Des réformes de l’assurance chômage sur le cadavre du plein emploi

Le 26 juin 2014 le gouvernement a agréé la nouvelle convention UNEDIC sur l’assurance-chômage, 10 ans jour pour jour après avoir, le 26 juin 2003, agréé la convention précédente.
Ce texte, d’un précaire habitué des CAFs [1], propose une perspective sur les événements en cours, en relisant (de ce qui est publié sur le site) les luttes de 2003 avant celles 2014 contre l’UNEDIC de la coordination intermittents-précaires.

10 ans, même date et même réforme.

Le mouvement des intermittents et précaires avaient bataillé durement 2003 contre la convention UNEDIC (et déjà bloqué le festival d’Avignon, perturbé le festival de Cannes, multiplié les grèves et les occupations).
Pour autant, la convention Unedic prolonge celle de 2003 sans interruptions :

  • Le passage d’un régime de mutualisation qui garantissait des droits collectifs (ceux qui travaillent le plus cotisent pour ceux qui travaillent le moins) à un système de capitalisation individuelle (les allocations sont proportionnelles à ce que chacun cotise). [2]
  • La volonté de pousser au travail en permanence sans laisser aucune possibilité aux allocataires d’employer autrement qu’à la recherche d’emploi leurs temps indemnisé, la fin d’un système d’indemnisation qui permettait par exemple de refuser certains boulots, et donc d’avoir un peu de prise sur ces « pratiques d’emploi ». [3]

La concertation paritaire

Signalons au passage, qu’en 2003 [4] comme en 2014, la concertation sociale sur cette réforme est une fumisterie. Autour de la table :

  • 3 organisations patronales : le Medef, la Cgpme, et l’Upa
  • 5 syndicats « représentatifs : CFTC, CGC, CFDT, CGT et FO

Le système est « paritaire ». La représentation est partagée à part égale entre représentant des employés et des employeurs (système très répandu en France)
Ils n’y sont ni éligibles, ni révocables. Les associations de chômeurs et précaires n’y ont aucune place, les coordinations ou les syndicats tels que SUD non plus. Patrons et syndicats discutent "à égalité" autour de la table.
Officiellement, l’État ne participe pas aux négociations, ce qui lui permet de faire comme si les « partenaires sociaux » décidaient hors de sa responsabilité. Cet argument est particulièrement malhonnête puisque cette année (comme à chaque fois) c’est l’État qui a agrée la convention avant même la fin des négociations (quitte à promettre des négociations après coup).

Cette réforme se fait sans les premiers concernés, et sans trop chercher à ce qu’ils soient représentés. En 2003 comme en 2014, le mouvement intermittents, chômeurs et précaires fait irruption dans cette mascarade institutionnelle.

ON NE JOUE PLUS

C’est en 2003 qu’est crée une Coordination Intermittents Précaires en Île de France : la cip-idf. La CIP se veut une coordination et non un syndicat ou une organisation centralisée (qui compterait ses adhérents ou ferait appliquer ses décisions). En 2003, notamment à Paris, des assemblées générales (réunissant parfois plusieurs milliers de personnes) et des commissions de travail (rassemblant quelques centaines de personnes assez souvent) se tenaient tout les jours. La création d’une coordination quelque peu formelle se fait pour relayer les infos, les textes, et relayer les paroles et revendications du mouvement sans passer par les syndicats traditionnels. L’assurance chômage, régie par l’Unedic, n’est pas prise comme un « acquis », intangible bienfait de l’état providence à protéger des prédateurs libéraux. Elle est étudiée à la lettre, et à plusieurs (c’est aussi qu’il faut bien du courage pour lire ce genre de codes) dans une espèce de contre-expertise géante et permanente pour comprendre les mécaniques du système, y trouver des billes et des prises pour s’y défendre. Nul ne se fait juriste, mais trouve des repères (qui donneront ensuite des guides pratiques) et précise les grandes logiques à l’œuvre.

LE CHÔMAGE

La bataille contre la réforme devient l’occasion d’une enquête et d’une meilleure connaissance du sort fait aux chômeurs.
En écartant les « premiers concernés » (ceux et celles sur qui s’appliquent la réforme) les partenaires sociaux font une réforme selon leurs volontés, s’arrogent le monopole de la vérité sur les pratiques de travail, et sur ce qui serait le mieux pour les travailleurs. Ils se font un savoir de leur position d’expert, ils sauraient mieux ce qu’il se passe d’avoir une vision globale et validées par chiffres (qu’ils ont eux-mêmes élaborés). [5].

