Le documentaire
« Ni Dieu ni maître, une histoire de l’anarchisme » est une série de documentaires réalisés par Tancrède Ramonet en 2016 et coproduite par Temps noir et Arte. Les deux premiers épisodes sont :
- La Volupté de la destruction (1840-1906)
- La Mémoire des vaincus (1922-1945)
diffusés pour la première fois sur Arte en 2017. Deux épisodes supplémentaires, toujours avec le soutien du CNC et de LCP mais sans le soutien d’ARTE, sont à venir :
- Des Fleurs et des pavés (1945-1969)
- Les Réseaux de la colère (1965-2011)
grâce à une campagne de financement participatif sur Ulule qui en est à plus de 30 000 euros !?!
Notes sur les deux premiers épisodes
Les notes qui suivent ne remplacent pas le visionnage du documentaire. Elles donnent uniquement des indications sur les sujets traités dans les deux premiers épisodes (chacun d’une durée de 1h30). Elles ne reflètent pas mon point de vue, je ne suis ni historienne, ni experte des différents mouvements socialistes et révolutionnaires. Par ailleurs, ce ne sont que des notes, il n’y a pas d’effort de rédaction. La plus-value se trouve surtout dans les nombreux liens hypertextes vers Wikipedia et articles « Mémoire » internes à Paris-luttes.
Capitalisme et prolétaires
Au début du XIXe siècle, un nouveau système économique lié à la révolution industrielle, le capitalisme, met en exergue les contradictions de classe et en particulier la condition misérable des prolétaires :
celui qui ne possède rien que sa force de travail, sa journée dure plus de 12h et le salaire qu’il retire de son labeur ne lui permet pas de manger à sa faim. Il n’a ni jour de repos, ni assurance, ni retraite. Ces enfants travaillent dès qu’ils peuvent tenir sur leurs jambes et un sur deux meurt avant l’âge de six ans. Les carences, les épidémies et l’alcool font des ravages, l’analphabétisme est la norme et l’accident est la loi. En 1840, l’espérance de vie d’un ouvrier de dépasse guère trente ans.
L’anarchie comme courant socialiste
Différents courants socialistes tentent de résoudre ces contradictions de classe (exposées ici avec une terminologie popularisée et développée par les écrits de Karl Marx et Friedrich Engels). L’anarchisme va devenir un ensemble de courants socialistes fondés sur des aspirations de liberté, d’égalité, de solidarité et de pratiques antiautoritaires.
Quelques penseurs précurseurs :
- Diogène de Sinope
- Thomas Műntzer
- Mary Wollstonecraft
- Andō Shōeki
- Marquis de Sade
- Théophile de Viau
- William Godwin
- Charles Fourier
- Robert Owen
- Gracchus Babeuf
- Sylvain Maréchal
- Max Stirner
1840 : Pierre-Joseph Proudhon écrit Qu’est-ce que la propriété et décrit celle-ci comme le fondement de l’ordre social. Il critique simultanément la domination politique par l’État, la domination économique par le capital et la domination religieuse. À l’opposition à l’État, à l’athéisme et au collectivisme, Mikhaïl Bakounine adjoint le principe de la violence révolutionnaire et de l’insurrection.
L’anarchisme est aussi un des rares mouvements politiques où des femmes sont et seront au premier plan :
- Louise Michel
- Emma Goldman
- Voltairine de Cleyre
- Leda Rafanelli
- Virginia Bolten
- Lucy Parsons
- Kanno Sugako
1864 : création de l’Association Internationale des Travailleurs (AIT) ou Première Internationale. L’anarchisme, promue par Bakounine est, parmi les tendances socialistes, majoritaire.
1870’s : rencontre/création de la fédération jurassienne avec Bakounine et les ouvriers horlogers de Saint-Imier (Suisse). Quelques membres :
- James Guillaume
- Adhémar Schwitzguébel
- Errico Malatesta
- Carlo Cafiero
- Johann Most
- Élie Reclus
- Élisée Reclus
- Victor Dave
- Anselmo Lorenzo
- Pierre Kropotkine
1871 : les anarchistes participent lors de La Commune de Paris aux cotés des autres révolutionnaires, à une expérience de destruction systématique de l’État (on brûle les cadastres par exemple) via une prise en main de la vie politique et économique par la population.
