Sur l’opposition opportuniste du libéral-nationaliste Navalny

Navalny s’inscrit dans la droite lignée de Thatcher, Reagan ou Sarkozy, et son programme politique est exactement le même que Macron : promesse de croissance, privatisations, généralisation de l’auto-entreprise et exonérations fiscales pour les petites entreprises, pari technologique, libéralisation des transports, augmentation des budgets et effectifs militaires, régionalisation et décentralisation de l’administration…

« S’il est une chose qui unit les russes, c’est bien une aversion chronique pour la corruption. La culture populaire, les humoristes, le cinéma et la chanson, moquent et critiquent ouvertement la corruption de la part de la police, comme de la part des oligarques et des « tchinovniki » (hauts fonctionnaires), mais également à tous les niveaux de la société russe : l’un des exemples les plus répandus est la nécessité de payer des pots-de-vin (“vzyatka”) aux enseignants et formateurs pour obtenir ses examens. Les humoristes accrédités par le Kremlin ne se privent pas de moquer Poutine lui-même, devant un public souvent constitué des plus gros complices et bénéficiaires de son système de corruption. Plus c’est gros, plus ça passe.

La vie sociale russe est en effet – et c’est loin d’être un mythe – gangrenée par la corruption, et les promesses d’y mettre un terme sont le cheval de bataille de tout opposant au pouvoir, y compris les « opposants de papier » tels que Jirinovskiy, célèbre leader populiste qui ne manque pas de défrayer régulièrement la chronique en moquant les inconsistances du pouvoir en place, mais n’a jamais été physiquement inquiété pour ses prises de positions publiques, qui participent de cette illusion de pluralité que Poutine a veillé à préserver depuis qu’il a été couronné tsar de toutes les Russies. L’illusion démocratique…Si l’on devait comparer Navalny à d’autres leaders politiques farouchement opposés à la corruption (tant qu’ils sont dans l’opposition), on pourrait se référer aux voisins ukrainiens Petro Porochenko, Ioulia Timochenko ou Vitaly Klitschko. Tous trois ont brigué le pouvoir en promettant de mettre fin à la corruption endémique, entourés de cette aura de probité qui entoure les tribuns s’opposant à la dictature, puis se sont à leur tour perdu dans les méandres de l’ambition et de l’affairisme. Eux au pouvoir, l’argent n’a fait que changer de portefeuilles. Sans surprise. Navalny n’est pas différent.

Un fond politique néoconservateur

Il n’est pas utile d’analyser en profondeur le programme de Navalny pour comprendre que sa politique s’inspire purement et simplement des doctrines ultralibérales qui depuis les années 1970 promeuvent l’individualisme et la concurrence en démolissant la protection sociale et les services publics partout où elles s’imposent par la force. Navalny s’inscrit dans la droite lignée de Thatcher, Reagan ou Sarkozy, et son programme politique est exactement le même que Macron : promesse de croissance, privatisations, généralisation de l’auto-entreprise et exonérations fiscales pour les petites entreprises, pari technologique, libéralisation des transports, augmentation des budgets et effectifs militaires, régionalisation et décentralisation de l’administration…Il n’y a rien de novateur ni de progressiste dans l’approche de Navalny, qui ne fait qu’imiter les doctrines qui ont mis à genoux les populations soumises aux préconisations de l’économie de marché (via l’Organisation Mondiale du Commerce, la Banque Mondiale et le Fond Monétaire International) partout dans le monde.Au delà de ses aspirations néolibérales, Navalny est aussi un nationaliste. Le réalisme russe ne manquera pas de nous dire qu’il faut être nationaliste (ou patriote, comme on préfère) pour emporter le cœur des russes. Ce n’est pas totalement faux. Mais c’est aussi ce qui condamne la société russe à être indéfiniment rattrapée par ses démons réactionnaires (ou racisme, homophobie, islamophobie et antisémitisme ont pignon sur rue). Navalny ne se cache d’ailleurs pas d’avoir cofondé en 2007 le mouvement « Narod » (trad. : Le peuple), dont les principes et valeurs sont profondément ancrées à l’extrême-droite. Son programme politique intègre la lutte contre l’immigration et il n’hésite pas dans ses discours à assimiler les étrangers au crime. Régulièrement, il relativise le danger de l’extrême-droite et du nationalisme en Russie, affirmant les mêmes positions que Poutine à l’égard de la Crimée ou du Caucase (régions à majorité musulmanes – NDLR). Ayant tissé des alliances multiples avec des ultranationalistes et participant fièrement à la « marche russe » annuelle, il défend le concept de « renouveau national », parle de « trahison nationale », « d’unité organique du passé » et de « civilisation russe », plébiscite l’expulsion des étrangers « qui ne respectent pas nos lois et traditions » et l’obligation de visa pour les ressortissants de l’ex-URSS (uniquement les pays d’Asie Centrale, dont les ressortissants sont les principales victimes du racisme en Russie). A ce titre, dans un article paru sur son blog en 2008, il qualifie de « tchutchmeki » (métèques) les travailleurs immigrés, estimant qu’on pouvait comprendre les violences de skinheads à leur égard lorsqu’on les « entend au petit matin frapper avec des masses sur du métal avec un rugissement infernal ». Navalny n’hésite pas à publier sur son journal des articles insultant les juifs et les ressortissants des pays d’Asie Centrale et du Caucase.

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