Lettre ouverte à Alexis Corbière et aux représentant.es de l’Union Populaire

« Alexis, sache qu’une vitrine ne pleure pas lorsqu’un Mcdo brûle, et qu’une banque ne se prend pas : elle se détruit à coup d’incendies. (...) »
Réponse à la petite phrase d’Alexis Corbière « les casseurs, cassez-vous » et à toutes tentatives de criminalisation des manifestant.es.

Cher Alexis
Aujourd’hui, en ce premier mai 2022 de fête contre le travail et son monde, tu as eu des mots graves et lourds de sens : tu nous as renvoyé des dizaines d’années en arrière, à l’époque où la gauche institutionnelle au pouvoir se compromettait et où la gauche insurrectionnelle, elle, tenait les barricades et les piquets de grève.

La stratégie du Black Block s’est développée en France alors que nous étions sous Hollande, sous une "Gauche" qui se macronisait, sous l’État d’Urgence et les interdictions de manifestations, sous les LBD et les brumes de gaz lacrymogène.
Marcher dans la rue, c’est risquer d’être éborgné ou d’être arrêté.

Te souviens-tu, Alexis, des premières fois où l’on devait cacher nos yeux et notre bouche parce que le gaz des flics nous empêchaient de respirer ? Te souviens-tu quand nous devions nous déguiser en noir et nous masquer dans les manifestation parce que la préfecture les interdisait ? Te souviens-tu seulement de la Loi Travail ? Où étais-tu lorsque les Services d’Ordre des syndicats s’alliaient à la préfecture en séparant les « bons » manifestant.es des « méchants casseurs », permettant ainsi la répression des camarades qui marchaient en tête de cortège ? Criminaliser les camarades qui partent en sauvage en reprenant les mots de la pref, les "casseurs", est-ce ainsi que tu penses être de gauche ?

Depuis, du gaz a coulé sous les ponts, et les morts se sont accumulés. Vous, la France Insoumise, vous avez subi des perquisitions. Maintenant, vous savez ce que c’est. Les syndicats institutionnels ont subi des attaques policières pendant les grèves des retraites. Maintenant, eux aussi ils savent ce que c’est que l’État, et sa répression. Nous comptons nos morts et nos mutilé.e.s : les camarades gilets jaunes ont un lourd tribut.
Le mot d’ordre est devenu clair à Gauche : désarmons la police car la police mutile, tue, et viole.
Nous avons travaillé pendant des dizaines d’années à cette prise de conscience, et ta petite phrase menace de la faire disparaître.

Tu as osé dire « les casseurs, cassez-vous ». Mais en réalité tu nous craché.es « les cassé.e.s, cassez-vous ».
Qui a la rage au corps face à ce monde qui activement détruit la planète et qui détruit ses semblables ?
Celles et ceux qui sont concerné.e.s, qui subissent les violences d’État et les violences systémiques
 :
celles et ceux que tu représentes, Alexis.

Qui vire les fachos et lutte contre les violences d’État dans nos quartiers ? Qui protège les victimes de violences patriarcales et racistes ? Qui organise les grèves et les blocages ? C’est nous.

Le maître-mot, camarade, c’est la convergence des luttes et des actions. Vous voulez vous occuper des institutions ? Bien, nous nous occupons de l’insurrection ! Votre 6e République ? le RIC ? Nous, on prend les usines, on prend les logements vides, on pousse à la grève et à l’autogestion : parce qu’un autre monde sans chef ni État est possible ! Ne soyez pas tentés d’appliquer votre programme sans notre rage de rue : dois-je te rappeler que le Front Populaire de 1936 a gagné grâce aux mobilisations sociales ?

Nous refusons de participer aux élections et nous continuerons de lutter avec la Gauche au pouvoir. Cependant nous voulons sécuriser les nôtres : tous celleux qui subissent le racisme, le sexisme, la violence sociale au quotidien et de façon systémique. C’est pour cela que certain.es ont voté pour l’Union Populaire, ont fait ce tir de barrage contre deux formes d’extrême droite.

Mais nous ne sommes pas dupes : gouverner l’État, c’est gouverner le maelstrom de toutes les dominations. C’est produire activement la banalité du mal nécessaire à tout régime autoritaire : c’est ordonner et infantiliser, c’est être le rouage d’une machine désincarnée qui pille et lacère sans que personne ne s’en sente responsable. Pour mettre de l’humain dans la machine, il faut surtout y mettre un bon sabot dedans.

Nous, nous ne voulons pas de place dans vos assemblées ou vos ministères : nous, on veut vivre. Et en ce jour de 1er Mai, nous célébrons l’avenir glorieux où le travail sera aboli.

Alexis, sache qu’une vitrine ne pleure pas lorsqu’un Mcdo brûle, et qu’une banque ne se prend pas : elle se détruit à coup d’incendies.

De la violence, diras-tu ? Depuis quand détruire un siège de la violence du monde est violent ? Transformer un panneau publicitaire, soit un outil de propagande de la consommation, en une œuvre d’art, un outil d’expression politique, c’est violent ? Détruire un lieu d’aliénation au travail, un temple de la consommation, de la mal-bouffe et de la souffrance animale, c’est libérateur. Alexis, compares-tu la violence des morts de la police avec une vitrine brisée ? Compares-tu le saccage de la planète à celui d’une banque vidée ?
Nos actions sont symboliques, mais elles parlent comme des mots : nous préparons le quatrième tour, celui des luttes, des sabotages et des grèves, contre l’État et son monde du travail, le capitalisme, le patriarcat, le racisme, l’écocide, contre toutes les dominations et leur monde.

Aujourd’hui, pour qu’un autre monde sans État ni Chef soit possible, soutiens-nous dans la rue. Et camarade, ton habit noir t’attend.

Fraternellement et en espérant que cette lettre parvienne jusqu’à toi et aux tien.nes.

Une anarchiste

Localisation : Appel national

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