« Liberté » d’avorter : une avancée en demie teinte ?

C’est la grande mise en scène présidentielle de ce début du mois de mars. Réunis en Congrès au château de Versailles, les parlementaires français ont validé à 780 voix pour contre 72 une révision constitutionnelle visant à protéger la « liberté » d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse. Article de Contre-attaque

C’est la grande mise en scène présidentielle de ce début du mois de mars. Réunis en Congrès au château de Versailles, les parlementaires français ont validé à 780 voix pour contre 72 une révision constitutionnelle visant à protéger la « liberté » d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse.

Suite à cela, l’intégralité des médias a salué un acte « historique » et même un vote « inédit », alors que la France n’est pourtant pas la première à inscrire l’IVG dans sa Constitution, et que les macronistes s’opposaient encore fermement à cette avancée ces dernières années. Mais ce coup publicitaire masque mal l’usage des mots, et les mots sont importants.

C’est bien la « liberté » d’avorter qui figure désormais dans la Constitution, et pas le « droit » à l’IVG. C’est extrêmement différent.

Un droit est un acquis, une prérogative inaliénable dont peut se prévaloir une personne, alors qu’une « liberté » veut juste dire que ce n’est pas interdit, sans pour autant être garanti.

Ça ne vous paraît pas clair ? Alors voici quelques exemples simples. Le « droit au logement », signifie en principe que tout le monde DOIT avoir accès à un logement, et que c’est à l’État de garantir ce droit. La « liberté de se loger » veut simplement dire qu’il n’est pas interdit de se loger, mais que ce n’est pas garanti non plus. Quand les loyers explosent, que l’immobilier est hors de prix, alors des millions de personnes peuvent être à la rue sans que cela ne gêne la « liberté de logement ».

Un autre exemple : on pourrait aussi inscrire la « liberté des soins » dans la Constitution. Sauf que si tous les hôpitaux publics ferment, que les médicaments deviennent payants, que la santé est privatisée, l’accès au soin restera « libre », mais ce ne sera pas un droit pour autant : seuls ceux qui ont les moyens pourront se soigner.

Aux USA, la santé n’est pas un droit : si vous n’avez pas plusieurs centaines de milliers de dollars pour payer un chimiothérapie, alors vous mourrez du cancer sans pouvoir avoir de traitement. En France, nous avons heureusement la Sécurité Sociale, mais le délabrement est tel qu’on est « libres » de se rendre dans des services d’urgences surchargés et de mourir en attendant dans un couloir. Si c’est un droit, alors il faut mettre les moyens.

Dans le domaine éducatif, l’État français prétend garantir le « droit à l’éducation ». C’est-à-dire que tous les enfants doivent avoir accès à une éducation libre et gratuite quelle que soit leur condition. S’il s’agissait simplement d’une « liberté de s’éduquer », alors les enfants pauvres iraient travailler comme il y a un siècle, pendant que ceux des riches iraient à l’école.

Ainsi, on peut proclamer la « liberté de l’IVG » dans la Constitution, si les plannings familiaux ferment, si les médecins pratiquant les IVG se raréfient, si de moins en moins de femmes ont accès à ces soins, et c’est exactement ce qu’il se passe, alors cette « liberté » est illusoire. Si demain, avorter en toute sécurité coûte des milliers d’euros, la « liberté » d’avorter existera toujours, mais ne sera un droit que pour les plus riches.

Dans l’absolu, vous êtes libres d’avoir un yacht, un jet privé ou un château, mais vous n’avez pas les moyens matériels d’avoir cette liberté. Cette notion de « liberté » est finalement très libérale. Hypocrite.

En revanche, s’il avait le courage d’inscrire le « droit » à l’avortement dans la Constitution, alors le gouvernement devrait en garantir sa mise en œuvre, il aurait l’obligation de faire respecter ce droit et pourrait être condamné s’il ne le faisait pas. À l’inverse, la « liberté » n’engage pas à grand chose. Macron continue d’ailleurs de rogner les dotations aux associations féministes et à détruire le système de santé.

On le sait, les macronistes n’aiment pas trop donner de nouveaux droits à la population, ils préfèrent la contraindre. En janvier 2022, Gabriel Attal déclarait « on veut poursuivre la redéfinition de notre contrat social, avec des devoirs qui passent avant les droits ». Macron disait aussi : « Être citoyen, ce n’est pas demander toujours des droits supplémentaires, c’est veiller d’abord à tenir ses devoirs à l’égard de la Nation ».

Article publié initialement par Contre-attaque

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