Chaque jour se resserre l’étau qui étrangle les migrantEs

Témoignage d’un migrant ayant vécu plusieurs semaines dans la Jungle de Calais.

La violence à notre encontre est quotidienne
Dès qu’il est question de manifester, la police verrouille l’entrée
Quand on en demande la raison : pas de réponse…

Le racisme omniprésent et la discrimination empêchent certaines personnes d’entrer dans la ville… Et permet à d’autres d’y accéder…
À tout moment, sans avertissement préalable et sans aucune raison, la police vous asperge et vous brûle le visage de gaz…

La JUNGLE est une grande prison, au nom de l’Humanité !
L’humiliation est généralisée, le ressentiment et la colère atteignent tout le monde…
La ville nous est interdite d’accès, la frontière est verrouillée… l’horizon est bouché…

Aucune voix ici n’est audible ! Sauf celle de la violence, exercée contre nous par les mêmes autorités qui sont censées « empêcher la violence » et faire respecter la justice !?
- ici, à l’image d’un épais brouillard perpétuel : les traits livides, le regard absent… se lisent tristesse, épuisement et souffrance.
Voici les migrants dans une lutte sans fin entre les rails du train et le port…
Tous vont et viennent à pied, quelques rares bicyclettes…

Cette lutte pourrait se terminer à Douvres, ce qui relève de l’impossible… Plus certainement, elle se termine soit au poste de police (ou à la prison), soit de retour à la Jungle bidonville… ou soit à la clinique pour soigner les blessures, à la recherche de béquilles d’appui, conséquence des coups violents, des coups de rangers ou de matraques des policiers, donnés gratuitement et copieusement, pour vous empêcher de recommencer et d’essayer à nouveau… ou la mort dans un accident de la circulation en ville ! et comme d’habitude, le chauffard qui aura écrasé le piéton-migrant aura fui et la police ne le trouva pas, ou ne le cherchera même pas… et bien d’autres calvaires et dangers… la liste est bien longue et non exhaustive ??? !!!

Scènes quotidiennes misérables… tristes et honteuses dans le pays de la liberté et des droits de l’homme, de cette terre d’asile… dit modèle pour l’Humanité… !!!

Ici les questions (problématiques) restent sans même un début de réponse…
Pourquoi la France accepte-t-elle de l’argent de la Grande-Bretagne pour fermer sa frontière commune et l’Union n a-t-elle donc pas de principe ? Est-il normal de violer le droit international ? Pourquoi l’Union ne déclare-t-elle pas officiellement la fermeture de toutes ses frontières à l’encontre des réfugiéEs ou ne dénonce-elle pas la violation des droits des réfugiéEs ? !

Pourquoi l’Angleterre paie… et pourquoi l’UE se tait et reste muette ? !
Pourquoi la France exécute l’agenda de la Grande-Bretagne contre les migrantEs ?
Les intérêts sont-ils plus élevés que les valeurs et le droit humanitaire pour la France ? !

Les refuges et hébergements d’urgence que promettent et prêchent les autorités, maniant la carotte et le bâton, alternant hypothétiques propositions et intimidations par la terreur, changeront-elles quelque chose à la situation ? Assurément pas !

Lors d’une entrevue avec le personnel du ministère de l’Immigration, ventant que la France reste toujours le meilleur choix, alors même que les demandes d’asile sont le plus souvent refusées, le personnel du ministère persiste dans ses contradictions et exhorte à effectuer les demandes d’asile en France… personne ici ne l’ignore, des demandes majoritairement rejetées

Étrange, nombreux sont ceux qui se comportent de façon tout aussi glaciale, sans aucune considération autre, n’essayant même pas de comprendre pourquoi choisir un État plutôt qu’un autre, or les migrants savent que des accords prévoient aussi de les contraindre à rester dans le premier pays d’entrée de l’Union (UE) alors que tout le monde sait que cela relève de l’impossible… d’ailleurs il est normal et naturel qu’il y ait d’autres critères pour les migrants (migrants réfugiés exilés) : langue, culture et histoire sont les facteurs influant les critères de choix mais qui le comprend ?

