Bonjour, ici Riposte Collective. Un collectif qui a pour but d’organiser la riposte de la manière la plus ouverte et collective possible. Cet article s’inscrit dans cette volonté et souhaite être un matériau pour les mobilisations futures. Nous nous médiatiserons bientôt en vous invitant à nous rejoindre.
Le dimanche 5 décembre, deux rassemblements différents étaient déposés en préfecture. Un dans Paris et un à Villepinte.
On va se concentrer sur deux « manifs » à Villepinte. D’abord on va les analyser de façon chronologique, ensuite on détaillera le tout à grande puis à petite échelles.
I. Mise au point sur la chronologie des évènements à Villepinte :
Pour la chronologie on choisit d’illustrer nos points avec les times codes d’une vidéo (https://www.youtube.com/watch?v=tD8U_dUZICM) qui vient de Clément Lanot. Avant toute chose on tient à rappeler qu’il s’agit d’une grosse merde de journaflic qui se fait du fric sur les mobilisations et dont les images représentent un réel danger en ce qu’elles documentent nos stratégies et servent de preuves lors des procès.
On trouve cependant pertinent de l’utiliser pour illustrer nos points car il n’y’a que peu d’images de Villepinte et que de toute façon le mal est fait, mais on vous invite à vous protéger des journalistes.
Les manifestants on été d’office dispersés. Il n’y’a pas eu de manif principale mais on peut relever 2 cortèges différents qui ont pu prendre forme que nous allons analyser.
La manif 1 était ponctuelle. Les gens arrivent en avance à la gare de Villepinte et à midi tout le monde sort de la gare, à 1:37 (vidéo). Puis les gens se changent et dès 2:15 ça part en sauvage, poussé.e.s dans un mouvement de foule plus que par choix parce qu’iels se retrouvent encerclé.e.s par les keufs. À 2:55 les gens sont talonnés par les keufs, à ce moment-là on entend un camarade dire « ils accélèrent à droite » après quoi les gens se mettent à courir. On pense qu’il est important de rappeler 1) que c’est normal que les keufs se positionnent/courent à côté de nous, il ne faut pas forcément paniquer et que 2) tout le monde ne peut pas courir, soyons et restons solidaires, ne courons pas.
Ensuite à 3:09 les gens arrivent sur la route, suivis par la BRAV, ce qui commence à créer un embouteillage qui ne dure pas longtemps. On pense que c’est ici qu’il y a eu un problème d’action/communication de la part des manifestants – la route aurait dû être utilisée et être un point de conflit, nous y reviendrons. Le cortège n’a pas réussi à occuper l’espace de la route et, certainement par crainte de la BRAV, les gens ont taillé à l’aveugle dans une zone industrielle (à 3:40). Les gens arrivent dans la zone industrielle poussé.e.s par la BRAV et se font nasser. C’est à ce moment que vont avoir lieu de nombreuses arrestations puis GAV, d’ailleurs l’infraction qui leur sera reprochée n’existe même pas : « participation à un atroupement armé en vue de commettre des violences ou des dégradations » (cf le communiqué des avocats de la Legal Team parisienne dispo sur twitter).
La manif 2 : les militants antifascistes arrivent à 12:02 dans la gare, en même temps que les Zouaves (groupe néonazi issu de la culture hooligan française). À 6:00 on les voit arriver avec leurs drapeaux puis courir à côté des keufs. On pense que malgré ce qui a été dit sur les réseaux les flics voulaient à tout prix éviter un contact entre eux et les camarades. Même si les bleus n’ont évidemment pas fouillé ni contrôlé leurs potos en les laissant parader avec des armes blanches. Ce contexte était désastreux, le cortège antifasciste a finalement réussi à se consolider mais uniquement pour subir charge sur charge et arrestations jusqu’à la dispersion forcée.
Sans saluer l’action de SOS Racisme, on reconnaît qu’elle a été l’action la plus forte médiatiquement, même plus puissante que la manif à l’extérieure du meeting. Ça pourrait peut-être être judicieux de penser à des actions « de l’intérieur » pour les prochaines fois. Mais il nous semble important de rappeler que les risques physiques qu’iels ont pris étaient très grands, tout comme les conséquences médiatiques et juridiques.
II. Stratégie
Ce dimanche 5 décembre deux rassemblements différents étaient déposés en préfecture. Un appel unitaire de Barbès à la Villette, appelé entre autres par Jeune Garde et CGT, et un rassemblement à Villepinte appelé par l’AFA, CND, ACTA, après le dépôt d’une manifestation au rond point de l’avenue du Bois de la Pie à 13h.