REFUS DU TRAVAIL

Ces enquêtes sont centrales. Les dispositifs de l’État providence ne doivent pas être abordés comme des bienfaits charitables qu’aurait concédés la République à des pauvres dans le besoin, et la crise aidant, que ces mêmes bienfaiteurs voudraient voire disparaître. Il n’y a pas d’un côté l’État comme structure plus ou moins bienveillante, et de l’autre le ou les pauvres que la providence aide plus ou moins selon les années. Chaque dispositif d’aide sociale ou étatique produit activement un certain type de pauvre, une certaine figure de l’individu dans le besoin (ne serait-ce qu’en établissant quels sont les critères d’admissions à telles ou telles aides).

Les dispositifs de l’État social se rapportent donc moins aux pauvres qu’à la production même des "pauvres" en tant que pauvres, dépendants des aides sociales. Le capital organise la dépendance dont il se fait ensuite le sauveteur providentiel. Chaque institution de la providence étatique définie pour cela comment les pauvres doivent être encadré, et surtout de quelles manières ils devraient se comporter (un pauvre est essentiellement une personne en besoin d’emploi qui doit se montrer honnête et silencieux).

Pour ne prendre qu’un exemple actuel : en Afrique du Sud pour bénéficier de l’aide médical, il faut fournir ses empreintes digitales et une empreinte biométrique de l’iris... Il faut donc se plier au don de telles données (avec tout ce que cela suppose de suspicion de fraude, et d’humiliation), se faire bon pauvre contrôlé pour pouvoir être soigné. Aujourd’hui, si cela reste incomparable en France, il faut toutefois en faire beaucoup pour bénéficier d’une aide de Pôle emploi ou de la CAF... Ces structures ne sont pas du tout adaptées au fonctionnement du marché du travail, elles préfèrent insister sur le contrôle et la chasse aux fraudeurs.

MAL EN POINT ET DEPUIS LONGTEMPS

Le dispositif d’assurance chômage a été mis en place dans les années 60, en période de plein emploi. Les salariés du spectacles étaient dans des formes d’emplois discontinus plus isolés qu’aujourd’hui . Cette assurance était pensée dans une logique de mutualisation des risques : quand tu travailles beaucoup, tu cotises beaucoup, et ces cotisations bénéficient à tout ceux qui n’ont pas d’emploi ; hors emploi, tu cotises moins et bénéficies des cotisations de ceux qui travaillent.
Ce système pouvait tenir (aux yeux du patronat) tant qu’il y avait beaucoup de travailleurs au travail... Les travailleurs du spectacle, c’était alors assez minime, furent traités comme « exception », tels qu’aujourd’hui avec les annexes 8 et 10 (pour les techniciens du spectacle et les artistes, deux catégories que l’Unedic veut diviser).

Aujourd’hui, le plein emploi est mort et la discontinuité de l’emploi est la norme. C’est fini la carrière de toute une vie dans la même boite et la même activité (ce qui, à dire vrai, relevait déjà du mythe). Le travail en intérim est massif, et même pour un travail de 2 ou 3 ans dans la même boite, les embauches se font sur CDD renouvelés chaque mois.

Le chômage n’est plus l’exception ni l’envers de l’emploi, il est « structurel » comme on dit. En pratique, tout un chacun alterne des périodes de chômage et de travail.

Dans ce conflit, nous sommes rapidement parvenus à la conclusion que ce que nous avions en commun était moins le secteur du spectacle que la façon dont on était employés – ce que nous avons appelé « nos pratiques d’emploi » : alterner périodes de chômage et d’emploi, avoir différents employeurs, des salaires variables, etc. [6]

Il ne faut en effet pas enquêter longtemps pour trouver dans beaucoup de secteurs des périodes de travail discontinus, dont la rémunération varie, et dont une part du travail est faîte en dehors des heures payées.

Production et Reproduction de la force de travail

Si ces formes de travail sont très répandues chez les techniciens et travailleurs du spectacle (au rythme des festivals, des représentations, des tournages télés,etc.), la même règle s’applique pour qui travaille comme vacataire de l’éducation nationale. Ne sont payées que les heures d’enseignement proprement dîtes (qui arrivent aléatoirement et sont pareilles au cachet que reçoit un musicien pour un concert donné sans rien pour payer son local de répet’). Jamais n’est payé le temps de préparation des cours, ou les temps de déplacements. Le même modèle se retrouve aussi dans les intérimaires du bâtiment, payés pour leurs heures sur un chantier Bouygues mais rien de plus entre deux trajets, rien non plus de fait pour leurs logement ou pour la survie en dehors du chantier (particulièrement si t’as pas les bons papiers). Le salaire c’est cette farce qui prétend payer tes heures de travail (et ce que tu y aurais produit de fait) mais débrouille-toi pour tout ce qui relève du reste... La charge de ce reste, de tout ce qui relève de la reproduction sociale, pèse d’autant plus aujourd’hui dans la discontinuité de l’emploi, quand d’un mois sur l’autre aucune anticipation n’est permise. C’est là tout l’enjeu des conflits sur l’assurance chômage : arriver à une continuité de revenus dans la discontinuité de l’emploi.

