« Le temps presse » : deux intellectuels s’expriment sur les meurtres du 13 novembre

Badiou s’exprime sur les meurtres de masse du 13 novembre à l’occasion de son séminaire du 23 novembre au Théâtre de La Commune.
A la suite, un texte d’Alain Bertho paru sur bastamag.

On trouvera ci-joint un enregistrement audio complet ainsi qu’un résumé des grandes scansions de son intervention.

Dans son introduction, Badiou a dégagé tout d’abord trois périls à quoi nous exposent les affects suscités par ces attaques. Premièrement, que l’État s’autorise à prendre des mesures inutiles et inacceptables. Deuxièmement, que ces affects conduisent à un renforcement des pulsions identitaires. Troisièmement, que l’on fasse ce que les meurtriers désirent.
Selon Badiou, on peut parer à ces risques à condition seulement que l’on s’efforce de comprendre ce qui a conduit ces jeunes français issus de l’immigration ouvrière à devenir des tueurs fascistes et qu’on ne s’abandonne pas au registre de l’impensable.

On peut diviser le mouvement général de son analyse en trois moments :
I
(19’45)
Le premier moment s’applique à rapporter les figures subjectives du monde contemporain au règne sans partage du capitalisme depuis les années 80. Il construit ce rapport en proposant une analyse des structures du monde ordonnées selon la logique du capitalisme néo-libérale, de l’évolution de la fonction jouée par les États et des nouvelles pratiques impérialistes et coloniales. Ce qui le conduit à examiner les effets sur les populations en termes de rapports de propriété. Il s’attarde en particulier sur la fonction opérée par la classe moyenne dans l’économie du pouvoir. Trois figures subjectives sont alors identifiées : celle qui incarne la classe moyenne, celle du désir d’occident et enfin, celle animée par le désir de revanche et de destruction.
II
(1’27’’40)
Le second mouvement consiste à examiner le mouvement réactif : d’une part, le djihadisme comme fascisme nouveau, comme perversion interne au capitalisme -et ce depuis la façon dont il peut, pour une partie de la jeunesse, constituée un pôle d’attraction- et d’autre part, la réaction présente de l’État ainsi que des intellectuels identitaires.
III
(1’36’’15)
Le troisième et dernier mouvement de son intervention s’attache à redescendre de ce niveau d’analyse générale à la situation telle qu’il serait souhaitable de la polariser. Badiou insiste sur « l’absence à l’échelle mondiale d’une politique disjointe de toute intériorité au capitalisme qui fait que se créée une jeunesse fasciste (...) » . Et cette politique passe nécessairement pour lui par une liaison avec le prolétariat nomade faites de trajets, de gestes, de rencontres, d’alliances inattendues. Sans quoi, annonce-il, la grande guerre sera au rendez-vous.

Terminons sur ce bon mot de Badiou à propos de notre cher locataire de Matignon :
« Mr Valls. […] On dirait un adjudant de cavalerie à qui on vient de dire qu’il avait maintenant le droit de faire courir ses chevaux... »

Lire toute la retranscription du séminaire

23 Novembre. Seminaire d’Alain Badiou. Théâtre de la Commune

On pourra également consulter sur le sujet l’excellent entretien donné par Alain Bertho :

Il faut être clair : un monde a pris fin, il n’y aura pas de retour en arrière

Pour combattre efficacement l’État islamique et son offre politique de mort et de désespoir, « nous devons réfléchir à la révolte qui est à la racine de ces crimes », suggère l’anthropologue Alain Bertho, qui prépare un livre sur « les enfants du chaos ». A la racine du mal, la fin des utopies, enterrées avec l’effondrement de tous les courants politiques progressistes. Le XXIe siècle aurait oublié l’avenir au profit de la gestion du risque et de la peur, indifférent à la colère des jeunes générations. Entre un quotidien militarisé et le jugement dernier à la sauce djihadiste, seule « la montée d’une autre radicalité » pourrait raviver l’espérance collective.

Lire la suite sur Bastamag

Note

Pour aller plus loin :

Une critique de l’intervention d’Alain Badiou sur Lundi matin : L’Occident et les barbares

Deux textes faisant écho aux positions scabreuses d’Alain Badiou sur la Révolution culturelle chinoise