Pour des perspectives libertaires à la lutte palestinienne

Texte pour faire de plus en plus de lieux d’auto-organisation en soutien au peuple palestinien et pour se constituer en « AG » autonome et anarchiste sur la question de l’auto-détermination.

Auto-détermination et insurrection

« Nous ne voulons pas « attendre que les masses deviennent anarchistes » pour faire la révolution ; d’autant plus que nous sommes convaincus qu’elles ne le deviendront jamais si on n’abat pas d’abord par la violence les institutions qui les maintiennent en esclavage. Et comme nous avons besoin du concours des masses pour constituer une force matérielle suffisante et pour atteindre notre but spécifique qui est le changement radical de l’organisme social grâce à l’action directe des masses, nous devons nous rapprocher d’elles, les prendre comme elles sont et, en tant que partie des masses, les faire aller le plus loin possible. Si bien sûr, nous voulons vraiment travailler à réaliser en pratique nos idéaux, et non pas nous contenter de prêcher dans le désert pour la simple satisfaction de notre orgueil intellectuel. »
Errico Malatesta

Ce texte est rédigé par un groupe informel d’anarchistes, ne prêtant leur allégeance à aucune organisation. Nous voyons dans la situation actuelle, un besoin nécessaire de s’organiser et d’attaquer le colonialisme sous toutes ses formes en ne perdant jamais de vue l’idéal révolutionnaire.

Bien évidemment, nous, militant.e.s anarchistes, nous espérons, attendons et militons tout.e.s pour que la Révolution Sociale Libertaire tant espérée voit le jour. Pourtant, dans l’état actuel des choses (un constat pas uniquement contemporain), si une révolution devait avoir lieu, elle risquerait de ne pas cocher tous nos critères. Pour autant, devons-nous rester les bras croisés, stationnaires, regardant de haut les mouvements de luttes et d’émancipations ?
Nous sommes un certain nombre à penser que non et que nous devons au contraire investir ces luttes et appeler à toujours plus de liberté. Dans cette perspective révolutionnaire, il nous paraît alors de bon ton de ne pas nous impliquer uniquement dans les luttes parfaitement « anarchistes » mais d’embrasser toutes les causes qui permettraient aux individu.e.s d’obtenir un peu plus de liberté. En Algérie une autre révolution s’est dessinée à travers une courte période allant de 1963 à 1965, après l’indépendance. C’est plus d’une centaine d’usines (anciennement gérées par des colons français) qui sont réquisitionnées par des ouvriers algériens et qui sont autogérées. Plus récemment en 2012, dans la région de Barbacha une commune libre voit le jour en réponse à l’abandon d’infrastructures et d’aide de la part de l’État, et les habitant.e.s décident de s’auto-organiser face à la précarité. Les 27000 habitant.e.s de ces 34 villages s’auto-organisent à travers l’Assemblée Générale Ouverte de la population d’Iberbacen (AGO) mise en place dans un bâtiment qu’iels occupent collectivement. Il existe de multiples exemples à travers le monde qui montrent que l’auto-détermination peut être une étape nécessaire pour permettre ce genre d’expérience.
Voir les mouvements de libération et décoloniaux comme nécessairement nationalistes et réactionnaires semble être une impasse. Ces mouvements, d’après la chercheuse et universitaire Sophie Baby, s’inscrivent dans une double filiation. « D’un côté, ils placent au cœur de leur projet politique la nation, entendue comme communauté ethnique, linguistique et culturelle, dont ils réclament le droit à exister de façon autonome. De l’autre, ils s’inscrivent dans le mouvement contestataire de la gauche radicale, empruntant au marxisme-léninisme son projet révolutionnaire et social. » De cette façon, nous pensons que ces mouvements peuvent transporter dans leur sillage les velléités anarchistes. En témoigne la trajectoire de l’EZNL et du Chiapas. Même si cette trajectoire ne va pas de soi, ce n’est pas en jugeant ces mouvements d’un ton paternaliste que ça changera les choses.

Ne serait-ce donc pas une forme de lutte dans laquelle nous pouvons espérer que les individu.e.s se rendent compte de leur propre capacité à exiger toujours plus de liberté ? C’est pour cette raison qu’il nous semble que la lutte palestinienne, les luttes décoloniales et pour l’auto-détermination ont le potentiel de devenir autre chose : un moment révolutionnaire.

Et maintenant ?

Depuis le 7 octobre, un large mouvement de solidarité avec le peuple palestinien s’est lancé à travers le monde. S’il est certes enthousiasmant de voir des grandes manifestations, il est important de remettre en question cette pratique. La « solidarité » ne suffit plus, il est temps de passer au cran supérieur.
D’ailleurs les manifestations à Paris sont de plus en plus routinières et très encadrées par les organisations politiques et syndicales. Les fameux porte-paroles autoproclamés de la « résistance palestinienne » empêchent une colère légitime et radicale de s’exprimer. Nous refusons de nous ranger derrière les mots d’ordre de partis et de politicien.ne.s !
Plusieurs exemples cependant montrent qu’une routine peut se briser avec un peu de détermination comme la banderole déployée devant le salon de l’armement Milipol à Villepinte ou les blocages des lycées. L’AG Internationalist United regroupant certains collectifs anti-autoritaires semble être un exemple intéressant d’espace d’auto-organisation mais ne nous mentons pas : il va falloir multiplier ce genre d’espaces dans la ville et devenir…ingouvernables.
La France est un État colonial qui est un des premiers vendeurs d’armes au monde et un grand soutien à L’État d’Israël… La meilleure solidarité avec le peuple palestinien serait donc l’insurrection ?

Bingo !

En tant qu’anarchistes, nous luttons aussi contre l’enfermement de militants politiques palestiniens ou simples individu.e.s. Les retours sur ce qui se passe dans les prisons coloniales sont ignobles et les témoignages parlant de torture, agression, humiliation…renforcent notre positionnement anti-carcéral. La prison tue et ne représente que le vieux monde capitaliste et néo-colonialiste que nous voulons détruire.

De cette façon, nous vous invitons le 17 décembre à partir de 14H à la bibliothèque La Rue (10 rue Robert Planquette 75018 Paris) pour que ce texte soit une raison de nous retrouver, échanger et proposer collectivement des perspectives libertaires à la lutte palestinienne.

À lire également...