Dans le nouveau modèle élaboré suite au mouvement de 2003 et repris depuis, c’est la continuité de revenus qui est affirmée, et sans diviser dans chacun son annexe mais en regroupant techniciens, artistes, intérimaires dans une même annexe (ce qui en passant casse la séparation absurde entre les artistes et ceux qui ne feraient que de la technique). Dans chaque travail de toutes façons, les activités sont multiples, et les employeurs eux-mêmes ne cessent de changer d’activité, ou de lieu voire de continent...

Les propositions du nouveau modèle cherchent à imposer l’équivalence entre un jour travaillé et un jour indemnisé, et sans que le calcul de ce à quoi l’on a droit ait lieu chaque semaine sous menace permanente de coupure des versements pour empêcher toute anticipation possible.

BEAUCOUP D’ARGENT PARCE QUE JE SUIS NOMBREUX

Il y était surtout affirmé, et aujourd’hui encore, qu’il s’agit de ne plus penser l’assurance chômage à l’horizon du plein emploi, bien au contraire. Potentiellement, il y a un certain usage de l’alternance des contrats, ou des missions d’intérim, qui permet entre deux tafs de disposer autrement de son temps, d’avoir un peu de temps pour soi. Il existe, malgré les galères actuelles, beaucoup d’intérimaires qui travaillent pendant une certaine période et choisissent autant que possible à d’autres moments de prendre une pause, un peu de temps sans courir après l’emploi.

La discontinuité de l’emploi renforce la disjonction entre production et reproduction, entre le salaire comme moyen et les subsistances nécessaires. Le travail précaire c’est l’art de trouver assez d’emploi pour pouvoir subvenir à nos besoins entre deux temps d’embauches, et de construire des possibilités de refus de tel ou tel travail (quand on n’en veux pas en ce moment, ou quand c’est trop mal payé).

Une discontinuité n’est pas une interruption, encore moins un arrêt

Parler de l’assurance-chômage, c’est en ce sens toujours parler du travail. Plus on est sûr de pouvoir disposer de revenus suffisants en refusant une embauche, plus l’on peut batailler sur ces conditions d’embauches et donc sur nos conditions de travail. La bataille se joue dans les capacités de refus du travail que l’on peut construire, et dans la maîtrise de notre temps. [7]

Refus de la réforme

Avec la réforme 2014 de l’UNEDIC, c’est au contraire la course à l’emploi qui est imposée à tous les intermittents, les intérimaires, les précaires et les chômeurs. C’est une logique d’évaluation permanente de sa motivation et ses efforts à trouver du travail qui devient la règle. C’est un chacun pour soi chacun travaille pour ses droits que la réforme met en place.

Le délai de carence est allongé. Entre le moment où un contrat se termine, et le moment où l’on peut espérer toucher ses allocations chômages, il faut attendre plus d’un mois, voire même plus. Cela fait autant de temps sans aucuns revenus.
Il y a surtout la « bonne nouvelle » des droits rechargeables. Tout le mensonge est dans l’appellation employée. Le patronat peut prétendre construire des droits au chômage qui se rechargent aussitôt qu’on travaille, même si ce travail a lieu pendant une période déjà indemnisée. Ces droits rechargeables ne cessent d’être présentés, notamment par certaines directions syndicales, comme une bonne nouvelle.

En fait, le cumul des droits au chômage existe déjà en partie. Là, ce qui se joue avec la réforme, c’est qui en effectue le calcul. Ce n’est plus le chômeur mais Pôle Emploi directement, que l’on n’y soit inscrit ou non, et ce « automatiquement ». Cet adjectif est important, cela présente la chose comme une bonne nouvelle, on aura moins de démarches à faire ! Mais pour qui connaît déjà Pôle Emploi ou à la CAF, cela signifie surtout la perte de toute maitrise et connaissance sur l’état de nos demandes.

