« Les policiers existent comme un groupe d’hommes armés qui font régner l’ordre racial en tant qu’il est l’ordre social »

« Notes sur la police et les banlieues », publié sur le blog Carbure (Lutte des classes / Guerre civile / Communisation).

Extrait :

Si les banlieues en France sont aujourd’hui le lieu auquel sont massivement assignés les surnuméraires du capitalisme restructuré, il faut s’entendre sur le terme de « surnuméraires ». Les surnuméraires ne sont pas « de trop », en surplus, ils travaillent. Cependant ils travaillent dans des secteurs où la précarité est endémique, où la flexibilité est la règle, les contrats de courte durée ou simplement absents, etc. Le résultat est là : des banlieues où la population est trois fois plus souvent au chômage qu’ailleurs, isolées des centres-villes convoités par la classe moyenne supérieure, isolées géographiquement mais connectées aux centres-villes où se trouve le travail. Avec le chômage viennent aussi la délinquance et les trafics, et la police a beau jeu de justifier ainsi son action, mais il ne faut pas plaisanter : les banlieues de France ne sont pas le cartel de Medellin, parce que si c’était le cas les policiers ne pourraient pas tranquillement s’y promener par bande de quatre en distribuant des baffes aux gamins. La réalité des banlieues, comme partout ailleurs, c’est le travail, et en l’occurrence, celui dont personne d’autre ne veut.

La police joue là-dedans son rôle, qui est celui de maintenir cet état de choses par la force, en rappelant sans cesse à ceux qui le subissent que ça pourrait être pire encore. Et l’injustice même, quand on la supporte au quotidien, a un sens fonctionnel : qui est prêt à supporter calmement un contrôle policier pour ne pas perdre son travail sera prêt aussi à faire une heure supplémentaire non payée pour le conserver. En ce sens, les cités ne sont pas des zones oubliées, mais des zones particulières, soumises à un traitement particulier.

Ce traitement particulier présente les caractères d’un État policier localisé : la suspicion permanente jetée sur les personnes, la brutalité érigée en mode de gouvernement, la négation des droits qui sont la seule chose qui protège les citoyens de leur propre État, la mise au pas qui est aussi une mise au travail. Cette situation existe de manière répandue dans le monde, elle existe chez nous dans certaines zones.

Au quotidien, dans les banlieues, les policiers existent comme un groupe d’hommes armés qui font régner l’ordre racial en tant qu’il est l’ordre social. Le racisme qu’ils ont dans la tête est immédiatement adéquat à leur fonction. L’injure raciste et la violence ne sont pas des anomalies, mais la règle, comme tous ceux qui ont eu affaire à la police dans la rue le savent.

Il n’y a pas d’une part le racisme individuel des policiers et d’autre part le caractère structurel du racisme : c’est bel et bien la structure raciale générale de cette société qui fait des policiers des individus racistes.

À lire également...