La terreur contre-révolutionnaire fait 20 000 morts ainsi que de nombreux exils ou déportations au bagne
Antiautoritarisme
1872 : prise en main au congrès de La Haye en septembre de Marx et de ses proches sur l’AIT. Exclusion des membres de la fédération jurassienne Guillaume et Bakounine. Création de l’Internationale Antiautoritaire de Saint-Imier.
thèmes : autonomie, horizontalité, antiautoritarisme, solidarité internationaliste, prémices du concept de grève générale
la destruction de tout pouvoir politique est le premier devoir du prolétariat
toute organisation d’un pouvoir politique soi-disant provisoire et révolutionnaire pour amener cette destruction ne peut être qu’une tromperie de plus et serait aussi dangereuse pour le prolétariat que tous les gouvernements existant aujourd’hui repoussant tout compromis pour arriver à l’accomplissement de la révolution sociale, les prolétaires de tous les pays doivent établir, en dehors de toute politique bourgeoise, la solidarité de l’action révolutionnaire
La grève est pour nous un moyen précieux de lutte, mais nous ne nous faisons aucune illusion sur ses résultats économiques. Nous l’acceptons comme un produit de l’antagonisme entre le travail et le capital, ayant nécessairement pour conséquence de rendre les ouvriers de plus en plus conscients de l’abîme qui existe entre la bourgeoisie et le prolétariat, de fortifier l’organisation des travailleurs et de préparer, par le fait des simples luttes économiques, le prolétariat à la grande lutte révolutionnaire et définitive qui, détruisant tout privilège et toute distinction de classe, donnera à l’ouvrier le droit de jouir du produit intégral de son travail, et par là les moyens de développer dans la collectivité toute sa force intellectuelle, matérielle et morale.
Anarchisme insurrectionnaliste
1881 : Congrès international anarchiste à Londres
Considérant que l’heure est venue, de passer de la période d’affirmation à la période d’action, et de joindre à la propagande verbale et écrite, dont l’inefficacité est démontrée, la propagande par le fait et l’action insurrectionnelle.
thèmes 1880’s : propagande par le fait, presse dynamite, anarchisme insurrectionnel
Louise Michel :
Manque-t-il donc de pioches pour creuser des souterrains, de dynamite pour faire sauter Paris, de pétrole pour tout incendier ?
Kropotkine, Le Révolté (futur La Révolte), 1880 :
Notre action doit être la révolte permanente par la parole, par l’écrit, par le poignard, le fusil, la dynamite
1886 : massacre de Haymarket Square 340 000 travailleurs et travailleuses manifestent pour la journée de 8h le 1er mai. La police charge lors de la dispersion et assassine un manifestant. Le 4 mai, manifestation contre les violences policières (ou appel à l’insurrection armée pour d’autres ? on y reviendra). Une bombe explose (lancée par qui ?) puis affrontements armés entre policiers et manifestants.
1887 : Condamnation à mort par pendaison de Adolphe Fischer, Albert R. Parsons, George Engel, Louis Lingg, August Spies
1891 : affaire de Clichy
1892 : attentats de Ravachol qui s’est formé à la dynamite, nouvellement inventée par les frères Nobel (nitroglycérine stabilisée nécessitant un détonateur pour exploser), arrestation et condamnation à mort
nombreux attentats par Auguste Vaillant, Léon Léauthier, Amédée Pauwels, Émile Henry, au faubourg Saint-Jacques, faubourg Saint-Martin, rue de Vaugirard, Lyon, Angers, Loivre, Amiens, Marseille
La stratégie des attentats commence à être questionnée et remise en doute par Malatesta, Kropotkine, Reclus
sympathie des milieux artistiques :
- Richard Wagner
- Georges Seurat
- Gustave Courbet
- Octave Mirbeau
- Georges Darien
- Félix Fénéon
- Alfred Jarry
- Camille Pissarro
- Auguste Rodin
- Henrik Johan Ibsen
- Oscar Wilde
- Joseph Conrad
- Jack London
- Stéphane Mallarmé
1894 : assassinat de Sadi Carnot, lois scélérates, fichage des anarchistes
1898 : Conférence internationale pour la défense sociale contre les anarchistes, prémices d’Interpol
1880’s 1890’s 1900’s 1910’s nombreux assassinats, certains par des anarchistes
- 1881 : assassinat du tsar russe Alexandre II
- 1897 : assassinat de président d’Uruguay Juar Bautista Idiarte Borda
- assassinat président Salvador, d’Équateur
- 1897 : assassinat du président du Conseil Espagnol, Antonio Cánovas del Castillo par Michele Angiolillo
- 1898 : assassinat de l’impératrice d’Autriche Sissi par Luigi Lucheni
- 29 juillet 1900 : assassinat du roi d’Italie Humbert Ier par Gaetano Bresci
- 1908 : assassinat du roi portugais Charles Ier et de son fils le prince Louis-Philippe par Alfredo Luìs da Costa et Manuel Buíca
... - 1913 : assassinat du roi grec Georges Ier par Aléxandro Schinás
- 1914 : attentat de Sarajevo (archiduc, héritier de l’Empire austro-hongrois et de son épouse la duchesse Sophie Chotek) par Gavrilo Princip
Anarcho-syndicalisme
thèmes : passage de la propagande par le fait à l’anarcho-syndicalisme, un syndicalisme d’action directe et révolutionnaire, hors du jeu des partis et des urnes.
