Et finalement ils s’accordèrent...

L’accord final de la COP serait un succès car il y a accord qui accorde... Explications.

Il flottait tout un suspens autour de l’issue de la COP21. Mensonge, mise en scène ou danger bien réel, peu importe, il n’était pas si sûr que les 190 pays représentés à la conférence de la COP parviennent à mettre au point un accord commun autour de la crise climatique. Ce bon vieux mot de « démocratie » ne suffit jamais à lui seul pour masquer les coups bas et les batailles qui se trament sous son nom dans les salons des ministres et autres négociateurs du Bourget et d’ailleurs. Il flottait tout un suspens donc, mais surtout quant à la nature même de l’accord. Les 21 éditions précédentes n’avaient pas suffi à épuiser la question, c’est depuis toujours au centre de toutes les conférences autour du climat, la discussion sur la forme même que pourrait prendre un accord plutôt que ce qui pourrait en faire le fond.

On ne peut guère leur en vouloir.

Ce n’est au fond pas difficile à imaginer, qu’autant de bureaucrates venus là pour défendre des intérêts et des enjeux bien précis, « nationaux » comme on dit, peinent à trouver les termes d’une décision commune… D’autant que comme se plaisent à le dire les gouvernants de tout bord depuis peu, « nous sommes en guerre », et cela suppose quelques difficultés pour entamer des discussions autour d’une même table en bonne entente et sans rapports de forces comme si de rien n’était. On en viendrait presque à souhaiter que la discussion leur soit interminable et qu’ils y restent au Bourget, à discuter du monde pendant que nous nous y activerions sans eux, mais bon… Ils sont sortis…Malheur à nous…

Ils se sont empressés de l’annoncer, la larme à l’œil, Fabius en pitre chef, qu’ils l’avaient trouvé, leur accord, et qu’il avait tout ce qu’il fallait : « contraignant », « ambitieux », « justice climatique », « déterminé », etc. Hollande ne manquant pas ensuite de noter avec toute une emphase historique que c’était la plus belle révolution que la ville de Paris ait connue, et que c’en était beau de changer ainsi le monde. Nos temps sont tels qu’on ne sait plus à force, quand un de ces chefs là parlent, s’il énonce une vérité profonde ou un éhonté mensonge de plus. En effet, nul doute qu’Hollande ne ment pas. De son point de vue, comment rêver plus belle révolution ! Elle a lieu au Bourget entre gens de bonne tenue et de tous les gouvernements qui piétinent ce monde, elle se fait sans canons ni même affrontements, et elle est surtout sans peuple, sans rue ou presque, sans chute des pouvoirs ni renversement aucun. Les ours polaires, les tigres ou les loups, pas plus que les tornades et les inondations ne s’y sont non plus présentés. Il ment toutefois, on le sait tout aussi bien. Une telle révolution tout autant que l’accord qu’ils ont trouvé se révèle n’être que coquille vide. Si elle nous est présentée pourtant comme seule issue possible dans la crise planétaire actuelle, c’est dire combien ils sont incapables tant de parler du monde que de parvenir à l’habiter. Le vide, chez eux, c’est une seconde nature, ils le répandent et ils en parlent dans chacun de leurs phrases.

Restent qu’ils sont malins et qu’il nous faut être précis. Ils ont raison, et la presse avec eux, l’accord est « historique ». C’est la première fois, depuis la 1re COP (en 1995 à Berlin) qu’un accord réunissant 195 États est signé et validé par tous. Mais on fait l’histoire comme on peut. La valeur historique de l’accord n’existe que du point de vue des COP, au sein des COP, et comme lent suivi d’un planning qui supposait qu’en 2015 un nouvel accord soit entériné. L’événement tient à peu de choses, il affirme simplement qu’a été fait ce qui devait l’être dans la longue vie du concert des nations. L’histoire n’a pas surgi, elle a suivi son cours pré-déterminé. Le mot « historique » ne manque pas de poids, mais il tient du détail puisqu’en vérité rien d’autre ne fut décidé que le fait de décider que quelque chose devait être décidé à propos du climat à l’échelle mondiale. Le climat, depuis le 12 décembre 2015, est une chose que mondialement les dirigeants de ce monde voient comme un problème à gérer.

