Ni transphobie ni police à l’école : non à l’instrumentalisation du harcèlement scolaire

Deux communiqués de syndicats enseigants afin de dénoncer l’interpellation par la police d’un élève en classe à Alfortville et plus généralement l’absence de moyens donnés à la lutte contre le harcèlement.

CNT-EDUC 94

Non à l’instrumentalisation du harcèlement scolaire

Lundi 18 septembre, un élève du collège Henri Barbusse, à Alfortville, a été interpellé par les forces de l’ordre, pour avoir posté sur Instagram des messages transphobes, appelant au suicide une élève d’un autre établissement.
Tout d’abord, nos premiers mots vont à la victime de ce harcèlement transphobe et à sa famille, à qui nous adressons toute notre solidarité et notre compassion.
Nous condamnons unanimement les actes de cet élève, et sommes conscient-es de l’extrême gravité de ce qu’il a écrit et de la portée de ses mots. Mais nous nous interrogeons sur la manière dont cette opération a été menée.
Premièrement, des policiers ont mené une interpellation dans l’enceinte de l’établissement, dans une salle de classe, pendant un cours, devant des élèves et leur enseignant. Contrairement à ce qui a été affirmé ça et là, notamment par monsieur Olivier Véran, personne parmi les enseignants n’en a été informé au préalable - et donc cela n’a pas pu se faire avec l’« accord de la communauté éducative ». La lutte contre le harcelement scolaire est primordiale. Néanmoins, nous nous interrogeons sur ces méthodes brutales et sur leur efficacité. Le harcèlement ne se règle pas à coup d’opérations de communication. La preuve en est que des menaces ont été reçues par certaines membres du collège, suite à la publication d’articles.
Deuxièmement, nous nous interrogeons sur l’instrumentalisation de cet événement par la presse. Le plan de lutte ministériel contre le harcèlement a été mis en scène à travers une interpellation d’une grande brutalité, qui ne s’est pas arrêtée à ce premier acte. Pendant plusieurs jours, des parents et des élèves ont été interviewé.es, ces derniers sans le consentement de leurs parents ; les commentaires ont donné lieu à une surenchère sur les réseaux sociaux, ciblant les origines de l’adolescent.e interpelé.e ou celles des parents interviewé.es s’ils ne défendaient pas la « stratégie de l’électrochoc » de Gabriel Attal.
Troisièmement, nous voulons continuer à lutter contre le harcèlement et la transphobie, et nous avons besoin de conditions matérielles pour prévenir les violences, notamment de genre. L’éducation à la vie affective et sexuelle obligatoire n’a jamais reçu les moyens de sa mise en œuvre. Formation, mise en place d’un protocole de prévention, heures dévolues à cette éducation par un ensemble de professionnels dans chaque classe, heures de concertation dans les équipes, postes d’infirmière et d’assistance sociale pourvus, pourraient contribuer à des opérations moins spectaculaires que l’arrestation d’un élève en cours, mais qui auraient le mérite de s’attaquer au fond du problème.
Nous condamnons donc la manière dont la notion même d’éducation est conçue par notre ministère de tutelle, et condamnons ces méthodes brutales, cette communication mensongère, cette instrumentalisation des victimes et de leurs persécuteurs au nom d’une opération de communication ministérielle. Nos élèves, quels qu’ils soient, valent mieux que du grand spectacle.
La police n’a rien à faire dans nos écoles.
CNT-STE 94, 26/09/2023

Sud Education 94

NI TRANSPHOBIE NI POLICE A L’ÉCOLE !

Nous nous devons de réagir aux déclarations du ministre G. Attal promettant des « électrochocs » contre le harcèlement scolaire. L’existence même de ce type de violences trahit en réalité l’absence de véritable politique éducative contre les discriminations.
En particulier, les violences subies par une élève transgenre du lycée Maximilien Perret (Alfortville) révèlent le lien entre harcèlement et absence d’éducation au respect de l’identité de genre de chacun.e depuis des décennies. Ainsi, en avril 2022, Emmanuel Macron prenait position contre le fait d’aborder les questions d’identité de genre et d’orientation sexuelle à l’école primaire, et se montrait sceptique sur leur enseignement au collège. C’est pourtant bien la responsabilité de l’Education Nationale de former les citoyen.ne.s au vivre-ensemble dès le plus jeune âge.
Rappelons les faits : les parents d’une lycéenne scolarisée en 2de au lycée Maximilien Perret d’Alfortville ont demandé à être reçus lundi 19 septembre au matin par la Proviseure, en raison des violences et du harcèlement subis par leur enfant sur les réseaux sociaux. A la suite d’une main courante déposée par la famille, un élève du collège voisin Henri Barbusse, suspecté d’être l’auteur des propos violents, a été interpellé et menotté par la police en plein cours. Ce dernier a reconnu les faits et a été déféré devant un magistrat du parquet l’après-midi du mardi 20 septembre. L’affaire a eu un large écho médiatique dans les heures qui ont suivi, et ce sans même que la question du consentement de l’élève victime et de ses parents à diffuser ainsi les faits ait été évoquée.

L’intervention de la police dans une salle de classe pour procéder à l’interpellation d’un mineur ; dans des conditions qui restent à éclaircir, est la marque d’un échec patent du gouvernement en matière de lutte contre le harcèlement. Sans doute aussi la marque d’une instrumentalisation scandaleuse du harcèlement par une police en peine de redorer son blason, et par un État policier en pleine dérive. C’est surtout une atteinte à la « sanctuarisation », pourtant si chère à notre président, de l’école publique qui doit rester le lieu primordial d’accueil et de protection de tou.te.s sans discrimination.
Par ailleurs, l’écho médiatique recherché par le gouvernement dans le but de faire un exemple, nous semble susceptible de mettre encore davantage en danger l’élève visée par le harcèlement, et de créer un climat d’animosité dans les établissements scolaires.
Plutôt qu’une politique répressive contre le harcèlement, visant à culpabiliser des comportements individuels, nous revendiquons que le problème soit traité à la racine, en s’attaquant par l’éducation, la sensibilisation et la prévention aux causes structurelles de ces violences.
Pour rappel, en termes de lutte contre les LGBTQIA-phobies dans l’éducation, la fédération SUD éducation revendique :

  • La ré-intégration du concept de genre dans des programmes élaborés par la communauté éducative, dans les enseignements et dans les projets.
  • L’effectivité des séances d’éducation à la vie affective et sexuelle prévues dans les textes officiels et la prise en compte dans ces séances d’une perspective non hétérocentrée, qui mettent sur un pied d’égalité toutes les orientations sexuelles et toutes les identités de genre.
  • La mise en place de dispositifs permettant aux élèves de réfléchir aux discriminations et de déconstruire les stéréotypes.
  • Le respect du prénom et du pronom d’usage pour les élèves et personnels trans.
  • Une formation initiale et continue sur les problématiques de genre pour toutes les autres catégories de personnel.
  • L’obligation pour l’administration de soutenir, aider et défendre tous les membres de la communauté éducative qui, du fait de leur identité de genre, subiraient diverses formes de brimades, de harcèlement ou de discriminations (élèves, administration, collègues, parents).

L’administration doit accompagner ces membres dans leurs démarches, y compris dans le cadre d’un changement de genre et/ou d’identité, en veillant à leur assurer un environnement sécurisé pour qu’ils puissent effectuer leur parcours sans être mis en danger dans leur milieu éducatif et professionnel.

Sud Éducation 94, le 22/09/2023

À lire également...