1895 : Confédération Générale du Travail (CGT) avec pour secrétaire adjoint de la section des fédérations l’anarchiste Émile Pouget
Les bourses du travail, promues par l’anarchiste Fernand Pelloutier sont des lieux de conférences, de débats, de spectacles et d’éducation populaire.
la connaissance du monde est un préalable à la volonté de le transformer
syndicalisme puissant dans le monde : Confederación Nacional del Trabajo (CNT) en Espagne, Federación Obrera Regional Argentina (FORA) en Argentine, Industrial Workers of the World (IWW) aux États-Unis
1906 : Catastrophe de Courrières (anecdote : la langue française s’est enrichie d’un mot nouveau d’origine picarde : rescapé). Le 1er mai, grève générale pour demander la journée de 8 heures qui n’est pas obtenu mais le syndicalisme obtient des victoires, comme l’obtention d’un jour de repos par semaine
Anarchisme individualiste
thème : après la tendance insurrectionnaliste et anarcho-syndicaliste, des critiques sont émises à l’encontre d’un syndicalisme de moins en moins révolutionnaire. Naissance d’un nouveau courant individualiste :
- philosophie de Max Stirner et Friedrich Nietzsche
- objection de conscience, communautés libertaires « en-dehors », prémices du néo-rural des 1970’s
- les nouvelles pédagogies
- à l’opposition à l’État et la Religion, on adjoint la critique de toute organisation collective hiérarchique qui ne serait pas une simple association libre entre individus
Les Temps Nouveaux (qui suit Le Révolté et La Révolte) traite par exemple de multiples formes de domination : colonisation, racisme et antisémitisme, justice, militarisme et impérialisme :
Un tract d’appel à une conférence en 1925 :
Joseph Albert Libertad participe à l’essor des « causeries populaires », sorte d’universités populaires mais en moins formel.
Exemples d’expériences de nouvelles communautés :
- premiers kibboutzs en 1909
- nouvelle colonie en Australie avec Mary Gilmore
- Colonia Cecilia au Brésil avec Giovanni Rossi
Exemples de pédagogies nouvelles :
- La Ruche de Sébastien Faure
- orphelinat Prévost à Cempuis de Paul Robin
- l’École Moderne de Francisco Ferrer
Non, nous ne craignons pas de le dire, nous voulons faire des hommes dont l’indépendance intellectuelle sera la force suprême, qui ne se soumettront jamais à rien, capables de discerner ce qui est bon, et qui aspireront à vivre mille vies en une seule. La société craint de tels hommes et il ne faut pas attendre d’elle qu’elle ne soutienne jamais une éducation capable de les produire.
1905 :
- révolution russe de 1905 et création des soviets qui sont des conseils d’ouvriers, de paysans et de soldats ainsi que des comités de grève
- grève générale insurrectionnelle en Allemagne, Italie, Royaume-Uni
- « vendredi rouge » en Hongrie
- révolte de Therissos en Crète
- révolution polonaise de 1905
- mouvement de masse en Inde sur le thème du swaraj (self-government)
- émeute de Hibiya et début de « l’ère de la violence populaire » au Japon
- mouvement dougouylang se propage dans les khanats khalkhas
- révolution constitutionnelle persane
1907 : congrès anarchiste international d’Amsterdam, organisation en fédération nationale, grève générale en cas de guerre entre les nations. En réponse, certains états, comme la France, fichent les antimilitaristes qui seraient arrêtés : carnet B.
