Contes et légendes de la psychiatrie

Encore un effort pour casser la légende d’une psychologie courageuse travaillant contre la horde des nouveaux barbares (les psychiatres hospitaliers). La psychologie une résistance ? aujourd’hui ?
Bullshit

Collabos en psychiatrie, donnez-vous la main
Commençons par la psychanalyse, cette cousine de la psychologie.
Il semble que l’écoute analytique ne soit guère soluble dans « l’institution psychiatrique » ou plutôt : ce champ de normalisation constitue pour la psychanalyse son plus grand danger. La psychiatrie n’étant au fond, rien d’autre qu’un écho autoritaire de la norme sociale. Doit-on s’en étonner ? Je ne pense pas, car si la psychanalyse se plie aux ordres de la psychiatrie, elle perd sa raison d’être. Elle a hélas, de fait, perdu sa raison d’être.
La mutation a eu lieu. La psychanalyse a abandonné toute rage. Elle s’est fait des habits neufs. L’analyse se sape désormais aux couleurs du discours managérial, elle marche et fayotte comme un bon soldat, la voici lèche-botte comme le psychiatre. Ciel ! Un deuil de plus.
L’hérésie a disparu. Le temps est loin où Freud pensait apporter « la peste » aux réactionnaires de l’Amérique blanche. La psychanalyse en secteur hospitalier collabore à présent au système qu’elle critiquait autrefois : sémiologie médicale, demi-écoute (caricaturale), « démarche qualité » comme écusson et autres cauchemars taxinomiques, bref toute cette mascarade issue du management.
Rappel :
Longtemps cantonnée dans le rôle du "vilain garçon", la psychanalyse a pu jouer durant quelques années, un rôle de "résistance" (relative) face à la brutalité insigne des psychiatres armés de leur sismothérapie, de leurs cachetons (neuroleptiques) et de leur toute-puissance diagnostique (à deux balles).
Mais la psychanalyse ne délivre plus de message subversif. La révolte s’est absentée. L’analyse est rentrée dans le rang. La position de la psychanalyse sur les minorités sociales, sexuelles, est affligeant de tiédeur politique. Quels psychologues ont le courage de prendre la parole face aux psychiatres ? Nous les cherchons encore. Leurs réunions n’ont « d’institutionnel » que le nom.
La psychanalyse, dit-on, a longtemps semé l’incertitude dans les "consciences jugeantes" (les psychiatres). Ce temps n’existe plus. Créer du Chaos. Du Chaos créateur est une tâche qui reste encore à accomplir. Les résistances en psychiatrie ne viennent, pour le moment, que des patients enfermés. Quel psychiatre ou quel psychanalyste aura le courage de porter (au grand jour) cette clameur ? Nous ne croyons plus aux contes de fées.
En France, les scandales s’étouffent, c’est bien connu.
Les légendes dorées de la psychanalyse internationale restent consternantes. Je songe aux pontes de l’IPA (Association Internationale de Psychanalyse).
À entendre les troubadours de l’IPA, la psychanalyse sut guérir plus de patients qu’il n’y a d’étoiles durant le songe d’une nuit d’été.
Le hic, ce sont notamment, les quelques traces de dossiers noirs sur la torture au Brésil. Prenons Amilcar Lobo Moreira da Silva, comme cas d’école (abominable) médecin tortionnaire et psychanalyste candidat à l’IPA, aux ordres de la dictature. Jamais l’IPA ne désavoua vraiment l’engagement d’Amilcar. Tout fût ramené à de « simples rumeurs ». (Le Brésil des années 70 est alors une terre de vacances pour les psychiatres-analystes occidentaux). La dictature ne semble avoir gêné aucun membre de l’IPA. Scandale vite refermé.
Honte sur l’orthodoxie qui se prend tellement au sérieux.
Comment expliquer pareil scandale ? cela ne s’explique pas. Refuser de dénoncer l’horreur sur cet épisode est impardonnable.
Maintenant, plutôt que de taper sur les intersubjectivistes, et si l’IPA plongeait son regard un peu sur ce qui se passe dans la rue et dans les hautes sphères psychopathiques où règne l’oligarchie financière ? (relire avec ses mômes la « Ferme des Animaux » et prendre note).
Aujourd’hui (depuis longtemps, en fait) tout est plié.
Vinrent les années 2000. Sans commentaire. L’hôpital public est devenu une pompe à fric.
L’hôpital psychiatrique, un des lieux de soin les plus maltraitants dans ses fins et dans ses moyens. L’objectif : produire assez de turn-over avec les patients pour que l’hosto (la "boîte") fasse du bénèf.
Un air de déjà-vu ? Une ère de balances opératoires.
Il va sans dire que l’humanité du patient demeure dans ces circonstances, annihilée, même atrocité en Ehpad.