Cela signifie surtout un nombre imprévisibles de bugs informatiques et d’indus ou trop perçus dont on est ensuite tenu pour responsable. La CAF, depuis longtemps déjà, a automatisé beaucoup de ses calculs, mais curieusement les ordinateurs de la CAF oublient toujours telle ou telle donnée, perdent des dossiers, versent trop ou pas assez et réclament ensuite. La majorité des dites fraudes à la CAF viennent en fait d’erreurs de leur part, et à pôle emploi c’est pareil. Pour s’en prémunir, les CAF commencent un peu partout à ne plus avoir d’heures d’accueil des allocataires mais à ne recevoir que sur rendez-vous, et individuellement toujours.

Pôle emploi et les galères automatisées

Là, dans le cas de Pôle Emploi, automatisation, cela veut dire aussi contact direct entre employeur et pôle emploi sans qu’on ait un mot à dire, sans pouvoir savoir ce que tel ou tel patron a déclaré effectivement (en cas de conflits bonjour la galère). Le calcul des droits automatiques s’effectuera sur la base des documents dont disposera Pôle Emploi, soient ceux fournis par l’employeur (à son bon vouloir ?)... Et si l’on veut compléter, en tant que chômeur, on n’aura que 30 jours. De tout ce processus, puisqu’il est automatique, on ne verra rien.

Ce qui ne change pas, c’est qu’il faut travailler 4 mois pour ouvrir des droits au chômage. Le taux d’allocations sera calculé sur la base de ces 4 mois. Toutefois, Pôle Emploi insiste sur le suivi immédiat..Si pendant ces 4 mois indemnisés, on retrouve un court travail, cela fera aussitôt baisser le montant de l’indemnisation perçue, peu importe si ensuite on n’a plus de travail.

Cette période de travail est supposée recharger nos droits par la suite, mais l’automaticité fait que si ce nouveau travail a été mieux payé le montant de l’allocation n’en changera pas pour autant (le calcul reste sur la base des 4 premiers mois de travail, ce qui n’était pas le cas auparavant). Le montant pourra diminuer mais jamais augmenter. À la fin de la période des 4 mois ouverts, à la fin donc de son petit capital personnel d’allocations chômage, les droits rechargeables sont « automatiquement » pris en compte, qu’on le veuille ou non.

C’est important. Pour les recharger, il faudra avoir travaillé au moins 150 heures. Mais si ces 150 nouvelles heures de travail sont mieux payées, il faudra attendre d’avoir épuisé tout ces droits pour pouvoir les toucher (là où auparavant, on choisissait au mieux). Et sans ces 150 heures, il faut de nouveau travailler 4 mois pour rouvrir des droits.
Du coup, il s’agira de trouver le plus de petits boulots pour ne jamais revenir au point zéro de réouverture des droits. Pourquoi des petits boulots ? Parce que du fait que les activités salariées effectuées pendant une période d’indemnisation soient rechargées sur le même régime que l’ouverture de droits, cela exclut les possibilités de passer d’un type d’emploi à l’autre. C’est cette impossibilité qui fait perdre toute prime à l’intérim, et toutes la prise en compte de type de contrats différents (journaliers, ou hebdomadaires, ou mission d’intérim) va aussi coûter cher. Tel technicien du spectacle basculera du régime intermittents au régime général, chaque heure en régime général étant alors déduite des 507 heures qu’il doit faire pour ouvrir ses droits aux allocations de l’intermittence.

Le seul avantage de cette réforme c’est que cela promet une avalanche de malentendus et de difficultés du côté de Pôle Emploi. Ils ne sauront jamais quoi calculer, comment faire, de quel régime cela doit relever, etc. Malheureusement, ces malentendus ne sont jamais à l’avantage des chômeurs... Soit Pôle Emploi ne verse rien, soit c’est si compliqué que le temps décourage...

Ce qui en clair veut dire qu’avec la mise en place des « droits rechargeables », tous les contrats CDD, qu’ils durent 1 jour ou 1 mois, basculent dans le régime général.
Et que pour continuer à être dans l’annexe 4,il va falloir ne travailler que par l’intermédiaire d’agences intérim.

Une distinction claire est installée dans la réforme entre les intérimaires passés par une agence et les autres.. Là encore, on peut parier sur des heures de confusion dans les bureaux des Pôle Emploi.. La réforme efface dans le même temps les maigres avantages qu’il y avait dans l’intérim en intégrant, dans la plupart des cas, les intérimaires au régime général où ils toucheront moins d’allocations.

Pour le régime général, d’autres « avantages » sont exclus.