1909 : Semaine tragique en Espagne avec une grève générale et une manifestation antimilitariste qui se transforme en émeutes puis, après l’instauration de la loi martiale, en affrontements avec l’armée. Francisco Ferrer est condamné et exécuté. Manifestation de soutien dans le monde, en particulier à Paris, où lors d’émeutes, les rues sont dépavées et les conduites de gaz, percées et incendiées.
Autres exemples de mouvements de solidarité internationale :
- suite à l’exécution de Shūsui Kōtoku en 1911
- suite à l’exécution de Nicola Sacco et Bartolomeo Vanzetti en 1927
Anarchisme illégaliste
Nouveau courant : illégalisme, banditisme révolutionnaire, expropriation, braquages :
- Buenaventura Durruti en Espagne
- Severino Di Giovanni en Argentine
- Nesthor Makhno en Ukraine
- Marius Jacob en France (qui inspire le personnage d’Arsène Lupin)
- bataille de Stepney en Angleterre
- bande à Bonnot en France
1914 : les appels à la désertion des anarchistes à la veille de la Première Guerre Mondiale échouent.
Même Kropotkine appelle à la mobilisation aux côtés de la France face au « militarisme prussien et impérialisme allemand »
Révolution mexicaine
1910/1911 : protagonistes de la révolution mexicaine
- Partido Liberal Mexicano (PLM) fondé par les anarchistes Ricardo et Enrique Flores Magón avec pour slogan « Tierra y Libertad ! », avec prémices de ce que seront plus tard les brigades internationales, première « armée anarchiste »
- Casa del Obrero Mundial (COM) pour « maison de l’ouvrier mondial », un syndicat anarchiste basé à Mexico
- Ejército Libertador del Surarmée (ELS) dont une figure marquante est Emiliano Zapata
Après des défaites du PLM face aux armées contre-révolutionnaires mexicaines et américaines, les espoirs se reposent plus sur l’ELS. Mais un fossé culturel entre les ouvriers des villes anarcho-syndicalistes du COM et les paysans des campagnes de l’ELS avec leurs rituels, signes religieux, ..., considérés avec condescendance comme des réactionnaires et des ploucs, va progressivement se transformer en opposition frontale jusqu’à ce que le COM crée les bataillons rouges et commettent des massacres de paysans qu’ils appellent « contre-révolutionnaires ». Zapata meurt dans une embuscade. Ricardo Flores Magone finit dans une prison américaine.
Révolution russe
février 1917 : renversement du régime tsariste de Russie pendant la révolution de février
octobre 1917 : les anarchistes et autres révolutionnaires socialistes s’associent aux bolcheviques pour prendre le pouvoir pendant la révolution d’octobre. Slogan anarchiste « Tout le pouvoir aux soviets ! » par Vladimir Illitch Oulianov « Lénine » qui n’est alors pas considéré comme un aspirant despote, il est antimilitariste et son Que faire ? est une référence au Que faire ? du révolutionnaire utopique Nikolaï Tchernychevski. C’est aussi le petit frère d’un propagandiste par le fait. Il critique l’État comme but dans L’État et la Révolution. Il est communiste au sens où il entend utiliser l’appareil étatique pour arriver à ses fins (le communisme) et les anarchistes ne se méfient pas trop de lui.
Exemples d’anarchistes ayant pris part à la révolution ou ayant exprimé de la sympathie pour la révolution :
- les marins libertaires de Krondstadt comme Efim Yartchouk, Anatoli Jelezniakov
- les propagandistes comme Piotr Archinov ou Voline, Lev Tcherny, Olga Taratuta, Fanny Baron, Aron Baron, Senya Fleshin
- Malatesta, Kropotkine, Emma Goldman
D’autres exemples en Ukraine :
- cartel Nabat à Kharkov
- Maria Nikiforova, Michka Yapontchik (Moïse-Jacob Volfovitch Vinnitski)
- Nesthor Makhno
L’efficacité de l’armée makhnovchtchina tient tête pendant plusieurs années face aux force contre-révolutionnaires : les austro-allemands, l’armée ukrainienne de Symon Petlioura, les armées blanches du général Anton Dénikine. Elle est alliée aux bolcheviques ukrainiens dont fait parti Pavlo Dybenko qu’on voit sur la photo suivante au coté de Makhno :
Au fur et à mesure, le régime de « communisme de guerre » et la bureaucratie bolchevique confisque le pouvoir aux soviets. Léon Trotski déclare vouloir :
débarrasser la Russie des anarchistes avec un balai de fer
1921 : mort de Kropotkine, funérailles nationales alors que beaucoup d’anarchistes sont emprisonnés et assassinés comme par exemple Lev Tcherny et Fanny Baron parmi d’autres dans les prisons de la police politique bolchévique Tchéka
puis anéantissement des deux derniers bastions anarchistes :
- Krondstadt, où les marins, anciennement « gloire et honneur de la révolution », « foyer le plus ardent de la révolution d’octobre », insurgés, sont bombardés par l’armée de Trotski (anecdote : pour les 50 ans de la Commune de Paris) malgré une tentative de médiation d’Emma Goldman
- les officiers de la Makhnovtchina sont pourchassés et fusillés, Makhno s’enfuit en Roumanie puis à Paris
Le mouvement anarchiste russe disparaît au goulag ou en exil et l’historiographie censure le rôle des anarchistes.