Et puis, là où on ne s’y attendait pas (dans la psychanalyse) surgissent à nouveau des noms qui dérangent, des noms bientôt imprononçables, incompatibles avec les flux tendus du libéralisme. Des noms comme Margaret Little, Winnicott. Pourquoi ? parce que Little et Winnicott avaient une réelle éthique et prenaient le temps d’écouter leurs patients, ce qui n’est pas le cas des « coachs », des managers-psychologues d’aujourd’hui.
Dans un autre champ théorique, nous regrettons également la comète Tosquelles (à ne pas mélanger avec ses successeurs nombrilistes).
Tosquelles, catalan anti-fasciste instituant le droit de vagabondage pour ses patients, pratique impensable actuellement, puisque tout doit « aller vite ».
N’oublions pas, l’énergie (hors-champ médical) de l’indomptable Arthur Cravan, boxeur poète et feu-follet. Puisse sa nature explosive nous galvaniser. Voilà des combustibles précieux pour tout adversaire de la violence psychiatrique. Et n’oublions jamais le calvaire absolu de Camille Claudel et de Séraphine de Senlis (pour ne citer qu’elles) qui connurent l’enfermement définitif. N’oublions jamais qu’aujourd’hui, chaque jour, chaque heure, chaque nuit, la psychiatrie séquestre en toute impunité celles et ceux qui ne cadrent pas avec l’agencement social sécuritaire.
Comment après cela écouter sans broncher les légendes de la vie asilaire ? Pour nous, une seule devise : Non serviam.
À cette aune, nous posons la question suivante : comment un concept comme celui d’Empathie peut-il disparaître de l’univers mal-nommé du « soin » ? il suffit de faire un séjour aux urgences pour constater cette absence.
Empathie. C’est-à-dire : tout ce qui se réfère au « ressentir » dans l’écoute et à la capacité que devrait avoir tout soignant d’analyser ses propres parties folles (psychiques) avant de s’atteler à la préservation d’un sujet, car sans ce travail auto-réflexif, comment prétendre entrer en contact émotionnel avec une personne souffrante ?
En revanche, si les approches par l’empathie ont bel et bien disparu, le lexique pseudo-savant, lui, existe encore et fait toujours son cinéma.
D’ailleurs, je m’interroge sur un certain jargon bâti autour de la formule : "travail du penser".
Les écrits analytiques actuels qui me sont tombés dans les mains (et me tombent des mains) toutes chapelles confondues, sont bien trop restrictifs, veules, abjects.
Quant à la remédiation cognitive, cette arnaque suprême pratiquée sous la houlette des managers, elle fait bon ménage avec le fourre-tout théorique en usage dans le champ psychiatrique. L’essentiel est de passer à la caisse. Mon ire, ma colère ne s’arrête donc pas à l’IPA, que les choses soient claires.
Tout aussi nocif pour l’équilibre des sujets en détresse, il y a l’incompréhensible survivance du mouvement lacanien sous sa forme la plus caricaturale. Lacan, ce prétendu oracle de la parole, aussi linguiste qu’un labrador. Lacan, l’inventeur-illusionniste de la séance de plus en plus rétrécie et donc, parfaitement soluble avec le mouvement des chronomètres dirigeant le secteur hospitalier.
Il y a aussi le comportementalisme, qui porte bien son nom et indique suffisamment l’élément idéo-moteur sur lequel il suffirait d’agir pour mieux s’épanouir : le « comportement ». On a beau y ajouter « cognitivisme », la mystification demeure entière.
La voici : L’aimable pestilence.
Et dire qu’il existe encore (dans ce contexte) de la chair à divan fanatique, mais aussi des assoiffés du behaviourisme new-age, qui osent encenser l’internement d’office et valorisent le travail-sur-soi, comme si l’attribut « psy » constituait un gage d’humanité (et de Vérité) par avance.
Assistons-nous à une nouvelle forme de team-building en secteur fermé ?
Soyons sérieux une minute : si un(e) thérapeute peut se montrer bienveillant(e) et il en existe quelques-un(e)s, c’est l’humanité du thérapeute qui agit en première instance et non le fanion qui lui sert de titre universitaire. Ce rappel d’évidence est presque désolant.
Car à lire les auteurs-spécialistes à la mode (il y en a tant), penser implique une pré-connaissance du psychisme-cerveau. Mais par quel miracle connaît-on une matière cérébrale qui se modifie sans cesse ? Chimère (il semble admis en effet, que le cerveau est doté de plasticité neuronale).
