Mars 2006 - Mars 2016 : un joyeux anniversaire ?

Quelques souvenirs et reflexions sur le mouvement contre le CPE/la LEC, des idées de cadeaux pour les 10 ans ?

Mars 2006

C’est pour moi, encore jeune lycéen, le début d’une lutte qui -comme pour beaucoup d’autres- me marquera profondément et durablement. Le 7 mars à Paris, c’est la première manif que je fais contre la « loi pour l’égalité des chances », dont l’article qui cristalisera le plus la contestation sera celui voulant mettre en place le CPE ou contrat première embauche. Déjà à l’époque il s’agissait d’une violente attaque contre le droit du travail sous prétexte de lutte contre le chômage, avec la création d’un contrat précaire destiné aux moins de 26 ans ainsi que toute une batterie d’autres mesures bien pouraves qui sont elles malheureusement passées.
Le 7 mars donc, j’en ai déjà fait des manifs dans ma vie, avec mes parents. Là je suis juste avec les potes du lycée, et au fur et à mesure que le cortège avance je croise de plus en plus de potes, celles et ceux avec qui j’étais au collège l’année précédente et qui sont allé-e-s dans d’autres lycées que le mien, je crois qu’ils/elles sont quasiment tou-te-s là. La météo n’est pas terrible, on se prend pas mal d’averses, mais quelle joie de se retrouver dans cette manif ! Dans certaines facs, ça fait déjà plusieurs semaines que la mobilisation a commencé, mais là aujourd’hui maintenant que les vacances sont finies c’est à notre tour, les lycéen-ne-s, de rentrer dans l’action.
Les jours suivant arrivent les blocages, les actions, les AGs enflammées, les occupations, les manifs gigantesques, les manifs sauvages, les affrontements avec la police... Tant de choses dont on ne peut pas réellement saisir le sens si on ne les a jamais vécues. Car oui, un mouvement social c’est avant tout vivre et expérimenter certaines situations qui n’existent pas le reste du temps, un quotidien complètement transformé l’espace de quelques semaines, un rapport aux autres et une vision du monde qu’on ne pouvait concevoir auparavant. Et puis toutes ces rencontres, ces personnes avec lesquelles on conserve des liens intenses encore plusieurs années après... Sans oublier ces discussions où le CPE est remis à sa place d’énième mesure d’un système qu’il faudrait détruire !

Bien sûr qu’il y a des enjeux plus « concrets » à la lutte : faire retirer une loi qui ne fera qu’aggraver la précarité, mais lorsqu’on voit l’état du monde actuel on peut sérieusement se demander pourquoi on est encore obligé d’attendre ce genre de prétextes pour que des millions de personnes descendent dans la rue.
Toujours est-il que les mouvements des années suivantes ne furent que de vaines tentatives de reproduire ce qui s’était passé ce printemps-là, avec des prétextes différents. Une génération de militant-e-s qui cherche à retrouver l’ivresse qu’elle avait su s’offrir et dont elle ne pouvait si vite se sevrer. Puis vint la défaite de 2010 contre la réforme des retraites et une longue gueule de bois...

Mars 2016

Bien que le contexte soit différent d’il y a 10 ans, peut-être sommes-nous en train de connaître le début d’un nouveau mouvement social d’ampleur, enfin ! Je souhaite aux lycéen-ne-s, aux étudiant-e-s, de découvrir le bonheur que cela peut produire de bloquer sa fac, son lycée. Ce moment où on décide collectivement que le cours habituel des choses n’a plus lieu d’être. Quant à celles et ceux qui ne sont plus au lycée ou à la fac, avec ou sans travail, espérons qu’ils/elles réussiront également à s’organiser pour mener une lutte dans la durée. Et puis tant qu’à faire, profitons de ce moment d’effervescence pour remettre sur le tapis la question révolutionnaire, et fêter dignement ce dixième anniversaire !

Note

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