Exemples de la répression subie par les anarchistes dans d’autres pays :
- les meneurs libertaires des conseils de Bavière comme Erich Mühsam, Ernst Toller, Ret Marut sont pourchassés ou battu à mort comme Gustav Landauer
- le roi bulgare Boris III fait assassiner l’anarchiste Georges Chéïtanov à la suite de l’insurrection du 23 septembre 1923
- la « semaine tragique » en Argentine contre les grévistes de la FORA
- le massacre des bananeraies en Colombie contre les grévistes de l’United Fruit Company
- répression contre le mouvement de jeunes du 4 mai 1919 en Chine, inspiré par le nouveau mouvement culturel dans lequel certains anarchistes comme Liu Shifu ont contribué
- Sakae Ôsugi et Itō Noe et leur enfant de 6 ans sont battus et assassinés au Japon
- condamnation des anarchistes Sacco et Vanzetti dans un procès bidon, malgré le soutien mondial, même hypocrite et opportuniste des communistes soviétiques et prosoviétiques (l’Humanité), attentat à la voiture piégée de Wall Street, exécution en 1927
Beaucoup d’anarchistes sont en diaspora : hors des États-unis, hors de Russie, hors d’Italie, beaucoup vont en France pendant les années folles. Ils bénéficient aussi de la sympathie des milieux artistiques :
- Marcel Duchamp
- André Breton
- Orson Welles
- Aldous Huxley
- Léo Malet
- Jean Dubuffet
- Jean Vigo
- Jean Cocteau
La culture militaire de l’époque freine le développement de l’anarchie, c’est au contraire les structures hiérarchiques qui sortent gagnantes : le bolchévisme et le marxisme-léninisme s’empare des structures (bourses du travail), des syndicats (CGT) et des symboles des anarchistes (Internationale).
Quant au fascisme, aboutissement de la violence organisée et ordonnée, il rassure la bourgeoisie, qui parfois s’empare aussi des symboles de l’anarchie (exemple : le Cercle Proudhon avec l’Action Française de Charles Maurras)
Antifascisme
Exemples de réponses anarchistes à la menace fasciste :
- tentative d’assassinat de Mussolini par Michele Schirru, Angelo Pellegrino Sbardellotto et Anteo Zamboni
- tentative d’assassinat de Miguel Primo de Rivera en Espagne
- assassinat par Germaine Berton de Marius Plateau, le rédacteur en chef de l’Action Française
- les membres de l’IWW affrontent les milices racistes du Klu Klux Klan
- incendie du Reichstag par Marinus van der Lubbe
idée : l’antifascisme se démarque de l’anarchisme à une époque où la lutte contre le fascisme deviendrait la priorité par rapport à la révolution sociale
Plateformisme et organisation
idée : l’expérience des échecs passés amène naturellement à la question de l’organisation
1926 : Piotr Archinov rédige avec Nestor Makhno, désormais ouvrier chez Renault à Billancourt, Ida Mett, Valesvsky et Linsky, Plate-forme organisationnelle de l’union générale des anarchistes ce qui lance le courant plateformiste qui divise les anarchistes
1927 : rencontre de l’Haÿ-les-roses. Participation du romancier Ba Jin. Durruti rencontre Makhno et lui décrit la situation spécifique espagnole : un anarchisme majoritaire parmi les courants socialistes et bénéficiant d’une très large assise populaire, solidement organisé dans la fédération espagnole de l’internationale ouvrière et via la CNT.
