En attendant Covid.

Petit point et analyses de ce que il se passe dans les collèges parisiens par des assistant.e.s d’éducation en lutte et énervé.e.s.

Ce texte a été écrit il y a une dizaine de jours dans sa première version. Depuis, de nouvelles annonces sont tombées, notamment la fermeture des classes au premier cas Covid dans les 16 départements « en alerte ». Nous avons choisi de le laisser tel quel, car ces mesures ne sont pour nous que des mesurettes, qui ne prennent pas en compte la détresse, que ce soit celle des travailleuses et travailleurs ou celle de nos élèves et de leurs familles. Notre colère demeure et notre écœurement grandit à chaque annonce. Nous attendons toujours le Covid, patiemment, mais depuis certain·e·s l’ont trouvé, à grand coup de coton-tige dans le nez ...

Comme beaucoup d’autres travailleur.ses de l’éducation et d’ailleurs, nous en sommes rendu·e·s à attendre plus ou moins patiemment que frappe le Covid et/ou que se forme le cluster. Encore plus tragiquement, une fois que le cluster est là, nous attendons qu’il nous frappe individuellement, impuissant·e·s dans nos vies scolaires mal aérées. Le droit de retrait est apparu rapidement comme une solution viable, politiquement, financièrement, collectivement. Mais il est souvent une galère administrative sans nom, et qui pour être réellement efficace ne peut se faire qu’avec les enseignant·e·s, en grande partie résigné·e·s. La grève reconduite « sauvage » ? Un « privilège » en un sens, un choix pragmatiquement individuel. Un abandon désespéré aussi.

Les cas de contaminations (rapides) se multiplient peu à peu dans les vies scolaires (sans compter ceux depuis la rentrée de septembre), mais ils ne sont pas jugés assez fréquents ou virulents pour que nos hiérarchies et l’administration s’inquiètent. Cyniques, ces gens nous remplacent (ou pas), nous précarisent et souvent nous mésinforment*. Même quand les directions sont touchées, c’est remplacement. Plutôt les laisser crever que de fermer les écoles, voilà le discours de Blanquer suivi soit par naïveté soit par mauvaise foi dangereuse par nos directions qui s’entêtent à occulter toute responsabilité de nos établissements dans les contaminations, préférant renvoyer à une responsabilité individuelle les malades. Nous n’en pouvons plus de jouer à la roulette russe depuis la rentrée, de participer littéralement au massacre. Mais pour plein de raisons, beaucoup d’entre nous ne s’arrêtent pas de travailler, car il et elle ne le ne peuvent pas, on l’impression de ne pas le pouvoir. Les collègues de tout âge tombent comme des mouches, certain·e·s sont en réa. Et les enfants, les agents, parents, pareil.

Comment expliquer sans tomber dans l’absurde et le nihilisme le plus total le fait que dans un lycée du 93, identifiant une cinquantaine de cas positifs et déplorant le décès d’une vingtaine de parents d’élèves depuis septembre, les portes soient encore ouvertes ? Au-delà de raisons évidentes de santé publique, si nous nous concentrons sur ce qui semble être la seule préoccupation de nos hiérarchies, la tenue des cours, comment faire semblant d’y croire encore ? Comment imaginer que nos adolescent.e.s soient dans des conditions d’apprentissage correctes quand certain·e·s savent qu’iels rentreront le soir auprès de proches à risques après avoir passé la journée à suivre un simulacre de protocole sanitaire, dans des lieux où le taux d’incidence de circulation du virus atteint des sommets ? Comment sommes-nous censé·e·s réagir face à ces jeunes, nos jeunes, quand nos hiérarchies nous poussent à faillir au protocole sanitaire pour des raisons toujours diverses mais jamais valables ? Comment continuer la mascarade et faire croire encore que cela tient ?

On pourrait dire « Fuyons, désertons les vies scolaires ! » C’est impossible pour la plupart des collègues, sinon à ce que toutes les vies scolaires le fassent en même temps, et encore. Oui, nous sommes pessimistes, mais nous ne lâcherons pas. Allez, imaginez qu’on y arrive quand même ? Ne serait-ce qu’un jour, une semaine ? Depuis, un an, nous suppléons collectivement aux manques de l’État, à ses choix criminels. De nombreux·ses camarades donnent de leur temps, de leur énergie, de leur argent pour que d’autres puissent (sur)vivre. Depuis la rentrée nous avons montré que nous pouvions nous organiser massivement, que la solidarité est toujours une arme redoutable ! Il n’y a pas que le Covid qui se diffuse, notre rage aussi !


Face aux hiérarchies, aux rectorats, et tous les flics, AEDéters !

Nous réitérons collectivement tout notre soutien à tous·tes celleux qui se retrouvent face au virus du fait d’une incompétence d’État : professeur·e·s, personnels des établissements, les agent·es d’entretien (qui sont essentiel·les mais trop souvent oublié·e·s) ainsi que nos élèves. Nous soutenons et soutiendrons toujours chaque geste d’autodéfense sanitaire et populaire, à grande ou petite échelle. Il n’y a que collectivement et par nos solidarités que nous nous sauverons. Comme on dit, seul le peuple sauve le peuple.

Des AED qui n’oublient pas qui sont les responsables, même si vous arrêtez de nous payer, à l’heure des comptes, vous paierez quand même l’addition.

Localisation : Paris

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