Que crève ton pouvoir

On vous espionnne. C’est pas de la paranoïa, c’est clairement expliqué dans un article du Monde de 2013. Bien entendu, c’est illégal. Sauf si vous êtes soupçonné d’être un terroriste, un mafieux ou un espion. C’est un texte de 2013 qui encadre cet espionnage légal : la loi de programmation militaire. Lorsque l’espionnage est illégal, il n’a aucune valeur juridique : les informations collectées ne peuvent pas être utilisées devant un tribunal.

Donc, l’État français espionne à peu près tout le monde, illégalement. Il est temps que ça change : il faut légaliser ces pratiques, pas question de les arrêter. On ne va plus se limiter aux terroristes, aux mafieux et aux espions.

Le projet de loi sur le renseignement vise ainsi à légaliser la collecte massive de renseignements. L’état pourra surveiller, entre autres, tous ceux qui pourraient porter atteinte à la paix publique, et tout leur entourage. De plus, des boites noires seront installées dans les réseaux informatiques pour détecter les menaces terroristes avec un algorithme.

Oui, les algorithmes pour détecter les menaces terroristes, ça existe. D’ailleurs, c’est du « made in France ». Les entreprises Amesys et Qosmos sont mondialement reconnues pour leur expertise. Elles ont vendu du matos à la Lybie (de Kadhafi), au régime syrien et au royaume du Maroc pour qu’ils espionnent leurs citoyens. Donc on va être espionné par les joujoux d’entreprises qui sont la cible des juges d’instruction du pôle crimes contre l’humanité du parquet de Paris.

Le texte légalise également l’usage des imsi-catchers, des dispositifs qui peuvent tenir dans une valise. Ils captent dans un rayon donné, toutes les conversations et les échanges des téléphones portables. Suspects, journalistes, syndicalistes pourraient être espionnés. Tous les renseignements ainsi collectés seraient centralisés dans les services du premier ministre. Mais les imsi-catchers ne gardent pas la mémoire des recherches effectuées : il sera possible d’être écouté sans qu’il en soit référé à quiconque ! (Le Canard enchaîné, 08/04/15)

Si vous êtes sensibles à ces questions, vous chiffrez peut-être vos communications. Le projet de loi prévoit que tous les fournisseurs de services chiffrés communiquent aux renseignement les clés de déchiffrement, sans délai.

Malgré les protestations d’associations de défense des libertés, de magistrats, du Net et même de la CNCIS [1], le texte a été renforcé en commission des lois, avec pas moins de 161 amendements passant outre l’avis du Conseil d’État  [2] !

Le texte, qui porte une atteinte grave aux libertés fondamentales, va être discuté en urgence à l’assemblée. Faudrait pas qu’un débat constructif ait lieu. On ne va pas remettre en question l’État sécuritaire qui s’installe, l’État d’urgence permanent qui accompagne le plan vigipirate et les lois d’exception qui s’accumulent.

Sur les murs il y a des slogans qui se peignent, que crève ton pouvoir et que pourrisse ton règne.

Notes

[1La commission qui vérifie la légalité des écoutes.

[2« Je ne comprenais rien, techniquement, aux enjeux de l’amendement, j’ai fait confiance », déclaration d’une députée socialiste, après son vote pour un amendement.

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