Révolution espagnole
1936 : les anarchistes appellent à voter, contrairement à leurs habitudes, pour le Front Populaire (avec les socialistes, républicains démocrates et les communistes minoritaires) qui gagne mais Franco prend le pouvoir lors d’un putsch militaire, le gouvernement du Front Populaire démissionne et c’est le début de la guerre civile.
A las barricadas par Valeriano Orobon devient l’hymne de la révolution. La colonne Durruti de combattants anarchistes, la colonne « rouge et noire » et d’autres bataillons marchent sur Saragosse, puis l’Aragon et font reculer le fascisme. Comme au temps de l’Ukraine libertaire, chaque ville libérée devient une commune dans laquelle est expérimenté le communisme libertaire (expropriation, collectivisation, abolition de l’argent).
Henri Ford et Mussolini envoie du matériel aux fascistes, massacre de Badajoz, massacre de Séville, bombardement de Guernica par la légion de volontaires nazis Condor, répression nationaliste, « nettoyage idéologique », de nombreux massacres sont commis.
Exemples de brigades internationalistes :
- brigade Abraham Lincoln (IWW)
- bataillon Malatesta
- bataillon Louise Michel
Exemples d’engagés connus :
- belge Louis Mercier-Vega
- algérien Mohamed Sail
- français Simone Weil, Sebastien Faure, Marius Jacob
- russe Georges Sossenko, Emma Goldman
- argentin Diego Abad de Santillán
- anglais Georges Orwell
Pour la première fois de l’histoire, on peut filmer en direct une ville insurgée comme dans les films de Félix Marquet pour la CNT, ce qui permet de diffuser, dans le monde, la réalité du socialisme libertaire en Catalogne où 75% des entreprises sont autogérées (tramway, taxi, bus, hôtels, restaurants, boulangeries, pêche, métiers de bouche, ateliers textile, industrie du cuir et des chaussures...)
1936 : 4 « libertaires » accèdent à des postes de ministre dans le nouveau gouvernement d’union pour empêcher le gouvernement de prendre des mesures antianarchistes et pour obtenir des armes pour les milices. Leur trahison du mouvement anarchiste se concrétise lorsqu’ils votent des mesures confisquant le pouvoir et l’autonomie des milices anarchistes. Le 20 novembre, Durruti meurt (à priori accidentellement).
mai 1937 : bataille de la Telefonica de Barcelone, les libertaires se battent aux côtés du POUM (organisation marxiste antistalinienne) contre les staliniens et les républicains lors des journées de mai 1937
Les fascistes accèdent à Barcelone
1937/1938 : les mesures contre-révolutionnaires républicaines et staliniennes déconstruisent systématiquement toute l’autonomie acquise par les comités locaux auparavant, interdisent les critiques contre le régime soviétique, annulent les mesures de collectivisation et réintègrent les grands propriétaires capitalistes
1939 : la révolution est vaincue, les anarchistes sont fusillés ou fuient, notamment en France
À la veille de la seconde guerre mondiale, l’exacerbation des sentiments nationalistes est à son comble. Édouard Daladier réimpose la semaine de 48h, signe les accords de Munich (annexion de la Tchécoslovaquie par le régime nazi pour régler la crise des Sudètes) et désigne comme premier ambassadeur auprès de Franco, Philippe Pétain
La contre-révolution est partout : chez les fascistes, dans les Républiques socialistes et dans les démocraties libérales (Massacre du Memorial Day en 1937).
De nombreux anarchistes seront traqués et déportés, par exemple au camp du Vernet d’Ariège ou bien le camp d’Oranienbourg.
