Le racisme et l’hystérie anti-immigrés ont encore frappé.
Entre 3h et 4h du matin, un incendie a éclaté au rez-de-chaussée d’un des bâtiments du foyer Coallia, rue Nationale à Boulogne, un incendie criminel, visant à tuer.
En effet, les résidents qui tentaient de fuir dans la rue ont trouvé la porte d’entrée verrouillée. Une personne qui a sauté par la fenêtre est morte, une autre est blessée grièvement dans le coma et une quinzaine d’autres plus légèrement. Le traumatisme est énorme, la colère aussi.
Les portes des logements qui ne s’ouvraient pas ont toutes été cassées par les pompiers, certaines chambres sont inutilisables.
Dans la même nuit, à minuit, les résidents du foyer Masséna dans le 13e arrondissement de Paris, avec l’aide des pompiers arrivés très vite, ont stoppé un départ de feu au 6e étage alors que la porte de secours avait été bloquée pour laisser le feu et les fumées se propager
Dans le contexte mondial et européen actuel, les fascistes et racistes relèvent la tête. Rien de plus facile pour les criminels parmi eux d’aller s’en prendre à des travailleurs, pour la plupart en France depuis longtemps, qui travaillent sur des postes difficiles dans le bâtiment, l’industrie, le nettoyage, la voirie, la sécurité, la restauration et font vivre ces secteurs.
Comme au foyer Marc Seguin, Paris 18e, victime en décembre 2015 d’une rafle policière, effectuée à la demande du gestionnaire Adoma, on entendait les responsables de la police propager des fausses rumeurs laissant toujours entendre que « c’est la faute des résidents », également un leitmotiv chez les gestionnaires. À Boulogne les premiers communiqués de la préfecture expliquaient l’incendie par « un règlement de comptes ».
POUR NOUS, il s’agit d’un acte criminel
dirigé contre des travailleurs et contre leur foyer. C’est un acte anti-immigrés INTOLÉRABLE !
Et pourquoi le foyer de Boulogne ? Le contexte dans lequel vit ce foyer explique beaucoup.
Ce foyer a ouvert en 1974 pour plus de 300 travailleurs, beaucoup originaires du Sénégal. Les chambres sont individuelles mais il y a encore des chambres à 3 lits (plus de 600 € mensuels la chambre !). C’est pourquoi les résidents sont très attachés à leurs espaces collectifs et comment ne pas l’être quand vous « vivez » plusieurs décennies à trois dans 16 m² ! Aussi ont-ils, avec l’accord du gestionnaire de l’époque (et avec une très grande tolérance des pouvoirs publics), aménagé et fait fonctionner un bar, une cuisine collective ouverte à la vente de plats individuels bon marché (taxé de restaurant clandestin par le maire en 2016 qui n’a pas dû rendre souvent visite à ses administrés !), une cuisine pour le repas du soir de groupes familiaux. Des salles ont été prévues en nombre pour les réunions, la prière et les diverses formations en langue ou en informatique. Tous les résidents sont membres d’associations œuvrant pour le développement de leurs régions d’origine. Ils initient et prennent en charge financièrement des écoles, des dispensaires et maternités, des forages, des barrages et des adductions d’eau, des jardins maraîchers etc. etc. par milliers. Une grosse association qui se réunit au foyer a obtenu un soutien du Conseil général du 92. De nombreux jumelages avec des Villes de France existent. Aussi ne faut-il pas s’étonner que le week-end, le planning des salles de réunions est complet et que la cuisine collective et le bar sont surchargés.
Les résidents ont de nombreuses revendications : travaux d’entretien très insuffisants ; pas de sécurisation des portes d’entrée (jamais fermées la nuit) ; légalisation de la cuisine, réhabilitation du foyer en gardant le droit à leur vie collective et solidaire et en obtenant le droit à la vie privée.