Si après une rupture conventionnelle de contrat, l’on touche des indemnités de licenciement, on n’aura droit à des allocations chômage ou au RSA qu’une fois cette somme entièrement dépensée. Toutefois, c’est surtout face au conseil des prud’hommes que la réforme apporte de graves changements.
Devant le tribunal des prud’hommes (pour tout conflit du travail : licenciement abusif, refus d’indemnités, non paiement, mauvais contrats etc.), les jugements rendus sont souvent en faveur des salariés, auxquels sont versés des indemnités ou des salaires impayés. Il faut par contre s’armer de patience puisque le processus prend le plus souvent plusieurs années.
Or, avec la nouvelle convention UNEDIC , Pôle Emploi va pouvoir exiger et déduire des sommes gagnées aux prud’hommes un remboursement des allocations perçues pendant l’attente du jugement ! Sur plusieurs années d’attente, cela peut faire une somme assez importante pour dissuader d’un recours aux prud’hommes.

L’Unedic c’est chacun pour soi dans l’austérité

La logique générale ne laisse planer aucun doute. L’idée des droits rechargeables, c’est se voir chacun comme une petite pile. Tu travailles pour cotiser ce que tu peux toucher ensuite. La réforme invite à se penser comme une caisse d’allocations individuelle qui ne touchera rien d’autre que ce à quoi elle a travaillé. Caisse dont on ne maitrise pas toutes les données, les ordinateurs de Pôle Emploi se chargeant des calculs tout seul...

La lutte contre la réforme ne se joue donc pas dans la défense d’un statut particulier, ou d’une exception culturelle. Ce que prépare le plan du capital, c’est un chacun pour soi contre tout les avantages des autres dans l’austérité, c’est la destruction de toute solidarité potentielle.

Contre les cheminots en grève, le matraquage idéologique était immense : les employés de la SNCF sont des privilégiés, ils se permettent de faire grève pour leurs avantage à eux quand tout le monde est dans la crise..
Le gouvernement Valls la joue parfois à l’envers avec les intermittents, là il faudrait préserver leur spécificité et célébrer la culture en affirmant que les artistes méritent un autre traitement. Valls espère ainsi diviser, et garder l’enjeu de l’assurance chômage comme question spécifique qui ne relève que de quelques travailleurs.

Dans l’austérité, le gouvernement cherche à installer la logique du quand à soi et chacun pour sa gueule. N’en demandez pas trop, vous le prendriez aux autres !
A nous de prouver le contraire, nous voulons tout et pour tout le monde !

Notes

[1caisses d’allocations « familiales

[2De la langue de l’ennemi à la grève des chômeurs - Revue Z- CIP et Cafards de Montreuil

[3De la langue de l’ennemi à la grève des chômeurs - Revue Z- CIP et Cafards de Montreuil

[4En 2014, CFDT , CFTC, FO et les 3 organisations patronales acceptent l’accord.

[5Cette bataille rappelle, dans un autre contexte, celle des malades du SIDA et d’Act-Up, quand des collectifs de malades confrontent les médecins et leurs organes institutionnels qui prétendent dire mieux que les malades eux-mêmes ce qui doit être fait pour les aider (en l’occurence, ils les laissaient mourir. Il est un peu spectaculaire assurément mais le film « Dallas Buyers Club » raconte un peu de cette histoire dans le contexte américain.

[6De la langue de l’ennemi à la grève des chômeurs - Revue Z- CIP et Cafards de Montreuil

[7Il faudrait ici citer ou raconter bien des discours de gauche qui détestent tout les discours sur le chômage ou sur l’intermittence. Pour cette gauche là, l’horizon indépassable c’est le plein emploi, et la misère pour ceux qui n’en ont pas. Pour cette gauche-là, l’important c’est la réalisation de soi par le travail, la valeur-travail et surtout pas la possibilité de refus du travail. Pour cette gauche là, le travail il est dans l’usine et dans les autres espaces productifs, il est dans les travailleurs déclarés et le CDI. On sait combien, à partir de ces postulats de départ, ils ont du mal à penser le travail illégal, le travail domestique, et toutes les luttes qui ne se jouent pas seulement dans le cadre d’une bataille sur le contrat de travail. Pour se défendre, ils accusent le refus du travail de relever du vide, du je-m’en-foutisme ou plaisir de ne rien faire. Ils oublient que tout refus du travail s’adresse aux patrons, se jouent contre des conditions de travail exécrables, s’affirment contre l’exigence de faire de soi-même une entreprise à en mourir, etc.

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