Les deux stratégies ont été vivement critiquées des deux côtés du camp antifasciste. Sans volonté de renchérir sur les polémiques nous voulons commencer par une mise au point de ce que permettait chacune des manifestations ainsi que leurs limites.
La stratégie de la Jeune Garde était claire : une opposition médiatique, qui se voulait massive afin d’opposer à Zemmour un « front antifasciste uni » d’une soixantaine d’orgas allant de la CGT au DAL en passant par Act Up, voire flirtant avec le bizarre pour certains groupes que nous ne nommerons pas. Le principal reproche fait à la manifestation de la Jeune Garde est d’avoir maintenu cet appel alors que le meeting était déplacé à Villepinte. Les arguments concrets avancés par Raphael Arnault, boss de la JG Lyon « nous, on ne voulait pas que les gens se dispersent » – on sait en réalité que cette manifestation a été un échec réunissant difficilement plus de deux mille personnes sous une pluie déprimante, et désertée par les orga signatrices. Cette désertion n’est pas étonnante vu que l’appel plein de combativité manquait de crédibilité dû au déplacement du meeting.
Cependant, force est de constater qu’en l’espace de seulement deux jours, déplacer une manifestation comportant des collectifs légalistes, sans papiers et des personnes pas nécessairement en situation de maintenir un rapport de force musclé aurait était compliqué.
À l’inverse, l’appel à Villepinte a quant à lui réussi à réunir chaotiquement, en l’espace de 24h, 500 personnes qui ont eu le courage malgré tout de venir s’opposer au fascisme. Si nous saluons cet appel ainsi que la détermination de celleux qui y ont répondu, il est évident que d’un point de vue stratégique, la situation était plus que désastreuse et notre présence n’a pas été loin de tourner au drame. D’ailleurs les organisateur.ice.s assument en déclarant qu’il ne serait pas possible de « bloquer le meeting ». Le manque de perspective autre que de semer le désordre a été un des princpaux facteurs de notre échec collectif. Deux jours c’est court, mais moins de 24h pour préparer une manifestation de cette ampleur, c’est impossible.
Les conséquences de cette journée doivent trouver des dépassements dans les mobilisations à venir qui, on le souhaite, réuniront encore plus de gens et de détermination.
Conclusion stratégique :
Il est difficile de mobiliser en sécurité en petit comité. L’alliance, et/ou le fait de naviguer à proximité de points légalistes peuvent être une solution offrant de la sécurité à des personnses le nécessitant, ainsi que des points de départ de mob plus « determinées » d’autre part.
Réserver des locaux comme ceux de Villepinte c’est difficilement possible en l’espace de quelques jours. C’était donc potentiellement une stratégie envisagée en parallèle du Zenith de la Villette. On peut se demander s’il sera capable de reproduire cette stratégie (le financement de campagne etc n’est peut-être pas inépuisable). Mais on préfère penser que c’est une option qu’on va être ammené.e.s à revoir, de sa part ou d’un.e autre candidat.e.
À nous de nous préparer à une plus grande flexibilité et souplesse, de réfléchir à plusieurs options en amont. Notamment pour ce qui est de définir des points de départ commun, afin d’arriver ensemble et non pas dispersé.e.s avant même le début des festivités.
C’est aussi préférable de bien connaître le terrain en amont, et pour les cas comme le 5 décembre avec des délais très restreints, au moins venir avec une carte pour le trajet.
III. Tactique
Maintenant que les bases de cette journée on été posées, nous allons revenir plus en détails sur les éléments tactiques présents ce jour-là, afin de construire une riposte efficace face à l’extrême droite et ses défenseurs.
Un des principaux problèmes dès les début a été un manque cuisant de communication au sein du cortège, avec des informations erronées ou inutiles. Dès le début, le cortège est arrivé en circulant à l’aveugle et sans direction. La panique a rapidement semblé gagner le groupe qui est entré dans une dynamique de fuite face aux FDO, alors que d’autres attitudes auraient pu être adoptées afin de nous rendre au point de ralliement.
Ce jeu du chat et de la souris qui s’est rapidement installé est dommageable pour plusieurs raisons : il a dispersé le cortège rapidement (certaines personnes ont pris peur ou ne se sont pas senties de/ne pouvaient pas taper leurs meilleurs 3x500m), a fatigué les manifestant-es et a construit un rapport avec la police dont iels n’ont pas réussi à se défaire.