La réponse de la nouvelle direction de Coallia a été la répression, la fermeture de la cuisine, les brimades et manœuvres du gérant…
Après des négociations devant amener à une rénovation de la cuisine collective du foyer, les forces de police et le personnel de Coallia sont intervenus brutalement le 24 mai 2016 pour fermer la cuisine et placer les cuisinières en garde à vue. Les résidents se sont mis en grève de loyers et ont réclamé la réouverture de leur cuisine et le départ du gérant.
Ils ont organisé des rassemblements au mois de mai devant le siège de Coallia et à la fin du mois de septembre devant la mairie de Boulogne. Le maire de Boulogne n’a pas daigné les recevoir.
Le 19 octobre, le maire de Boulogne en compagnie du DG de Coallia et du sous-préfet ont été vus en train de visiter le foyer sans qu’aucune discussion ait eu lieu ou aucun avertissement donné aux délégués élus des résidents du foyer.
MAIS, le quartier autour du foyer se transforme...
Tant que la zone était un vaste quartier industriel autour de l’usine Renault, personne ne critiquait un logement collectif où s’entassaient des travailleurs immigrés sans se soucier de leur qualité de vie.
Mais Renault a disparu et le quartier se métamorphose avec des immeubles de standing pour familles riches. Le foyer fait tache et sa présence devient un « problème ».
Malgré de nombreuses lettres et démarches, Coallia association gestionnaire, et la Mairie n’ont jamais voulu ouvrir des négociations pour qu’une entente sur l’avenir du foyer et de la cuisine collective soit trouvée avec les résidents.
Cette ambiance de blocage et de désinvolture des autorités a certainement contribué à la montée des tensions autour du foyer.
Des voisins de fraîche date se plaignent des premiers habitants et les plus racistes et réactionnaires souhaitent ouvertement la disparition du foyer.
AUJOURD’HUI le maire de Boulogne demande sa fermeture.
C’est ainsi qu’il montre clairement que ce qui est en jeu pour lui, c’est de chasser les travailleurs immigrés du quartier. Il a sans doute aussi le projet de ne pas les reloger.
Nous soussignés exigeons :
- l’hébergement dans des conditions dignes de tous les résidents qui ne peuvent pas réintégrer leurs chambres avec leur sécurité garantie, Une intervention claire de Coallia montrant un vrai respect et une vraie empathie avec les résidents logés dans ce foyer depuis 40 ans.
- l’ouverture et la poursuite diligente d’une enquête pour trouver le ou les coupables de l’incendie.
- le changement de cap du gestionnaire et de la Mairie pour que des négociations respectueuses puissent s’engager avec le comité de résidents sur l’avenir du foyer, la réouverture d’une cuisine collective et sur la bonne intégration du foyer dans son quartier.
- une politique de logement des travailleurs vivant loin de leur famille respectueuse de leurs demandes, à savoir le droit à garder un mode de vie collectif et solidaire ; le droit ENTIER à la vie privée ; les droits et garanties des locataires ; de vraies compétences pour les comités de résidents. En clair, des résidences « sociales » spécifiques pour travailleurs vivant loin de leur famille conçues avec eux et pour eux.
Dans un climat politique où certains trouvent leur intérêt à appuyer la création d’une hystérie anti-immigrés et anti-réfugiés, les foyers et résidences sociales des travailleurs deviennent des cibles potentielles qu’il faut protéger.
Il faut que toute la lumière soit faite sur cet incendie, y compris sur les raisons qui amènent des criminels à cibler ce foyer.
Nous envoyons nos sincères condoléances à la famille de M. Oussi Traoré.
Nous appelons toutes les personnes et forces démocratiques et anti-racistes à soutenir les résidents et le comité de résidents de ce foyer.
Nous appelons les habitants de Boulogne à soutenir les résidents du foyer et à refuser cette complicité entre le maire et Coallia en vue de les chasser du quartier.
COPAF, DAL, Droits devant !!, divers soutiens…