La misère est institutionnalisée, sciemment imposée, envers tous ceux qui se retrouvent à Calais. Il n’y a rien de nouveau. Les frontières sont fermées par les escadrons de police, les bataillons de l’armé, les milices de vigiles, les féroces chiens policiers, les murs de grillages barbelés. Pour que la quiétude de la Reine ne soit pas troublée par ceux considérés comme des singes.

Le ressentiment est présent, l’engorgement c’est certain…
Le nouveau camp ne changera rien à la réalité …
La police interdit les manifestations demandant le respect des droits, rapidement elle bloque le seul passage, le pont d’accès à la Jungle, pour que personne ne puisse arriver jusqu’à la ville…
La seule chose qui reste est l’espoir des migrants, rien d’autre… ni la France… ni l’Union européenne… ni l’Organisation des Nations unies

Qui trouvera les mots justes pour le Droit de ceux-là
Mais la question des migrants est : où est donc passé la société Française et ses organisations ???
Est-ce que les sociétés européennes écoutent plus les politiciens, que la logique de la raison et du cœur, et de l’humanisme… !!! ???

Ici à Calais se perdent toutes ces choses que sont la Liberté… la Justice… l’Humanité, elles se sont définitivement égarées.
Donc, que reste-t-il ?
Calais…

Ici où les frontières sont fermées…
Le froid et la pluie, longues files d’attente dans la bousculade, pour les toilettes,
la bousculade également pour l’unique repas quotidien…
Les gens souffrent du froid également pour avoir du Wi-Fi dans l’espoir d’obtenir des nouvelles de leurs parents ou des proches…
Les longue file d’attente pour recevoir l’aide fournie par les associations et les bénévoles sont autant de scènes misérable, là encore bousculade et autre…
Les cliniques médicales sont également débordées, faire la queue, obtenir un ticket…
épidémie de maladies dues au froid…
Tout le monde utilise du bois de récupération pour se chauffer et cuisiner, émanation de ces fumées noires, toxiques et la pollution émise…
À l’intérieur des tentes de fortune de misère, ces bougies et encore ces
fumées inhalées, parfois une bâche prend feu et pire pour ces tentes qui n’ont pas de fenêtres…

Dans la Jungle, vision permanente de ces victimes du train, des chutes, de la violence d’État, scènes et visions omniprésentes.

La violence injustifiée et injustifiable…
Beaucoup sont psychologiquement ravagés, beaucoup de dépression, d’abattement et d’autres troubles et souffrances liés aux conditions de survie…
Calais, là où la police interdit les manifestations et les rassemblements… interdire aux migrants toute expression du désarroi et de la colère qui sévit…

Tout est soumis à l’inconnu, tant que les frontières restent fermées…

Et maintenant, il est question de construire sur le camp lui-même un nouveau camp ! pour protéger du froid ou contrôler les réfugiéEs ? Mais combien de places disponibles pour combien de personnes présentes ?… Question : les réfugiés cherchent-ils un passage où les frontières seraient ouvertes ? Ou sont-ils venus jusqu’ici pour des habitations dans un campement plus structuré ! ?

La Police envoie les migrantEs essayant de passer dans des prisons, ils y subissent la détention pendant des jours et parfois beaucoup plus, ils les éloignent dans des prisons à l’autre bout du territoire, à la limite des frontières de l’Espagne, la Suisse et d’autres… Mais elle ne les éloigne pas de la violence et de la misère, au contraire. Par contre elle les éloigne toujours plus du droit humain et humanitaire, des droits de l’homme, du droit d’asile, du droit de circuler de s’installer et de choisir son pays d’asile...

Merhaba 3+ (23 janvier 2016) en français
Merhaba 3+ (23 janvier 2016) en arabe
Merhaba 3+ (23 janvier 2016) en anglais

Note

Publié dans Merhaba3+ (23 janvier 2016) à l’occasion de la manifestation calaisienne pour l’ouverture des frontières.

Merhaba est un journal écrit par des migrants, réfugiés et personnes solidaires, c’est un outil de coordination et d’information sur les luttes des migrants en Île-de-France et aux frontières. Il est gratuit, diffusé largement en français, anglais, arabe et farsi.

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