L’inspection du travail est chargée de veiller au respect du droit du travail dans les entreprises et par là, de défendre les droits des travailleurs.
Pour ce faire, les agents de l’inspection du travail disposent de prérogatives importantes (possibilité de mettre l’employeur en demeure de se conformer au droit en matière d’hygiène et sécurité, de relever les infractions par voie de procès-verbaux, dans certains cas d’arrêter les travaux sur un chantier, de refuser le licenciement d’un salarié protégé, etc.).
En outre, ces prérogatives s’exercent dans un cadre d’indépendance exceptionnel pour des fonctionnaires français ; indépendance protégée par une convention internationale (convention n°81 de l’OIT) qui prévoit que : « Le personnel de l’inspection sera composée de fonctionnaires publics dont le statut et les conditions de service leur assurent la stabilité dans leur emploi et les rendent indépendants de tout changement de gouvernement et de toute influence extérieure indue ».
Pour ces raisons, et malgré le manque d’effectif chronique que connaît l’inspection du travail, le patronat n’en veut pas, et la majorité actuelle qui rampe devant ce patronat veut donc la neutraliser. Ainsi, depuis le début de l’année, le ministre Sapin met en œuvre une réforme ayant pour objet de casser l’inspection du travail et de la détourner de ses missions premières.
Son « plan » de démolition suit essentiellement trois grands axes : la diminution des effectifs, la programmation de l’activité, la capolarisation de l’inspection du travail.
La diminution des effectifs
Côté effectif, c’est le plan social. Jusque-là, le nombre d’agents de l’inspection du travail agissant sur un territoire (une « section »), est déterminé en fonction d’un ratio agents de contrôle / nombre de salariés. Avec la réforme, ce ratio disparaît au profit d’unités de contrôle à effectifs variables. L’objectif très explicite de cette flexibilisation de l’organisation est la baisse des effectifs. Ainsi, pour Paris, sur 166 agents de contrôle, c’est 21 postes qui disparaissent en 2014 soit un sur huit !!!
Détourner l’inspection du travail de sa mission première de protection des salariés en instaurant un système de campagne basée sur des opérations d’affichage à court terme.
Les agents se verront contraints de faire leurs contrôle en entreprise non plus en fonction de la demande sociale (les sollicitations des salariés, des militants syndicaux, etc.) mais en fonction de plan d’action qui n’ont rien à voir avec cette demande.
« Votre patron vous harcèle ? Il ne paye pas vos heures sup ? Désolé, je n’ai plus de temps à consacrer à cette demande, par contre si vous avez un souci de rayonnement ionisant dans votre entreprise dites le moi, j’accours. »
Voilà ce que risquent d’entendre les salariés venant à la rencontre d’inspecteurs du travail si cette réforme passe.
Dans le même temps, le Ministre compte créer des sections spécialisées sur les thématiques prioritaires (lutte contre le travail au noir, transport routier et ferroviaire, amiante, etc.) agissant au niveau régional ou national et sans contact avec les travailleurs. Cela fera autant d’agents en moins pour répondre à la demande sociale.
Une réorganisation des services instaurant un contrôle hiérarchique caporalisant l’inspection
- La disparition des sections d’inspection, cellule actuelle de l’inspection composée d’un inspecteur du travail, de deux contrôleurs et d’un secrétariat.
- Leur remplacement par des Unités de contrôle (entre huit et douze agents de contrôle et un pool de secrétaires) avec à leur tête un Directeur doté de pouvoir hiérarchique
Ces directeurs auront pour missions de s’assurer que l’agent respectera la ligne fixée par la hiérarchie et ils pourront s’ingérer dans les dossiers et contrôles réalisés par les agents de l’inspection du travail.
En action pour une inspection du travail au service des travailleurs
C’est pourquoi, les agents de l’inspection du travail et leurs syndicats se mobilisent contre cette réforme et mènent de nombreuses actions : grèves, manifs, boycotts, occupations de bureaux, actions coup de poing etc.
Le 8 octobre, 300 agents perturbent le déroulement du séminaire des DIRECCTE (directeurs régionaux) sous l’égide du ministre, à l’INTEFP, institut de formation des élèves inspecteurs du travail. Les DIRECCTE bloqués dans l’institut se mettent sous la protection des CRS qui interviennent pour les ramener à leurs cars.
Le 22 octobre, les agents de l’inspection du travail sont en grève, manifestent et se réunissent en AG nationale à la Bourse du travail. Une action est aussi menée devant le siège du PS où une cinquantaine d’agents se réunissent et cinq s’enchaînent aux grilles de Solferino, pour dénoncer l’enchaînement de l’inspection du travail et sa mise au pas, au service du patronat, et pour revendiquer au contraire une inspection du travail au service des travailleurs.
Bien d’autres actions sont menées un peu partout dont certaines sont recensées sur les sites syndicaux et des blogs lancés par les agents.
Ces mobilisations s’inscrivent dans un mouvement de lutte qui durent depuis plusieurs années, contre les pressions patronales, contre la souffrance au travail suite aux suicides de deux inspecteurs du travail, Romain Lecoustre et Luc Béal Rainaldy, et pour un service public au service des travailleurs avec l’organisation des Assises nationales des agents du Ministère en novembre 2012.
Un appel aux travailleurs et à leurs syndicats, pour construire ensemble les résistances
Lors de l’AG du 22 octobre qui a réuni 200 agents de différentes régions, il est ressorti la nécessité de développer les liens avec les travailleurs du privé et leurs syndicats, afin de construire avec eux la mobilisation étant donné l’impact qu’aura la réforme sur le service rendu au public.
Le mercredi 20 novembre 2013 à 18h30, à Paris, le réseau Stop stress management et des syndicalistes de l’inspection du travail, invitent les travailleurs et les syndicats de tout secteur, à venir échanger et débattre sur les enjeux de la réforme Sapin, et à construire ensemble les résistances. Ce débat aura lieu à la Bourse du travail de Paris (Salle Petite Congrès, 85 rue Charlot), et sera enregistré en version audio, pour diffusion par l’association Rosalux.
Le réseau Stop Stress Management, créé en février 2011, est un réseau de lutte ouvert à tous, dont l’objectif est de mutualiser, créer et faire connaître les outils de défense et de résistance des salariés contre stress, harcèlement et souffrance au travail générés par le management néolibéral.
(contacts : Christian Celdran wilcoxblue@orange.fr, Evelyne Perrin evelyne.perrin6@wanadoo.fr ; Tel : 06 79 72 11 24)