Co-AnarVirus VS ParanoVirus : comment survivre

La pandémie qui frappe la société capitaliste dans laquelle nous vivons a deux faces : celle d’un Co-Anar, terriblement efficace pour saper les fondements du pouvoir, et celle du ParanoVirus, terrible dans sa capacité à nous démobiliser et à déléguer nos actions au saint État. Que faire ?

Ami·e·s, réjouissons-nous ! Après un an et demi de Giletjaunage, après une grève générale historique, alors que les saisons se dérèglent et que le temps social est à la révolte, notre agent secret jaune-noir-rouge-vert, nom de code Coranavirus 19, détruit un à un les leviers du pouvoir qui nous oppressent : chute vertigineuse des Bourses, arrêt de la production de masse, grève générale imposée aux populations, trêve hivernale repoussée, baisse des activités humaines et donc des gaz à effets de serre… Certes, Co-Anar est nihiliste jusqu’à l’extrême : il met sous pression nos collègues de la santé et tue nos proches ; il n’est en aucun cas un ami sincère. Mais cette petite bête aura mis un coup d’arrêt à la machine-Goliath, le capitalisme, une machine qui ne fonctionne que parce qu’elle est en mouvement. Survivra-t-elle à un si long arrêt ?

Néanmoins, l’État propage une terrible maladie : le ParanoVirus ! Cette maladie, animée d’une rationalité faussée et que la peur de la mort alimente, ordonne à ceux qui en sont atteints d’arrêter de vivre pour se préparer à l’avenir – SPOILER la Mort – et de voir dans chaque être humain le présage de sa fin. Alors il faut tout contrôler : contrôler qui, quand, où, comment l’on voit d’autres humains, faire confiance à tous les charlatans – l’État en fait partie – tout désinfecter à outrance parce que le Mal ce seraient toutes les bactéries et tout ce qui est vivant, autre que notre propre corps. À l’ère de la rumeur, le ParanoVirus se diffuse très vite : ce qui a le plus de vues devient vrai, ce qui est validé par des « experts » devient « source ». Conséquence du ParanoVirus : des crises de panique dans les supermarchés et une ambiance anxiogène, une volonté de rester seul, chez soi, pour que les GAFA, les Netflix, les livraisons Amazone & cie nous nourrissent…

Que pouvons-nous faire ?
Nous poser, vu que dorénavant et « jusqu’à nouvel ordre » nous avons du temps devant nous.

Précisions avant de commencer :
Certains seront choqué·e·s par le ton léger de ce texte, et d’autres y verront de l’irrespect pour les personnes qui luttent contre cette maladie et ceux qui en ont peur. Personnellement, j’ai peur de cet État et de ce qu’il pourrait profiter d’une telle occasion. J’ai peur du contrôle des populations que nos technologies induisent. J’ai peur du monde dans lequel je vais vivre et par cette contribution je voudrais nous préparer à un potentiel après.
Les pointes d’humour de ce texte, ce sont autant de moyens de lutter contre la dépression qu’induit le ParanoVirus. Les propositions de ce texte, c’est pour que nos collègues de la Santé ne se retrouvent pas seul·e·s pendant 2 mois.
Je pense également que la peur détruit toute réflexion, et bien que j’ai confiance dans les médecins et leurs conseils, je ne veux pas perdre mon sens critique. Comme qui dirait : le diable se cache dans les détails, noyés dans une brume de peur…

« Et pourtant, Mamie et Papi nous ont bien dit de ne pas boire le sang des chauves-souris ! » Ou l’arbre qui cache la forêt

Tout commence par des vampires très très loin dans l’Est et leurs rituels bizarres… Vous pensez que cette phrase est raciste ? Elle l’est.
Le storytelling du Corona c’est que des gens bizarres mangent des animaux, des vrais tout bizarres, pas des surgelés sous plastique bien aseptisés, et puis POUF cela fait un virus mortel pour l’humanité.
Déjà, bon nombre d’humains voient dans les crises écologiques les signes de la Fin du monde, la Fin de l’humanité. Mais non : à la limite, nous sommes témoins de la fin d’un régime, le capitalisme, voire uniquement d’une forme de ce régime, le néolibéralisme. Nous devons donc préparer la suite, pas nous préparer à être seuls dans un monde qui n’est plus. Cela induit des comportements radicalement différents : soit l’on essaye de se voir, de préparer de la bouffe ensemble, soit l’on dévalise les magasins et l’on s’enferme seul en attendant la Fin… et notre propre Faim !
Disons simplement que l’autoréduction – oui, le vol dans les magasins, manger dans les magasins – c’est plus sympa à plusieurs.
Revenons à la naissance de notre antihéros, le Co-Anar : il est le benjamin d’une fratrie de virus jugulés très vite, dès leurs apparitions. Cela suit à chaque fois le même schéma : des animaux en mauvaise santé issus d’élevages intensifs en contact avec des humains en mauvaise santé dans des territoires où des humains en mauvaise santé, poussés à la migration par le « travail », sont concentrés. Le pays où ces questions atteignent leur paroxysme, c’est la Chine. Mais c’est en réalité nos modèles de villes, concentrationnaires jusqu’à l’absurde, qui sont à remettre en cause : concentration de population, de pouvoir, d’inégalités sociales, de pollution, de mal-être, construites en opposition frontale avec le vivant, etc.

