Ces immeubles nous les connaissons bien car il y a un peu plus d’un an, nous étions là lors de l’expulsion de leurs habitants, puis lors de la lutte d’un an pour obtenir un relogement collectif, malheureusement sans succès.
Histoire & Patrimoine, nous les avons rencontrés au début de l’été à La Courneuve. En effet un squat de mal-logés venait d’ouvrir dans une maison dont ils étaient propriétaires. Ils avaient alors fait attaquer violemment le nouveau squat par des hommes de main sous le regard bienveillant de la police de la Courneuve, qui elle ne pouvait légalement rien faire contre ce squat.
Nous avons donc fait quelques recherches sur cette mystérieuse société Histoire & Patrimoine, filiale du groupe Atlantique Investissement.
L’offre du Groupe Histoire & Patrimoine s’adresse à des particuliers investisseurs souhaitant réduire leurs impôts.
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Dans les faits la société histoire et patrimoine s’est spécialisée dans des secteurs de l’immobilier où les avantages fiscaux pour les riches investisseurs sont les plus grands. C’est ainsi qu’elle construit des résidences sécurisées et grillagées de standing dans les DOM TOM (dispositif Duflot Outre-mer ou Girardin), ou qu’elle se spécialise dans les bâtiments anciens (dispositif Malraux ou Déficit Foncier ou Monuments historiques). Car en Guadeloupe ou dans le centre-ville de Saint-Denis existent des dispositifs fiscaux spéciaux qui permettent aux riches d’investir au lieu de payer des impôts.
Le principe pour les gens qui doivent payer beaucoup d’impôts : 5 000, 10 000 ou 30 000 euros d’impôts annuel, c’est d’investir dans l’immobilier pour ne plus payer d’impôts. Par exemple les travaux de rénovations peuvent être défiscalisés, donc au lieu de payer des impôts, ils payent la rénovation de leur nouveau bien immobilier. Il en est de même pour la gestion du bien, les charges et même les intérêts de l’emprunt contracté, qui sont donc en partie remboursés par l’État.
Les secteurs d’activités d’Histoire & Patrimoine sont : la rénovation des centres urbains, la promotion immobilière, la transaction immobilière et l’administration de biens. Elle offre des services clés en mains, comme qui dirait. Vous arrivez avec l’argent, Histoire et Patrimoine s’occupe de tout : les vigiles chargés de vider manu militari les vilains squatteurs, les entreprises du bâtiment employant le plombier au tarif polonais, trouver le futur locataire et encaisser les loyers…, le tout en jouant sur les allégements fiscaux, un investissement optimisé sans frais et sans souci pour les riches.
Le business est florissant, chiffre d’affaires de plus de 24 millions d’euros pour un bénéfice d’un million et demi d’euros en 2012 [2].
Une présence de plus en plus forte en métropole, avec le “Grand Paris” comme axe de développement.
Dans sa stratégie, la société a bien compris les avantages qu’elle peut tirer du Grand Paris. Le développement de nouveaux transports, le classement de centre-ville en « secteur sauvegardé » et la volonté des municipalités de nettoyer les centres villes offrent des perspectives d’investissement très intéressant. Elle travaille donc main dans la main avec les mairies. « Des partenariats privilégiés avec les villes de Saint-Ouen, Saint-Denis, Dieppe... dans le cadre de la réhabilitation d’immeubles insalubres en centre-ville. »
Ainsi l’opposition de droite à Saint-Ouen, avant de récupérer la mairie en 2014, dénonçait en 2005 les liens étroits entre Atlantique Investissement, la maison mère d’Histoire et Patrimoine et la Mairie de Saint-Ouen de l’époque :
À force d’acquérir des biens par voie de préemption, la ville de Saint-Ouen s’est constituée,[...], un important patrimoine diffus (plus de 800 lots composés de pavillons, immeubles, appartements) et disséminé à travers Saint-Ouen. Plus grave, 220 lots de ce patrimoine diffus ont été vendus à l’automne 2005 à un seul opérateur privé : Atlantique Investissement, sans mise en concurrence. […] Ces biens, devenus municipaux grâce à l’argent des contribuables préemptés, sont revendus à Atlantique Investissement et ses partenaires en-dessous de 1 000 euros le mètre carré. Mais atteignent souvent les 4 000, voire 4 500 le mètre carré quand les investisseurs rajoutent toutes les options nécessaires...
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Concrètement la mairie préempte en dessous des prix du marché des bâtiments en mauvais état, puis les revend à Histoire & Patrimoine. Si les bâtiments sont squattés, la Mairie et Histoire & Patrimoine travaillent ensemble, police nationale et vigiles font leur travail au service du Capital. S’il y a des locataires c’est la Mairie qui prend en charge le relogement, car Histoire & Patrimoine doit faire les travaux pour pouvoir relouer plus cher après.
Vive la rénovation urbaine au service de la défiscalisation, plus besoin de cacher son argent en Suisse ou aux Bermudes…
Vive les politiques municipales dans l’ancienne banlieue rouge au service du Capital.