Ils doublent leur effet d’annonce d’un autre terme vaporeux, l’accord serait « contraignant ». Ce n’est pas mentir, l’accord du 12 décembre est une contrainte, il engage les pays qui l’ont signé à assumer par la suite le fait qu’ils l’ont signé. Ils doivent reconnaître qu’à s’accorder sur l’urgence d’agir face à la crise climatique qui ne peut que s’aggraver, ils doivent d’une façon ou d’une autre agir pour le climat, et qu’il leur faudra en reparler. Si un problème de plus s’ajoute aux problèmes à gérer mondialement, il faut ensuite continuer de le faire. La contrainte dont ils parlent elle n’est somme toute que morale, de principe, elle relève de la reconnaissance de l’existence du problème. Dans tout l’accord, il n’est jamais question des énergies fossiles et des modes d’extractions, on ne parle que des gaz, pas de ce qui les produit. Dans le contenu même, il n’y a ni chiffres, ni changements obligatoires, ni pénalités possibles, ni contraintes immédiates, ni condamnation de tel ou tels moyens (l’extraction de gaz de schiste, ou de sables bitumineux par exemple), ni nouvelle législation qui entrainerait des conséquences juridiques, ni bannissement de quelques pratiques, ni pourcentages un peu précis, ni feuille de route, ni même annonces d’action concrètes à venir. L’accord dépend de chaque volonté politique nationale, et en ce sens chacun peut multiplier les promesses, elles sont comme des promesses de campagne, on les dit avant d’être élu et puis on oublie, ou l’on dit que les circonstances ont changé, qu’il faut attendre. En outre, quand ils parlent de long terme, c’est encore une de leurs roublardises. Cela veut dire pour eux que les objectifs de réduction sont à atteindre en 2050…

Comprenons-bien. L’accord est contraignant en tant qu’accord, « on s’est accordé, restons d’accord sur l’existence d’un accord » pourraient-ils dire. Concrètement, par contre, il ne l’est aucunement. Même quand il est fait mention de l’aide des pays riches aux pays dits en voie de développement, le principe semble contraignant, le montant qui doit être de 100 milliards l’est moins. Cette partie a de toutes façons était mise dans la partie non contraignante de l’accord. De manière générale, les pays s’accordent à réduire les émissions, mais aucune contraintes quand à chaque pays n’est posé, tout le monde promet et on verra bien. L’accord espère arriver à un taux d’émission zéro entre 2050 et 2100, on a le temps de voir. De même, pour continuer dans les exemples, une clause parle des pertes et des dommages qu’ont subi ou vont subir certains pays, mais il n’est pas question de faire de ce fait là une base suffisante à la demande de compensation.

Les seules contraintes véritables tiennent à la suite du processus lui-même. Il faudra discuter encore et tous les 5 ans à partir de 2023, faire un bilan des émissions carbone, dépendant là encore de l’interprétation de chacun et de sa bonne volonté. Pour être optimistes, on peut dire que c’est un compromis, qu’ils ne pouvaient pas faire mieux, coincés entre les USA qui ne veulent rien entendre de la responsabilité commune mais différenciée, et les états moins développés qui insistent avec raison sur la différenciation des responsabilités. Ces derniers ne sont même pas sûr que pour les américains, par exemple, réduire leurs émissions ne s’appliquent pas seulement dans leurs « post-colonies » et partout ailleurs que chez eux. Pour le dernier exemple, on pensera à la colère américaine de dernière minute, qui semble-t-il fit changer un « shall » en « should », un « devaient » en hypothétique « devraient » ou « devront », de sorte que la contrainte reste tout aussi conditionnelle que le reste de l’accord.

Toutes les analyses, ici ou , ne vous en diront donc pas beaucoup plus. Chaque fois, l’accord semble jouer la même farce. En façade, il reconnaît le concept de justice climatique, parle des droits humains, évoque la santé, la vie, évoque tout ce qu’il faudra. En fond, il ne dit rien d’autre que le fait qu’il y ait accord, peu en importe le contenu. Ils peuvent donc célébrer, ils ont réussi un accord. Avec autant de jours de discussions, de gens à leur service et de moyens policiers pour tout contrôler autour d’eux, on ne peut que se demander à rebours comment ils auraient pu échouer, mais bon…

En somme, la COP n’a rien d’historique, elle a terminé comme elle s’annonçait. L’accord qui la clôt est l’occasion d’affirmer le climat comme nouvel enjeu à gérer, et l’écologie à l’échelle de la planète comme nouvelle obligation morale dont vont parler tous les dirigeants de ce monde ou presque.

Mots-clefs : COP21

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