Parce qu’il y a du mal-être, l’État met en place des outils de contrôle de la population. Là aussi, la Chine d’aujourd’hui est une société dystopique qui sert de modèle pour nos démocraties higtech : reconnaissance faciale, utilisation des smartphones pour pister les individus, système de points virtuels de citoyenneté… Dans cette société du tout-contrôle, quand l’épidémie s’est déclarée, à la fois les populations ont eu peur de se faire dépister et à la fois les chefaillons, laissés à eux-mêmes, ont eu peur de faire des vagues et ont étouffé l’affaire trop longtemps. Nous sommes ici aussi dans un modèle comparable : on ne veut pas perdre la face, alors les élections municipales sont maintenues alors que l’on est en phase 3 de l’épidémie. Les organisations étatiques, bien qu’elles se pavanent dans des discours sécuritaires, donnent des consignes internes contradictoires parce qu’elles ne savent pas quoi faire.
Dans cette période, les personnes en poste de pouvoir ont le choix entre nous laisser nous autogérer ou mettre en place des mesures arbitraires. En sachant nos chefs perdus, nous devons tout faire pour favoriser notre autogestion locale et les pousser à l’accepter.

Contre le Co-Anar, j’attaque avec les « gestes barrières » !

Face à ce que l’État ignore, celui-ci sort de son chapeau un pouvoir digne d’un jeu vidéo : des gestes-boucliers dont l’application attentionnée réduiraient la propagation de ce virus pneumonie-super-grippe-pas-mortel-mais-un-peu-quand-même-voire-peut-être-beaucoup.
N’étant pas médecin, je vais ici me concentrer sur la distance d’un ou plusieurs mètres et le confinement généralisé d’une population ; en d’autres termes sur les gestes qui transforment nos liens sociaux et que nous devrions accepter « parce que les experts l’ont dit ».

Ainsi, nous devrions tous être à plusieurs mètres l’un de l’autre, ne plus nous faire la bise, ni nous serrer la main ; l’autre – ses ami·e·s, sa famille, ses collègues, les personnes que l’on ne connaît pas encore – devient alors un ennemi potentiel.

Même s’il y a un fond de vérité, son application sacro-sainte relève de la superstition : c’est la projection pendant que l’on parle ou en cas de toux, ou le contact direct qui est en cause. En soi être à des centaines de mètres c’est efficace, mais excessif. Se couvrir la bouche en revanche, surtout quand l’on pense être malade, est du bon sens, comme se laver les mains, qui n’induit pas de rompre les liens sociaux que l’on a avec d’autres humains.

Ce que nous soulignons ici c’est la transformation que ces mesures engendrent : une société où chaque individu est seul face à lui-même, dépendant de ce que le grand Papa-État lui donnera comme consigne, face à l’ultime peur : celle de mourir.

Pire : nous serions responsables, chacun de nous, de la propagation de la maladie. Si tu vois des gens, tu la propages. Ne respires pas malheureux·euse, ou uniquement dans un masque ! Sortir ?! Tu mets en danger l’humanité, égoïste ! Penses aux autres en ne pensant pas eux, à ceux qui sont déprimé·e·s ou qui se sentent mal… Non vraiment : ferme ta gueule et reste chez toi. Grande messe de la Nation à 20h au balcon. Point.
Sur l’exigence de ne pas sortir, doit-on souligner la différence entre une famille coincée dans 10 mètres carrés et une famille qui se dore au soleil dans son jardin privé ? En tout cas, l’on accuse les premiers de tous les maux parce qu’ils·elle·s sortent.

Le premier responsable, c’est notre société et nos villes : l’organisation du travail qui nous oblige à utiliser des transports en commun bondés pour aller « gagner sa vie » à des heures de chez nous, nos logements petits, confinés et chers, nos concentrations abusives d’animaux d’élevage, la pollution systémique des villes qui nous empoisonne…
Ce régime qui pense à son fric est responsable de la création et de la propagation de ce virus. Nous, on trinque.

