Retour sur 5 fantasmes qui circulent autour de la PMA … et des luttes féministes

Au nom de la critique de la technologie, un certain nombre d’idées commencent à circuler dans les revues libertaires qui ont de moins en moins avoir avec la PMA et de plus en plus avoir avec des fantasmes sur la PMA... et sur le féminisme.

Voici le top 5 des idées incongrues qui circulent aujourd’hui sur la Procréation médicale assistée (PMA).

1) La PMA c’est la marchandisation du vivant et l’avènement de la technoscience ?
En France, lors des débats sur le mariage pour tous, la revendication des lesbiennes pour l’accès à la PMA était une revendication d’égal accès à un don de sperme. La PMA en France est un don de sperme, aujourd’hui autorisé de façon anonyme pour les héteros stériles dans les banques de sperme et remboursé par la sécurité sociale.

Si le don de fluide corporel doit être questionné au regard de la technoscience, il est étrange que ce débat arrive avec la PMA alors que le don de sang existe depuis bien plus longtemps. Pourquoi porter systématiquement le débat de la PMA sur la « marchandisation » et la « médicalisation » et nier qu’aujourd’hui, le don de sperme est gratuit, anonyme et remboursé par la sécurité sociale pour les hétéros ?

Le don de sperme artisanal ouvre quant à lui droit à une filiation alors qu’il faudrait justement pouvoir distinguer « donneur » et « parent » : si on peut être les deux, ce n’est pas toujours le cas. Il s’agit ici du risque de voir le géniteur revendiquer en toute légalité son rôle de père et sa paternité sur l’enfant au couple de femmes à qui il a « donné » son sperme. Comme l’indique Aude Vidal [1] , un couple de lesbiennes n’a pas à subir les intrusions d’un donneur dans leur vie. La revendication porte sur le droit de ne pas être à la merci d’un bon copain qui décidera peut-être un jour, quand le gosse sera propre ou qu’il sera devenu intéressant, de faire valoir ses droits de donneur, pardon de père. Pour toutes ces raisons, il faut des banques de spermes gratuites pour toustes.

2) Si on se bat pour la PMA, on nie les problèmes de pollution qui sont responsables des problèmes d’infertilité massive ?
Les lesbiennes n’ont pas de problème d’infertilité massive. Il n’y a aucun lien entre la revendication portée par les lesbiennes et les problèmes de pollution. Les lesbiennes revendiquent l’égal accès à un don de sperme (légal pour les héteros, illégal pour les lesbiennes). Comment rattacher la question de la pollution à la question du don de sperme pour les lesbiennes ?

S’il n’y a pas de lutte secondaire, pourquoi faut-il choisir entre luttes féministes, sociales et luttes écolo : ne peut-on pas lutter pour la justice sociale, contre une société hétéronormée et contre la destruction capitaliste ?

3) Ne faudrait-il pas plutôt avoir recours à l’adoption contre la marchandisation du vivant inhérente à la PMA ?
Dans notre contexte, au nom de quel principe, l’adoption serait-elle, en soit, plus noble et plus propre que la PMA ? On pourrait estimer que depuis le séisme d’Haiti en 2010 [2] ou même le scandale de l’association de l’Arche de Zoe au Tchad en 2007 (les enfants victimes du Darfour), trop souvent, l’adoption rime avec transaction et trafic.

De même, le pouvoir médical est également présent lorsque les futurs parents hétéros doivent cocher une case des listes des maladies et/ou handicaps qu’ils sont prêts à accepter ou pas au sein de leur futur foyer.

Voir en l’adoption une alternative non marchande et non médicale à la PMA est un positionnement plus que douteux d’autant plus que les lesbiennes et homosexuels n’ont pas le droit d’adopter à l’étranger dans la plupart des pays.

4) Les lesbiennes revendiquent le « Droit d’avoir un enfant », la preuve qu’elles sont consuméristes ?
Il n’y a jamais eu de revendication du « droit d’avoir un enfant » durant les manifs de 2013-2014 en défense du mariage pour tous. C’est au sein du Lmpt (La manif pour tous) que cette expression sémantique est née pour ridiculiser et décrédibiliser la revendication d’accès des lesbiennes à la PMA et à l’adoption [3]. Puis, lorsque les sénateurs ont déposé un recours au conseil constitutionnel contre la loi du mariage pour tous, ils ont repris l’expression en indiquant que les droits « de » l’enfant devaient primer sur le droit « à » l’enfant .

C’est avec ces mots que les sénateurs ont formulé le recours au conseil constitutionnel : «  Le législateur consacre donc la volonté d’adultes de s’affranchir de toutes références à la procréation pour avoir un droit à l’enfant et s’approprier l’enfant afin d’établir à son égard un lien de filiation qui fasse délibérément obstacle à la vraisemblance biologique. Ainsi, en permettant l’adoption plénière par des couples de même sexe, le législateur méconnait l’intérêt général et notamment l’intérêt de l’enfant. » [4]

Pourquoi parle-t-on de “droit à l’enfant” uniquement dans le cadre des couples homosexuels ? Pourquoi parler de « droit à l’enfant » au lieu de parler d’égal accès à l’adoption et à la PMA comme les hétéros ?

5) On ne peut pas nier qu’il y a une différence des sexes dans notre société ?
Le féminisme s’est battu contre l’idéologie naturaliste. Ainsi, détruire la différence des sexes, c’est supprimer la hiérarchie qui existe actuellement entre deux termes dont l’un est référé à l’autre, et infériorisé dans cette comparaison. On ne peut revendiquer le « droit à la différence », car cela signifie le droit à l’oppression. Cela ne signifie pas que « nous voulons devenir des hommes », car dans le même temps que nous détruisons l’idée de « La Femme », nous détruisons aussi l’idée de « l’Homme ». C’est le système patriarcal qui nous pose « différentes » pour justifier notre exploitation, la masquer. C’est lui qui nous impose l’idée d’une « nature », d’une « essence » féminine. [5]

Aujourd’hui, lorsque LMPT (la manif pour tous) ou autres revendiquent qu’un enfant a besoin d’un papa et d’une maman, c’est bien l’ensemble des femmes qui sont renvoyées à la cuisine, à leur rôle, à leur place. C’est bien une attaque contre toutes les femmes. Et il faut bien dénoncer ce discours patriarcal et lesbophobe.

SCAM (section carrément anti-masculiniste)
scam@riseup.net

Notes

[5Questions féministes, une revue théorique féministe radicale, novembre 1977, réédition syllepse novembre 2012.

À lire également...