Comme nous l’avons mentionné, manif 1, une fois l’esplanade traversée, il aurait pu être judiceux de se regrouper et d’occuper l’espace de la départementale qui est toujours un espace difficilement manoeuvrable par les FDO. La proximité avec le trafic rend compliquée la manoeuvre des CRS/CSI : dû à la présence d’automobilistes l’emploi de gaz ou des LBD est compliqué, et le bouchon devient lui-même un problème. Le bout de cette route était le point de rdv de la manif déclarée que la manif 1 aurait pu rejoindre et que la manif 2 a lui réussi à atteindre.
En faisant bloc et en tenant à distance les FDO, la manif 1 aurait peut-être pu les rejoindre.
Nous tenons à rappeler que les BRAV sont des unités certes mobiles mais qui ont une grande difficulté à contrôler une foule. S’ils ont été si efficaces c’est parce que les manifestant.e.s se sont dispersé.e.s très rapidement à leurs arrivée. Leur stratégie, qui a très bien marché, vise à rabattre et atomiser les cortèges. Faire bloc permet de se protéger toustes face à eux. Cette disposition nous paraît cependant compliquée du fait de l’absence de banderole. Si cette absence nous permet de gagner en mobilité, elle empêche aussi de se protéger de la police ainsi que d’occuper réellement l’espace.
Néanmoins, heureusement que tout le monde a pensé à sortir couvert de la pluie. On rappelle que si les parapluies protègent de la pluie, ils permettent aussi de se protéger des chutes de marrons.
Un autre outil qui a été utilisé de manière pertinente d’après nous était le mégaphone. Si cet outil a bien des défauts, il permet aussi de donner des informations, calmer la foule et de rassembler en créant de l’unité. Il peut être bien de le faire tourner entre personnes qui se sentent de l’utiliser et il est important de s’en servir avec calme.
Nous tenions aussi à saluer le fait qu’une majorité des militant.e.s était équipée de lunettes de plongée couvrant l’arcade (protégeant des gaz et des lbd) ainsi que de masques ffp2. Plus on est nombreux à utiliser ces outils de protection et à les revendiquer, plus cela complique leur judiciarisation.
Concernant les tactiques légales :
Si nous parlons de tactique, il nous paraît important de parler rapidement des stratégies légales qu’on peut adopter dans ce genre de situation.
Pendant la nasse de la manif 1, une grande solidarité a eu lieu en premier lieu. Les gens qui ont eu besoin de se changer et de vider leurs poches ont été soutenus et on remercie chaudement les camarades qui se sont serrés les coudes pendant ce moment.
Tout notre soutien va notamment aux camarades trans et inter qui se sont retrouvé.e.s humilié.e.s et violenté.e.s dû à leur identité de genre et/ou leur sexuation non conforme aux normes cisdyadiques de ces porcs.
De nombreux slogans on été scandés pour faire redescendre la pression, en soutien aux copaines trans, et aussi pour tenter d’établir une stratégie collective vis-à-vis de la répression. « ON S’APPELLE TOUS, CAMILLE DUPONT ». Ce slogan fait écho à une stratégie de fausse identité collective. Celle-ci consiste à collectivement donner une fausse identité afin d’éviter les amendes, de déjouer les engrenages de la machine judiciaire et d’éviter des différences de jugement dues aux ingalités de papiers. Pour que cette stratégie marche il est nécessaire qu’elle soit partagée collectivement – on doit réellement s’unir malgré la pression des FDO.
Si pour une autre raison on est amené.e à donner une autre identité (réelle ou imaginaire) il faut en avoir une CARRÉE. Une identité c’est comme un carré, elle a 4 côtés : nom prénom date de naissance, lieu de naissance ET C’EST TOUT. Les flics peuvent te dire que tu risques la prison ou n’importe quoi d’autre si tu ne donnes pas plus d’infos mais c’est FAUX. Nom prénom date et lieu de naissance. Aussi, donner une identité qui n’est pas la nôtre mais non imaginaire est un crime (usurpation) et c’est mauvais délire (on déconseille, sois créatif.ve).
Ce dimanche à Villepinte a été un coup dur pour nous toustes, et nous espérons que ce texte puisse avoir une portée pratique dans les mobilisations à venir afin de construire collectivement une riposte technique au fascisme (etc).
Riposte Collective