Les deux épisodes à venir
Trancrède Ramonet prévoit donc de traiter, entre autres :
- Printemps de Prague
- Murray Bookchin
- Diggers de San Francisco
- Summer of love
- mouvement Provo
- Mai 68
- Angry Brigades
- Mouvement du 2 juin
- Action Directe
- Weather Underground
- mouvement punk
- EZLN
- Seattle et Black bloc
- Indignés
- Rojava
- ZAD NDDL
Sans présager du contenu exact de ces épisodes, on pourra noter des thèmes parfois plus tournés du côté de la culture et la contre-culture que de l’anarchie. On pourra comparer aussi aux exemples (uniquement en France) d’autonomie des luttes choisis dans le documentaire de Philippe Roizès, Ici et Maintenant, LCP, 2013
qui traitait grosso modo :
- décembre 1967 comités d’action lycéen
- mouvement du 22 mars
- mai 68, situationnisme
- université de Vincennes
- mouvement de libération des femmes
- front homosexuel action révolutionnaire
- entrisme des milieux trotskistes
- squat de la rue des caves
- mouvement des travailleurs arabes
- LCR électoralisme, dissolution de la GP
- Camarades, Marge, Organisation Communiste Libertaire
- limite des débordements de manifestations
- action directe
- logement, squats du 19e, du 20e
- comité des mal logés
- revenu minimum d’insertion
- Coordination des Intermittents et des Précaires - IDF
- occupations, pillages
- AG de Jussieu
- Mouvement de l’Immigration et des Banlieues
- Des lascars du Lycée d’Enseignement Professionnel s’expriment
- émeutes de 2005 (quelques secondes)
- CPE
- contradiction travailleurs / autonomes fuyant le travail
- tiqqun appel Tarnac comité invisible
- tanneries de Dijon / potager des lentillères
- ZAD NDDL
Une critique (mineure) sur les génériques de début et de fin
Lors du générique de début du premier épisode, on a les images d’une manifestation de type black bloc, sur fond de musique d’un mauvais polar et une voix nous sort ce texte inquiétant :
Quelque nuit, dans quelque rue ou quelque ville, un groupe s’est formé presque spontanément
Vêtu de noir, casqué, masqué, le cortège avance comme au hasard sans rencontrer de réelle résistance.
Des drapeaux, des slogans, des regards, une caméra tenue par l’un des leurs, saisit chaque détail.
Soudain des barres de fer jaillissent. Et ce jeune qui casse une vitrine, cette jeune femme qu’on entend crier et lui qui va bientôt graffer « Fuck the system » sur un mur (...)
Le tout fait vraiment grotesque.
Quant au générique de fin, on a le droit à une « super » chanson du groupe ACHAB :
Car notre sang bleu est noir
Notre drapeau rouge et noir
Notre étoile jaune et noire
Notre vie en rose et noire
Block
Block
Block
Et on fait block
On nage dans l’esthétique toute pétée et les niaiseries du pire concert punk-antifa possible et imaginable.
Une critique sur le fond et sur la forme
Sur la forme, le rapport au présent, la « muséification » de l’anarchie et de la révolution :
https://lesfleursarctiques.noblogs.org/?p=548
historiographie stalinienne à la française opérant ainsi la liquidation de ce qu’il peut en rester de subversif
piocher des figures quasi-mythologiques pour consolider une construction idéologique qui ne fait rien d’autre que valider le présent
cette époque qui voudrait faire de la révolution un souvenir du passé
Sur le fond, une critique insurrectionnaliste de l’innocentisme :
https://lesfleursarctiques.noblogs.org/?p=1049
en réécrivant une légende faite de héros et de martyrs, dans laquelle les épisodes de révoltes ou d’insurrections ne sont qu’une réponse « proportionnée » donc « excusable » aux attaques de l’État et du capital qu’il faut comprendre au nom de ce que l’anarchisme a pu apporter de « constructif » pour ce monde. Dans cette réinterprétation lénifiante, ceux qui ont pu réellement vouloir le détruire, ce monde, ne sont plus que des fous dangereux, auquel on réserve une larme romantique et un peu de fantasme.
par exemple avec l’épisode de Haymarket Square :
https://lesfleursarctiques.noblogs.org/?p=691
les dits « martyrs » de Haymarket, étaient en fait, comme beaucoup d’autres insurgés de ces temps agités, de simples anarchistes et révolutionnaires, ni innocents ni coupables, ni héros ni martyrs, qui ce jour-là, avaient pris la décision courageuse d’une tentative insurrectionnelle armée à Chicago
préférence d’une version victimaire et édulcorée d’un épisode qui devrait plutôt inspirer la fierté que la réécriture innocentiste et légitimiste
L’auteur de ces notes n’a pas assisté aux différents débats évoqués dans les articles de blog ci-dessus.
Autres critiques
Pour des retours critiques sur les documentaires ou sur ces quelques notes, que vous souhaitiez apporter des corrections ou que vous ayez envie de crier haut et fort que ce n’est que de la merde en barre, vous pouvez m’écrire par mail, ou mieux, publier (sur paris-luttes et ailleurs) vos propres (contre-)histoires de l’anarchisme.
nidieunimaitrenimari@protonmail.com