Sur un autre plan, réfléchir de façon « analytiquement correcte » serait une activité consistant, par exemple, au décours d’une trajectoire thérapeutique à « pointer un signifiant au coeur du discours ». Et alors ? Trêve de poudre aux yeux. Il ne suffit pas de s’astiquer avec la langue de Saussure (déformée) ou celle de Jakobson pour convaincre.
Idem en ce qui concerne les grossières théories adaptatives. En effet, si l’on penche du côté TCC, se bercer de l’illusion que le patient va mieux parce qu’il s’adapte à la chair visqueuse du monde, relève du scandale éthique : Dans cet Ordre, déconditionner un sujet de ses « mauvaises » habitudes, n’est pas une formule à prendre à la légère.
On ne quitte décidément pas le champ de l’Ultra-Libéralisme, ni celui du Bien et du Mal. Nombre de psy sont des juges et des prêtres. Gare à leurs anathèmes.
Posons la question : ces dispositifs de savoir-pouvoir, sont-ils progressifs ou régressifs ? un aggloméré sans doute, mais enfin la psychologie s’en tire bien pour ce qui me semble incroyablement pauvre, réducteur et complice d’un système autoritaire, stigmatisant et parfois meurtrier.
Je n’aurai pas l’indécence, à ce sujet, de trop évoquer la vague de suicides chez France-Télécom et l’absence criminelle de réactions insurgées de la part des psychologues-managers qui se désignent eux-mêmes comme « spécialistes du travail ». Ceux-là comme les autres, ont les mains trop crasseuses. Qu’ils aient la conscience en paix est invraisemblable.
Validité théorique des différents courants de la psychologie et de la psychiatrie ? Un courant d’air, que des clichés attendus. Mais en profondeur, jamais rien n’est dit (finement) du sensoriel dans la solitude, du Temps vécu comme épreuve impensable sauf dans l’Art lorsqu’il réussit à exister entre les murs (et j’évacue bien entendu, dans le champ clinique, les déclamatoires analyses phénoménologiques, qui feraient hurler Husserl et Brentano s’ils étaient encore de ce monde). Rien n’est dit non plus de l’absence d’une nécessaire co-implication du Politique (en terme de résistance au système hospitalier) avec (et contre) le Léviathan psychiatrique.
Question culture ? Les psychiatres-analystes-psychologues s’imprègnent-ils de la forme-poème ou de littérature autrement que par mimétisme ? autrement qu’en médicalisant ? autrement qu’en surplomb, en extériorité ? toujours en rabattant, en écrasant les énoncés de la langue ?
Peut-être que les psy (au sens large) gagneraient en sensibilité à fréquenter plus humblement leurs patients, mais aussi à se pencher sur certains auteurs du lumpen, peintres enfermés, poètes déclassés, artistes que l’on prive de leurs œuvres et de leur pratique pour les neuroleptiser.
L’essentiel serait que la horde des psychiatres aboyeurs aient un jour le courage de ne plus faire allégeance aux Managers et à la "démarche qualité". Je crains que ce jour ne vienne jamais si on ne le provoque pas d’urgence.
Peut-être qu’un ou deux psychiatres structuralistes lâchement convertis au Management mais quittant cette Tunique de Nessus, en deviendraient-ils plus modestes et quitteraient cette brutalité qui filtre dans leur infatuation, leur condescendance (si tragiquement visible par leurs patients) et chasseraient alors les médiocres certitudes qui leur laisse penser qu’un jour ils puissent dire le vrai sur le vrai.
Je rêve, bien entendu. On ne fait pas disparaître si facilement une boursouflure narcissique.
Non, il faut utiliser son imagination pour ça. Et face aux thuriféraires du management, se faire "intempestif", c’est-à-dire : se rendre irrécupérable.
Je m’adresse à vous : psychiatres et psychologues dont l’obscénité vous pousse à proférer que : "La pauvreté est un symptôme subjectif" ! (je cite un lacanien de renom) Fuck you.
Les « Travailleurs de la Nuit » viendront prochainement éclater vos certitudes.
Au coin des yeux de ces patients que vous malmenez, flamboie une lueur de malice que vous ne sauriez voir.
Difficile, en effet, de comprendre comment ces Diafoirus, charlatans constructeurs de disciples, arrivent à faire école ?
La perversité nichée au fond de leur cœur conserve sans doute une force propulsive.