« Il vaut mieux couler avec panache que flotter sans grâce » : carpe diem !

Aujourd’hui, tout ou presque est fermé. Cette dictature (oui, nous y sommes légalement, il était temps !) a réussi à faire interdire les rassemblements de plus d’une personne, quel exploit ! Chacun·e est invité·e à rester chez soi et à ne rien faire d’autre mise à part télétravailler, dans la mesure du possible. Certain·e·s sont érigé·e·s comme des héro·ïne·s de la nation, leurs voix sont portées par l’État quand leurs discours vont dans le sens du ParanoVirus, alors que les caissières, les livreur·euse·s sont invisibilisé·e·s, alors que les prisonnier·ère·s, interné·e·s psy, et sans-papiers sont toujours enfermé·e·s. Des mesures sécuritaires sont mises en place pour les personnes qui braveraient l’interdit en sortant dehors : 1 000 balles si tu récidives, voire la prison !

C’est la pire des solutions qu’on nous impose, et au contraire l’on ne doit pas rester seul, et pour plusieurs raisons :

  • Déjà pour ne pas déprimer, parce que cela tue aussi. Et n’oublions pas que le système immunitaire dépend en partie de notre état mental.
  • Aussi pour se protéger des monstres avec qui l’on est enfermé : pensons aux femmes enfermées avec leur mari violent et aux enfants qui le subissent également.
  • Ensuite pour ne pas propager nos psychoses personnelles. Discuter en physique nous permet de confronter nos peurs à d’autres personnes et à d’autres peurs, de faire la part des choses et donc de s’inquiéter quand il faut et ne pas s’inquiéter quand il ne faut pas, de différencier un coup de fatigue d’un symptôme de la maladie. Cela aiderait nos copain·ine·s de la Santé à désengorger les urgences et les lignes téléphoniques des gens psychotés en bonne santé !
  • Pour sortir nos têtes des réseaux sociaux : la peur s’y autoalimente parce que nos recherches sur internet fonctionnent par occurrence qui se répondent entre elles. L’on se créé une bulle où notre vérité serait dite par « tous » alors que ces « tous » ce sont juste les gens qui pensent comme nous. N’oublions pas aussi que derrière l’algorithme qui gère les moteurs de recherches se cachent des humains qui veulent nous vendre des produits, et des États friands des technologies de surveillance de masse.
  • Pour apprendre, faire tout ce que l’on a rêvé de faire et que le temps donné au « travail » nous a empêchés de faire. D’ailleurs, soyons vigilants : pendant cette période certains d’entre nous ne pourront pas libérer du temps. Il faut très vite trouver des moyens, par nous-même, de les remplacer et de tourner sur leurs postes avant qu’ils elles ne fassent des burn out.
  • Pour mettre en place « jusqu’à nouvel ordre » des alternatives pratiques à notre société. Si nous sommes d’accord que cette maladie est la conséquence de cette société, alors nous devons vite mettre en place d’autres formes de sociétés pour que cela ne se reproduise plus. C’est créer des interdépendances entre la famille, entre voisin·e·s, entre ami·e·s, entre collègues à des petites échelles, pour la nourriture, la garde des enfants, les loisirs, les soirées, etc. C’est s’organiser sans eux·elles – nos hiérarchies déconnectées de la réalité de terrain – qui sont clairement incompétentes à gérer avec rapidité et souplesse une situation de crise.
  • Si l’on est contaminé, de pouvoir traverser la maladie en sachant que des personnes pensent à nous et que l’on n’est pas seul face à la mort.

Aussi, même si nous avons une forte sympathie pour nos collègues de la santé, n’oublions pas que ce sont des êtres humains qui peuvent avoir tort, qu’il·elle·s sont porteur·euse·s d’une médecine occidentale qui crée un rapport de pouvoir entre les médecins qui savent et les patients qui doivent subir, et qui s’est imposée contre les médecines dites traditionnelles. Faisons la part des choses entre les charlatans aux tisanes, ceux à la chloroquine, et ce qui est du bon sens.

Et puis une dernière chose : beaucoup de gens ont peur de mourir, c’est normal… parce que… et bien oui, c’est terrible, on va tous mourir, pas besoin d’un virus pour cela. Nous ne sommes pas immortels et le délire transhumaniste et technologique va s’arrêter là, grâce à Co-Anar, espérons-le… Alors en attendant la fin, profitons-en ! Préparons l’an zéro !

Note

CARPE DIEM !

Localisation : Appel national

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