreint à résider sur le territoire de la commune du Mas d’Azil (09).
Article 2 : [MOI] doit se présenter trois fois par jour, à 9 h, 14 h, et 19 h à la Brigade de gendarmerie de le Fossat (09), sise quartier Pleyche. Cette obligation s’applique tous les jours de la semaine, y compris les jours fériés ou chômés.
Article 3 : [MOI] doit demeurer tous les jours de 20 h à 6 h dans les locaux où il réside, [adresse].
Article 4 : [MOI] ne peut se déplacer en dehors de son lieu d’assignation à résidence sans avoir obtenu préalablement l’autorisation écrite (sauf-conduit) établie par le préfet de l’Ariège.
Article 5 : Le préfet de l’Ariège est chargé de l’exécution, blablabla.
Article 6 : Le présent arrêté peut faire l’objet d’un recours devant le tribunal administratif dans le délai de 2 mois à compter de sa notification. [daté du 25/11].

Il y a une erreur évidente puisque deux gendarmeries sont évoquées. Mais les gendarmes m’ont bien dit qu’il fallait que j’aille au Fossat, (ce qui fait tout de même 36 km aller-retour, à faire 48 fois – au moins...). »

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