Ces derniers temps, je ne sais pas trop ce qui est le plus compliqué : réussir à rejoindre la manif sans intrusion policière dans nos sacs et nos vêtements, ou réussir à manifester activement sans dommages policiers...
Manifester est toujours une « aventure », un « engagement », mais là on arrive à un stade de contrôle et de répression assez hallucinant.
Ce mardi 28 juin encore, des dizaines de personnes ont été arrêtées avant la manif, juste avant la place de la Bastille, pour avoir été en possession d’un k-way de la mauvaise couleur, d’un masque de protection ou d’autres choses basiques et utiles du genre...
Au moins cinq autres personnes ont carrément été arrêtées chez elles au petit matin, placées dans la foulée en garde à vue.
Tout le quartier autour de la place de la Bastille était donc en véritable état de siège : des flics anti-émeute à tous les coins de rue, des grilles de police tout autour de la place, il fallait vraiment filouter pour réussir à passer sans encombres. Ce qu’un paquet de gens ont réussi à faire, mais manifestement beaucoup moins que d’habitude... L’état de siège s’étend jusqu’à la place d’Italie, ça grouille de flics anti-émeute et de matos répressif entre Bastille et Place d’Italie (entre ces deux stations, toutes sont fermées sur la ligne 5). Les bancs et vitres des abribus sont retirés, tous les panneaux de pub sont protégés par des planches de bois (ainsi que de nombreux commerces), et toutes les rues adjacentes sont remplies de flics anti-émeute et parfois de grilles de protection. Cette fois non plus, on ne changera pas le trajet de la manif officielle pour partir en manif sauvage...
Pratiquement rien à signaler dans la première partie de la manif, dans le XIIe, à part quelques traces de la manif du 23 juin (des tags, principalement). Le cortège de tête est très fourni, derrière des banderoles « Tout le monde déteste le travail et sa police » et « Kill capitalism », plusieurs milliers de personnes, une ambiance beaucoup moins offensive que d’habitude, moins « black bloc », mais toujours aussi diverse. Ça fait quand même plaisir de voir qu’on est plein à ne pas lâcher l’affaire !
Ça commence à s’échauffer un peu sur le pont d’Austerlitz, où de premiers tags sont inscrits. À la sortie du pont, des panneaux de pub (protégés par des planches de bois) sont attaqués. Des premières charges de CRS (ou de gardes mobiles) ont lieu.
Les flics sont hyper nombreux (au moins 2 500 selon la préf’) et se mettent progressivement en place sur les côtés pour canaliser le cortège de tête. Et vu l’ambiance moins offensive du cortège, ça marche en grande partie. D’autres affrontements éclatent sporadiquement au fil du parcours, les flics se prennent des projectiles (notamment quelques gros pétards et bombinettes artisanales), mais malgré le libre-service d’un container à verre, les caillassages restent assez légers, et les ripostes des flics la plupart du temps immédiates : trois-quatre grenades de désencerclement par ici, de la lacrymo par là, des charges à répétition, etc.
Les flics ont d’ailleurs réussi à couper le cortège de tête à un moment donné (on n’était alors plus que quelques centaines, isolées à l’avant). Heureusement ça n’a pas trop duré et tout s’est recollé assez rapidement.
Malgré la présence policière oppressante, plusieurs tags ont été inscrits au long du parcours de la manif (par exemple « Ni loi ni travail Nirvana », « Ni loi ni travail, de la révolte en pagaille », « Révolte permanente », « Tout le monde déteste le PS » et sur des toilettes publiques : « Nous chions sur vos lois » et « Aux chiottes les politiciens et leurs flics »). Peut-être bien qu’une banque a eu ses vitres pétées aussi... Dans tous les cas, même si après la mauvaise blague de la manif du 23 juin on était contents de retrouver un peu l’esprit offensif du cortège de tête, c’était quand même pas la folie non plus.
L’arrivée à place d’Italie a été plutôt calme, ce qui était plutôt malin vu le dispositif policier... Pour les chiffres, cette fois on était 55 000 personnes selon les syndicats, 15 000 selon les flics (la préf’ a toujours autant de mal à compter correctement...). Selon les médias mainstream, il y a eu une quarantaine d’arrestations, dont la grande majorité avant la manif.
Pendant ce temps-là, comme l’indique un article du Monde, « après plus de quatre mois de contestation, le projet de loi poursuit son cheminement parlementaire, et le texte, profondément remanié par l’opposition, a été adopté ce mardi même par un Sénat à majorité de droite »... Toujours dans Le Monde, il est écrit que « parmi les dispositions les plus emblématiques approuvées au palais du Luxembourg, il y a l’abrogation pure et simple des 35 heures. » Rien que ça... La démocratie continue son bonhomme de chemin.
Côté CGT & co, ça parle déjà d’une nouvelle journée d’action pour le mardi 5 juillet prochain. Allez !
La loi Travail, qu’elle passe ou non, on continuera de vivre dans un monde de merde (certes encore plus pourri avec la loi Travail que sans). J’espère vraiment que les choses seront claires pour un maximum de monde et pour longtemps : le PS, c’est pas des camarades, c’est pas des gens à qui on peut faire confiance. Et ça ne l’a jamais été. Dans ce mouvement, dans ces cortèges autonomes de tête, le sentiment qu’il est préférable de vivre dans la révolte plutôt dans la soumission est fort. Que ce sentiment s’étende ! Qu’il se transforme en conviction, qu’il grandisse dans des perspectives révolutionnaires ! Sans chef, sans bureaucratie, sans hiérarchie, dans l’entraide et la détermination.