Corporatisme, normalité et vaccination

Cette réflexion s’articule autour des différents discours fondés sur la nécessité de vacciner les enseignants. Des demandes qui ne découlent pas tellement d’ambitions sanitaires pour freiner la contagion que pour ré-activer et affirmer la centralité d’un système éducatif qui n’a cessé depuis de nombreuses années d’accélérer les assises réactionnaires et racistes diffusées par ses représentants et figures sacrés.

Dépassés par la rapidité de l’information et des mesures gouvernementales, ce texte a été écrit avant le passage des cours en distanciel. Quelques ajustements ont été effectués mais les conclusions restent inchangées.


Ouverture ou fermeture ?

Il semble que la genèse de notre problème se situe autour de cette étrange contradiction qui est l’exigence syndicale, médiatique mais aussi gouvernementale de vacciner les professeurs. Une corporation déclarée et auto-proclamée absolument nécessaire dans cette période difficile. De l’autre, nous avons pu voir un corps de métier qui n’a cessé quasi-unanimement de valider l’ouverture indispensable des établissements scolaires alors que le virus circulait massivement au sein même des lieux de vie éducatifs. Dès lors, cette contradiction paraît moins « étrange » quand elle est analysée sous l’angle du Travail et du dispositif politique. 

Si cette revendication professionnelle portée par le corps enseignant est aussi promise par Macron ou Blanquer, c’est bien parce qu’il existe un accord entre ces deux parties sur le fait que la profession représente le fondement central qui permet de laisser ouvert les écoles et par ricochet les entreprises. Chaque camp pseudo-opposé (la corporation et son ministre) visibilise la fierté patriote et nationale d’être l’un des rares pays à maintenir une éducation stricte en présentiel, quand bien même nous en sommes à plus de 300 morts par jour et que l’école est le foyer central de la mortalité actuelle. S’il nous a paru important d’écrire quelque chose à ce sujet, c’est bien que la réclamation d’une vaccination des professeurs dans les conditions posées et proposées ne nous conviennent pas. Elles nous paraissent être complices d’un dispositif économico-politique axé sur le Travail (et donc du capitalisme) et ses différentes relations avec l’État.

Du public vers le privé

Deux choses nous paraissent essentielles pour aller à l’encontre de ces discours. En prenant un pli inverse, on peut imaginer des réclamations autour de la vie et de l’épidémie actuelle. D’un mouvement au sein des établissements qui pose ses propres conditions de vaccination.

D’abord, d’un point de vue strict vis-à-vis du Travail, il nous paraît fondamental de souligner l’élargissement impératif de la vaccination à toutes les professions qui composent les établissements scolaires, [car oui, les professeurs oublient régulièrement qu’ils ne sont pas les seuls à travailler dans les écoles.]. 

Deuxièmement, la revendication majeure devrait être la suivante : refuser la vaccination dans les conditions proposées par le gouvernement, non pour remettre en cause le vaccin lui-même, mais pour refuser la vaccination comme fonction au sein d’une logique continue et normale du Travail. De ce point de départ, le vaccin n’est plus un remède qui permet de sauvegarder l’école en tant qu’espace disciplinaire et de travail pour les enfants ; et par conséquent de leurs parents obligés de continuer à travailler. Cette demande peut permettre de créer un réel rapport de force contre les différentes directions locales et son ministre, avec pour objectif la diminution drastique de la contagiosité et de la contamination actuelle en imposant un arrêt du Travail et une fermeture totale des écoles.

De plus, si la vaccination concerne tous les représentants dans les écoles, et pas seulement les professeurs, elle laisse encore la majorité des propagateurs du virus circuler librement : en l’occurence les enfants. Dans ce cas de figure, ils continuent malheureusement de ramener le virus chez eux. La vaccination ne doit pas être le fondement d’un retour ou d’une intensification du travail, mais bien le complément de son arrêt (et de sa destruction à venir). À ce propos, on a pu voir différents variants se développer suite à l’émergence de la vaccination car un virus qui circule encore trop activement s’adapte, mute et diminue malheureusement certains effets positifs des différents vaccins. Le dispositif actuel réside dans la pacification et la promesse d’un soin de l’espace public, en l’occurence l’école, laissant le foyer privé à la merci de la maladie. Ce qui importe pour le gouvernement est de pacifier et précariser une profession qu’il n’a cessé d’écraser dans les quelques résistances construites ces dernières années. Ensuite, viendra l’invisibilisation de la majorité des enfants qui continueront de contaminer chez eux leurs parents et leurs proches. De même que les masques sont depuis le début un élément de dépense privée non pris en charge par les pouvoirs publics, les tests prennent petit à petit ce chemin avec les tests salivaires : payants, moins fiables et non tracés/répertoriés statistiquement. Ce qui permet à l’État de se retirer économiquement, de favoriser l’émergence d’une privatisation et libéralisation des masques et des tests mais aussi de baisser les chiffres de contamination.

La politique sanitaire actuelle se construit autour de l’isolement de la population et de l’individualisation d’un problème global. En cas de vaccination des professeurs et d’ouverture des établissements, l’État laisserait parents et enfants se responsabiliser et affronter la maladie avec leurs propres armes, c’est-à-dire pas grand chose quand on sait qu’enfants et parents se contaminent sur leurs lieux de socialisation respectifs : école et Travail.

Mots-clefs : collèges | écoles | covid

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