Qu’il est surprenant de découvrir chez les disciples de l’espèce perroquet (la « communauté » psy ) les mêmes mots revenir comme de mauvais Mantras. Citons pêle-mêle : tantôt Adaptation, tantôt Phallus, tantôt « Trouble fonctionnel de l’Agir », tantôt Trouble de la personnalité, tantôt castration, tantôt Métaphore paternelle, tantôt Objet « a », RSI, chaînes de Markov, Sinthome, Bouteille de Klein, bande de Moebius, bla-bla et surtout, leur spécial, celui qui marche à tous les coups : l’imparable Jouissance ! notion qui fonctionne comme un double-bind, absout tous les analystes de leurs échecs. La jouissance donne la main à la réaction thérapeutique négative. Si un(e) patient(e) s’effondre au fil des années, se suicide, brûle ses chances, cela est pour le « professionnel de santé » forcément imputable aux forces de morts contenues dans le mauvais moi de la personne qualifiée de malade (le « Je » défaillant, se plaisent à raffiner certains analystes). Autrefois, on eût parlé de résistances.
Outre la laideur des sonorités lorsque survient « le diagnostic psychiatrique », il y a aussi la pauvreté théorique et la présomptueuse volonté de comprendre et de réduire l’angoisse ou la création, la Vie elle-même qui s’essouffle, toujours aux mêmes stases, toujours à un sale petit secret : entités familiales, paranoïa, trouble thymique, masochisme moral, identification Imaginaire à l’image de l’Autre, sans oublier l’obscur « bénéfice secondaire de la maladie » (quelle vulgarité de la part des morticoles de l’âme). Ils se paient de mots.
Analystes et psychiatres, si prompts à pointer les rationalisations secondaires chez leurs patients feraient bien de s’examiner eux-mêmes et d’observer leur mépris. Je vise notamment l’affreux Gaston Ferdière, psychiatre responsable des 58 électrochocs pratiqués sans anesthésie sur Artaud à l’asile de Rodez. Ferdière s’attribuant le mérite d’avoir relancé chez Antonin le goût de l’écriture. On aura tout entendu.
Je vise fondamentalement dans mes attaques, on l’aura compris, la psychiatrie actuelle, celle qui enferme, catégorise, justifie, ordonne, attache, éteint, surveille, détruit. Je rejette toute psychiatrie au service d’un pouvoir policier.
Regardez les psychiatres, les psychologues, les analystes aux ordres, se répandre sans honte sur les réseaux sociaux ou ailleurs.
Écoutez-les fournir leur avis détestable sur chaque sujet d’actualité avec la satisfaction du devoir accompli.
Écoutez leurs clichés réactionnaires : ils donneraient parfaitement la réplique à Raphaël Enthoven ou à Laurent Nuñez.
Et quelle absence de finesse crasse. Ne pas confondre la finesse avec la connaissance cumulative (la flasque érudition de salon). Quel désintérêt profond, authentique pour l’Art et la révolution (forcément). Difficile de ne pas désespérer.
J’appelle collabos tous ceux qui bouffent à leur gamelle.
L’émotion ne les traverse pas. L’émotion, le mot que nous n’avons jamais entendu en vingt années de mauvaises fréquentations lors de « réunions de synthèse » (sans doute émotion est-il un mot trop « profane », pas assez scientifique lorsque l’on écoute causer ces beaufs dans leurs réunions de Vide mensuel).
Nos rages ont fini par faire de mes camarades et moi des êtres du ressentiment, donc, forcément des dingues pour « les porcs ».
Lorsque je songe à tous les chantres de la réadaptation de surface, ces bonimenteurs de la médecine mentale inféodés au « meilleur des mondes », lorsque surgit en moi la représentation de ces juges à trois sous, je n’ai qu’une pensée, une seule espérance : Qu’ils aillent au Diable.

Anarchie en psychiatrie, à bas les camisoles chimiques

Wanda, Chino, Jade.

Note

" Nous entendons souvent parler du miroir que l’analyste tend à son patient, mais le patient en tend un également à son analyste."
Margaret Little, Des États-limites, L’alliance thérapeutique, p.93

« Je me demande quelquefois si la prolifération du jargon analytique, du nombre toujours croissant de « phases de développement », etc…ne fait pas partie d’une tentative défensive d’être tout-puissant, en déniant le caractère unique de chaque être humain »

Ibidem, p.452
Il y a une bonne raison pour que la psychologie jamais ne puisse maîtriser la folie ; c’est que la psychologie n’a été possible dans notre monde qu’une fois la folie maîtrisée, et exclue déjà du drame. Et quand, par éclairs et par cris, elle reparaît comme chez Nerval ou Roussel, c’est la psychologie qui se tait et reste sans mot devant ce langage qui emprunte le sens des siens à ce déchirement tragique et à cette liberté dont la seule existence des "psychologues" sanctionne pour l’homme contemporain le pesant oubli.

Michel Foucault (1954), Maladie mentale et psychologie,p.104

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